Internat : une quatrième année explosive

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Publié le 15/12/2022
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En septembre, l'exécutif a lâché une bombe à retardement : l'ajout d'une 10 e année d'études pour les futurs généralistes. Tollé chez les juniors.
Les internes ont battu le pavé contre la coercition

Les internes ont battu le pavé contre la coercition
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Le projet de quatrième année d’internat en médecine générale ronronnait dans les tiroirs universitaires depuis 2017, avant de remonter sur scène brutalement lors de la campagne présidentielle.

À l’époque déjà, les candidats à l'Élysée évoquent moins la formation pédagogique des carabins que la nécessité de repeupler les zones fragiles. D’Anne Hidalgo à Valérie Pécresse, l'allongement de l'internat est brandie comme un possible palliatif aux déserts. En mars, le candidat Macron reprend l'idée avec une formulation ambiguë. Le président voit cette 4e année comme un « renfort » dans les zones rurales, sans pour autant que l'obligation soit envisagée.

En quelques mois, le sujet s'impose dans la classe politique. À gauche comme à droite, plusieurs propositions de loi sont déposées en ce sens. Les internes sentent monter la petite musique. Moins de trois semaines après l’élection d’Emmanuel Macron, l’Isnar-IMG vote une motion pour s’opposer à la 4e année précipitée et sans garantie. De son côté, le président de l'Association des jeunes médecins généralistes (AJMG) prévient : « Si on nous impose des conditions géographiques d’exercice, le gouvernement rencontrera une levée de boucliers des internes ».

Rétropédalage

Fin septembre, coup de théâtre. Quelques jours avant la présentation du budget de la Sécu 2023 (PLFSS), le projet gouvernemental d’une 4e année à effectuer en zone sous-dense fuite dans la presse dominicale. Rétropédalage 48 heures plus tard de l'exécutif qui évoque non plus une obligation mais une incitation, tout en insistant sur la nécessité de stages 100 % en ambulatoire. « La médecine générale est la seule spécialité à n’avoir que trois années d’internat », justifient les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur.

Le mal est fait. Les carabins, non concertés, sont vent debout contre l'idée d'un internat allongé à la hussarde pour boucher les trous. « Il s’agit ni plus ni moins qu’un déguisement pour une année d’exploitation supplémentaire », réagit l’Isnar-IMG. Très remontée, l'Intersyndicale nationale des internes (Isni) juge qu'on « essaie d'instrumentaliser les médecins en formation pour répondre à moindres frais aux problèmes complexes de l’accès aux soins ». En quelques jours, l’appel à la grève est lancé.

Ce sera le 14 octobre. Près de 10 000 juniors défilent dans les rues de Paris, Bordeaux ou Strasbourg. La moitié des internes de médecine générale de France se mettent en grève. Rapidement, les juniors obtiennent le soutien unanime de leurs aînés. Pour autant, le gouvernement ne fléchit pas et la grève est reconduite pour un week-end « noir ». À la Toussaint, l’Isni déplore des centaines d’assignations « abusives » d’internes . De nouvelles manifs sont organisées le 17 novembre. Dans le cortège, les jeunes expriment un sentiment de colère mais aussi la dégradation des conditions de travail.

Au fil du parcours parlementaire du PLFSS, l’exécutif concède quelques avancées, sans faire machine arrière sur le stage prioritairement réalisé dans les zones sous-dotées – et à titre exceptionnel en milieu hospitalier. Les internes devront être encadrés par un maître de stage « du bassin de vie ». Les modalités de réalisation de cette année et de rémunération spécifique des étudiants sont renvoyées au cadre réglementaire. Restait à savoir ce que dira le Conseil constitutionnel au sujet de cette réforme inscrite dans une loi de finances. 

Léa Galanopoulo

Source : Le Quotidien du médecin