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Dossier

Tops et flops des choix d'internat en 2022

Les spécialités qui cartonnent... et celles qui ne font pas recette

Par Léa Galanopoulo - Publié le 30/09/2022
Les spécialités qui cartonnent... et celles qui ne font pas recette


Phanie

Certaines se sont arrachées comme des petits pains en quelques jours, comme la chirurgie plastique, la dermatologie ou l'ophtalmologie, d'autres affichent de nombreux postes vacants. Au terme de la procédure définitive de choix, « Le Quotidien » a dressé le palmarès des spécialités les plus prisées des internes. Un classement qui reflète aussi l'attractivité des différentes filières.

Premiers arrivés, premiers servis ! À l’issue de deux semaines d’« amphi de garnison » en ligne, tous les internes avaient acté leurs choix de postes le 16 septembre au soir. Une décision cruciale pour la carrière des quelque 8 600 futurs médecins — hors contrats d’engagement de service public — qui scelle leur spécialité et leur CHU de rattachement.

À la lumière des choix des juniors, « Le Quotidien » a établi un bilan détaillé des disciplines les plus prisées et des plus délaissées. Ce classement repose sur l'indicateur d’attractivité défini par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees, ministère), qui prend en compte les rangs de classement  obtenus par les étudiants à l’issue des épreuves nationales classantes (ECN) et le nombre de postes ouverts dans chaque filière. Plus l'indice d'attractivité se rapproche du chiffre 1, moins la spécialité (ou la subdivision) est attractive.

Rémunération et pénibilité

Sur ces bases, c’est à nouveau la chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique qui caracole en tête des spécialités préférées. En moins de deux jours, les 28 postes offerts dans la discipline avaient trouvé preneurs. Le quatuor de tête reste d'ailleurs inchangé. En deuxième place, on retrouve l’ophtalmologie, suivie de la dermatologie et de la cardiologie. Classée cinquième, la néphrologie signe cette année une belle percée, grimpant de deux places, tout comme la spécialité ORL, qui passe en un an de la huitième à la septième place.

Si le choix d'une spé combine évidemment de nombreux facteurs, le top 10 du palmarès concentre, à nouveau, les disciplines les plus lucratives. La quasi-totalité du haut du classement génère, en libéral, des BNC imposables moyens supérieurs à 100 000 euros par an (sauf la dermatologie) selon les données de la Carmf en 2020 : 145 354 euros pour un néphrologue, 130 707 euros pour un ophtalmo, 127 257 euros pour un cardiologue. « La décision est plus complexe, les jeunes ne choisissent pas une spécialité que pour gagner de l’argent », recadre le Pr Olivier Goëau-Brissonnière, président de la Fédération des spécialités médicales (FSM). Mais il concède qu'« il y a un déséquilibre important de revenus entre filières, avec des écarts considérables ».

Au-delà de la rémunération, le patron de la FSM évoque « un déséquilibre entre les modes d’exercice en ville et à l’hôpital, ce qui fait que les internes prennent en compte la pénibilité de chaque spécialité ». Par exemple,  détaille le Pr Goëau-Brissonnière, « la neurochirurgie (classée 21e, NDLR) et la chirurgie vasculaire (27e) sont des spécialités à risques de litiges, à gardes constantes, avec la hantise de faire mal au malade », et donc demeurent moins prisées que « l’oncologie (10e) où l'on risque moins de vous appeler à minuit ».

Postes vacants

Le bas du classement reste inchangé. Psychiatrie, gériatrie, biologie médicale, santé publique et médecine du travail figurent toujours parmi les spécialités boudées par les internes. Alors qu’elle agrège 40 % des futurs internes (3 388), la médecine générale reste certes cantonnée au bas de classement (39e position) mais remplit, pour la seconde année consécutive, tous ses postes,ce qui constitue un très bon signal.

Ce n'est pas le cas de plusieurs disciplines, qui ne font pas le pas le plein. Ainsi, en novembre, 28 % des postes en santé publique, 22 % en médecine du travail, 23 % en biologie médicale et 17 % en gériatrie resteront vacants. « Pour ces spécialités, on maintient des effectifs importants mais je ne suis pas sûr que l’on ait besoin d’autant de postes », s’interroge le Pr Olivier Goëau-Brissonnière. Il souhaite que les Conseils nationaux professionnels (CNP) puissent évaluer eux-mêmes les besoins. « La ventilation des postes n’est pas assez évolutive, dans certains cas elle n'est pas basée sur les besoins de la population mais sur ceux des services hospitaliers », tacle cet expert.

Avec 534 places offertes, la psychiatrie plafonne en 40e position. Un classement qui cache une bonne nouvelle : seuls 6 % des postes de futurs psychiatres n’ont pas trouvé preneurs, deux fois moins qu’en 2021. « Nous sommes ravis que la tendance s’inverse ! », réagit Ilia Humbert, interne en psychiatrie et présidente de l’association française fédérative des étudiants en psychiatrie (Affep). Ce regain pourrait s’expliquer par « l'augmentation de l’intérêt des jeunes pour les questions de santé mentale ». « Avec la prise de conscience pendant la crise Covid, il y a peut-être aussi moins de stigmatisation de la psychiatrie en population générale, mais aussi chez les externes », imagine Ilia Humbert.

TopsFlops

 

Lyon et Rennes, des CHU qui séduisent

Côté CHU, ce sont une fois encore les Hospices civils de Lyon (HCL) qui caracolent en tête des établissements préférés des jeunes, si l’on se réfère au rang médian des internes affectés. Doyen de la fac de médecine Lyon Est, le Pr Gilles Rode se félicite du succès réitéré de sa ville et met en avant la qualité de la formation. « Nous proposons par exemple des simulations très poussées pour les futurs chirurgiens et favorisons les projets de recherche pour les internes qui le souhaitent », vante le doyen.

La faculté a également misé sur la prévention des risques psychosociaux. « Depuis un an, chaque interne qui prend ses fonctions à l’hôpital a systématiquement le droit à une visite médicale pour parler de sa santé physique mais surtout psychologique », illustre le Pr Rode. « On ne peut pas bien s’occuper des patients si on ne s’occupe pas bien de soi-même », rappelle-t-il. Cette année, l’Université de Lyon 1 a par ailleurs lancé son « internat solidaire ». Pour un loyer de 350 euros/mois, les internes qui débarquent à Lyon pourront se loger « et partager leur temps avec d’autres jeunes, en difficulté », détaille le doyen.

À Rennes cette fois, deuxième ville préférée des carabins — devant Montpellier, Grenoble et Bordeaux — le doyen affiche là aussi la qualité du cursus médical. Le CHU se démarque en médecine générale grâce à une « équipe enseignante très engagée pour adapter les parcours de formation aux projets individuels des internes », assure le Pr Éric Bellissant. Et comme son homologue lyonnais, le doyen de la fac de médecine rennaise insiste sur l'attention au bien-être des internes, « à leur épanouissement personnel et professionnel », un puissant facteur d'attractivité. 

L. G.