Une fois de plus, l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) tire la sonnette d'alarme sur les conditions de travail des carabins. Dévoilées ce jeudi, deux enquêtes d'ampleur* réalisées par ses soins sur le statut d'étudiant hospitalier et la précarité passent au peigne fin la vie des jeunes médecins à l'hôpital. « Les droits des étudiants hospitaliers sont bafoués dans une très grande majorité des CHU », gronde l'ANEMF, qui réclame des actions « de toute urgence pour remédier à cette situation inacceptable ».
Temps de travail dépassé
Deux types de fonctionnement coexistent lors de l'externat : les UFR temps plein ou les étudiants alternent une semaine de stage (10 demi-journées) et une semaine de cours ; les UFR temps partiel avec stage le matin et cours l'après-midi. Depuis 2015, le temps de travail des étudiants hospitaliers est limité à 48 heures hebdomadaires. Toutefois, dans 42,9 % des UFR, soit 15 d'entre elles, cette limite est dépassée. Dans 27 UFR (77,1 %), les terrains de stage ne permettent pas la récupération d'une demi-journée d'astreinte (en cas de travail le samedi), ce qui contribue à un dépassement franc des 48 heures travaillées.
Ce non-respect du temps de travail joue également sur le temps de présence en cours. Dans plus d'une fac sur deux des UFR en temps partiel, les étudiants ont du mal à se libérer à temps pour rejoindre leurs cours. « Il est inacceptable que certains étudiants doivent amputer leur formation facultaire à cause d’une mauvaise organisation des services hospitaliers », gronde l'ANEMF.
Gardes : le (gros) point noir
Si les gardes sont très bien cadrées par la loi, les établissements prennent certaines libertés en ce qui concerne leur organisation et leur rémunération. Les externes ont l'obligation de réaliser 25 gardes sur 36 mois de formation. Gros point noir : dans 11,4 % des UFR, les carabins n'effectuent pas leur quota. Côté rémunération, surprise, un CHU sur quatre ne rémunère pas les gardes de nuit à 52 euros et un sur cinq ne règle pas plus la facture de 104 euros aux externes en cas de gardes de 24 heures. Hors CHU, même combat : 37,1 % des gardes sont faites pour la gloire. Des pratiques « strictement illégales », rappelle l'ANEMF. Des retards de paiement de plus de deux mois sont aussi à noter dans plus de la moitié des CHU.
À cela s'ajoutent des horaires (18 h 30-8 h 30) fluctuants : 71,4 % des CHU sont hors les clous. « De nombreux CHU définissent que certaines gardes s'arrêtent à minuit. Par conséquent, ils décrètent qu'ils ne rémunèrent pas ces lignes de gardes ou refusent le repos de sécurité. Une autre dérive est la création de lignes de gardes débutant le samedi à midi et se terminant le lendemain, ce qui rallonge la durée de la garde de nuit d'une demi-journée sans augmentation de la rémunération », détaillent les carabins. Quelques gardes sont mêmes placées pendant la période de cours (46,4 % des CHU) ou la veille d'un partiel (22,2 %). Enfin, 42,9 % des CHU n'ouvrent pas droit au repos de sécurité. « Un étudiant fatigué est un étudiant dangereux », se désole l'ANEMF.
L'enquête révèle également l'ampleur des mises en place des demi-gardes (se terminant à minuit ou s'effectuant le samedi après-midi) non réglementées. Elles existent dans 62,9 % des UFR et ne sont rémunérées que dans un cas sur deux. Les jeunes réclament le versement systématique de 26 euros par demi-garde.
Des stages coûteux et éloignés
Même si les externes touchent un salaire (voir-ci contre) pour leur activité hospitalière au cours de leur second cycle d'études, cette rémunération reste « dérisoire » pour l'association qui plaide pour une révision. « La gratification d'un étudiant stagiaire est de 3,75 euros net horaire contre un montant horaire de 1,29 euro brut pour l'étudiant en 4e année de médecine », justifie l'association. Pour compléter leurs revenus, 17,6 % d'entre eux ont un job étudiant à l'année et 25 % travaillent occasionnellement.
Le transport est une autre préoccupation. La distance constitue un frein lors du choix d'un stage situé à plus de 15 km de l'UFR pour 61,7 % des carabins. Plus d'un tiers déclare avoir connu des difficultés financières à cause de frais de transport engagés. Trois quarts des jeunes n'ont pas perçu l'indemnité mensuelle de 130 euros à laquelle ils ont pourtant droit. « Bien trop insuffisante pour permettre à l’étudiant de se loger lorsque cela est nécessaire », cette indemnité doit être revalorisée à hauteur de 200 euros, plaide l'ANEMF. Qui rappelle au passage que 66,7 % des facultés ne fournissent ni aides au transport, ni aide au logement.
*Enquêtes réalisées auprès des élus UFR de 35 facultés de médecine entre octobre 2018 et septembre 2019 et auprès de 8 049 étudiants en médecine de février à avril 2019
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