Repérer tous les signaux de mal-être chez les étudiants en santé pour mieux les prendre en charge. Lors de son septième colloque national, l'association Soins aux professionnels de santé (SPS) – dont l'écoute téléphonique est désormais ouverte aux jeunes – a plaidé avec gravité pour un meilleur repérage des signes avant-coureurs de la dépression chez les étudiants, à l'heure où de nombreuses études pointent la dégradation de leur état de santé mentale.
« Il est aujourd'hui indispensable de former les étudiants à la santé mentale, a plaidé Myriam Laurier, vice-présidente chargée de la santé mentale à la Fédération nationale des étudiants en kinésithérapie (Fnek). Il faut inclure des modules sur les risques psychosociaux et former des personnes compétentes pour le repérage. La santé mentale est souvent taboue chez les soignants, mais la crise sanitaire a levé le voile. Il faut renforcer et pérenniser sa prise en charge chez les soignants et étudiants. »
« Étudiants qui souffrent = patients mal soignés »
Lors du colloque de SPS, ce constat a été partagé par Laurence Feray-Marbach, fondatrice de la Ligue pour la santé des étudiants et internes en médecine (Lipseim) et dont la fille, interne à Lyon, avait mis fin à ses jours en 2019. « Tous les signes avant-coureurs de l’épuisement professionnel étaient là, mais malheureusement personne n'avait été formé à les reconnaître, a expliqué cette DRH de profession qui dénonce l'omerta autour du suicide des jeunes en formation à l'hôpital. Je ne supporte plus de voir les étudiants en médecine qui mettent fin à leurs jours. Et des étudiants qui souffrent, ce sont des patients mal soignés. »
La fondatrice de la Lipseim appelle une nouvelle fois à agir à la racine du mal : respect strict du temps de travail des étudiants et des internes (avec des sanctions en cas de dérives dans les services), amélioration des conditions de travail durant les stages, mesures systématiques de prévention précoce mises en place par les directions de l'hôpital, observatoire produisant des statistiques fiables…
Le sommeil, un baromètre
Parmi les signaux d'alerte, il y a le sommeil « pilier et baromètre de notre santé », indique la Dr Sylvie Royant-Parola, psychiatre et présidente du Réseau Morphée. « Chez les étudiants, un mauvais sommeil peut être le signe de décompensations psychotiques, c'est un signal d'alerte pour nous dire que quelque chose ne va plus sur le plan de l'équilibre psychique », rappelle cette spécialiste, qui a mené une enquête édifiante en avril et mai 2021 – pendant le troisième confinement – auprès de 1 221 étudiants. 80 % d'entre eux faisaient état de troubles de l'endormissement, 77 % mentionnaient un sommeil léger et 61 % avaient subi des insomnies sévères, avec pour conséquence un score de somnolence augmenté. Corrélés à une exposition accrue aux écrans et à une moindre exposition à la lumière du jour, ces troubles augmentent le taux de dépression, précise la psychiatre.
« Les étudiants n'y vont pas »
Pour prévenir ces risques psychosociaux, des formations spécifiques existent, comme les premiers secours en santé mentale (PSSM), sur un modèle australien mis en place dès 2001.
Ces derniers mois, divers programmes ont été développés dans les facultés et pris en charge par l'Assurance-maladie, dont les « chèques psy » qui ont bénéficié à 38 000 étudiants. « Il existe de nombreux dispositifs nationaux, et au sein même des universités, mais ils sont encore peu connus des étudiants, cela mériterait une harmonisation, regrette toutefois le Pr Jean Sibilia, doyen de la faculté de médecine de Strasbourg. On se rend compte qu'il y a beaucoup de choses mais que les étudiants n’y vont pas. Il faudrait plus "aller vers" et tendre la main aux étudiants, car pour l'instant, nous sommes peu performants dans les situations les plus graves et difficiles. »
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