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Dossier

Pr Lionel Collet, président du CNCP

« Je souhaite que la certification s’articule au mieux avec l’obligation de DPC »

Par Aurélie Dureuil et Amandine Le Blanc - Publié le 03/10/2022
« Je souhaite que la certification s’articule au mieux avec l’obligation de DPC »


WITT/ PHANIE

Le 1er janvier prochain marquera l’entrée en vigueur de la certification périodique pour les médecins. Contenu, application, financement… : de nombreuses questions restent en suspens. Le Pr Lionel Collet, président du Conseil national de la certification périodique (CNCP), apporte des clarifications et détaille ce qu’il reste à faire.

La certification périodique des professionnels de santé doit se mettre en place au 1er janvier. Où en est-on aujourd’hui du dispositif ?

Pr Lionel Collet : Lors de la Grande Conférence de la santé de 2016, pour laquelle j’étais copilote avec Anne-Marie Brocas (ancienne présidente du Hcaam, ndlr), une des mesures proposait déjà la recertification. Aujourd’hui, nous parlons de certification périodique et non pas de recertification car les médecins ne sont pas certifiés une première fois. Suite à cela, toute une procédure avait été mise en place avec une mission confiée au Pr Serge Uzan. La certification a été introduite dans la loi santé Agnès Buzyn de 2019, qui a renvoyé à une ordonnance les modalités de mise en œuvre. Ordonnance publiée en juillet 2021, qui a encadré ce qu’allait être la certification. Mais certaines mesures réglementaires doivent encore être prises. À ce jour, il y a eu l’arrêté qui nomme le président du Conseil national de la certification périodique (CNCP). Puis le décret de composition du CNCP, suivi de l’arrêté, plus précis, avec la liste des personnes en septembre. Et, enfin, un décret paru récemment a nommé l’Agence du numérique en santé (ANS) comme l’autorité chargée de la gestion des comptes individuels. En revanche, à ce jour, il n’y a pas eu de décret en Conseil d’État sur le contenu précis et le périmètre. Mais c’est logique, il s’agit de textes soumis à concertation donc cela prend plus de temps.

À partir du 1er janvier 2023, quelles seront les nouvelles obligations pour un généraliste en activité ?

Pr L. C. : Aujourd’hui, tout médecin a une obligation triennale de DPC. À partir du 1er janvier 2023, il aura également une obligation de certification tous les six ans. Un généraliste déjà en fonction aura neuf ans pour se faire certifier la première fois et, ensuite, devra le faire tous les six ans. L’ordonnance prévoit que pour être certifié, un médecin réalise un certain nombre d’actions. Il y a quatre blocs d’actions : l’actualisation des connaissances, le renforcement des pratiques professionnelles, les relations avec les patients et la santé personnelle. Ce qui doit encore être défini, c’est le contenu réel. Malgré tout, l’ordonnance précise déjà que les actions du DPC, de l’accréditation ou de la formation continue seront prises en compte, sous réserve qu’elles soient dans les référentiels. Il va revenir à chaque CNP, donc pour les généralistes au Collège de la médecine générale (CMG), de définir le référentiel exigé pour la discipline. Il doit être réalisé en respectant la méthodologie proposée par la Haute Autorité de santé (HAS), publiée cet été, et les orientations scientifiques que le CNCP doit fixer. Le CNCP va également devoir rendre un avis sur la méthode d’élaboration des référentiels telle que l’a proposée la HAS.

Que devra faire un généraliste pour être certifié ?

Pr L. C. : Le but de la certification concerne d’abord le patient. Il est de garantir la qualité des soins partout sur le territoire et sur toute la durée de la carrière du professionnel. Ce que l’on ignore encore, ce sont les actions qui seront prises en compte. Les actions de DPC pourront l’être, sous réserve qu’elles soient dans les référentiels de la profession. La logique voudrait qu’il y ait une proximité entre les deux mais les référentiels pourront proposer des actions qui ne sont pas dans le DPC, complémentaires. Pour le bloc de l’actualisation des connaissances, nous sommes clairement sur du DPC, de la formation, des diplômes, etc. Sur les pratiques professionnelles, on peut envisager la participation à des réunions de concertation pluridisciplinaire, par exemple. Pour la relation avec les patients, cela peut paraître nouveau mais ça ne l’est pas tant que ça. Il peut y avoir beaucoup d’approches ; aussi bien des approches d’auto­évaluation que la participation active à des réunions de patients, par exemple. Sur le bloc de la santé du praticien, cela pose plusieurs questions : avoir un médecin traitant, c’est un élément qui pourrait être pris en compte, ou encore suivre des formations pour sa propre santé sur la gestion du risque et des risques psychosociaux.

La même importance sera-t-elle donnée à chaque bloc de la certification ?

Pr L. C. : L’ordonnance demande que les quatre blocs soient d’une manière ou d’une autre validés. Mais est-ce que nous allons demander autant d’actions pour le bloc de l’actualisation des connaissances que pour celui de la santé personnelle ? Je ne le crois pas. Il devrait y avoir une pondération plus importante sur la partie strictement professionnelle : connaissances, compétences. Et on ne pourrait pas, à mon avis, certifier quelqu’un qui a porté l’ensemble de ses actions sur sa santé personnelle au détriment des connaissances et compétences. Il y aura un équilibre à trouver.

Il reste encore beaucoup à faire. Quelles sont les prochaines étapes pour la mise en place du dispositif ?

Pr L. C. : La suite, c’est ce décret en Conseil d’État qui va définir le contenu mais aussi le périmètre, car il peut y avoir des professions médicales moins concernées par la certification, comme des médecins qui travaillent dans l’industrie. Cela ne veut pas dire qu’on ne doit pas les certifier, mais peut-être que certains blocs n’ont pas le même sens que pour d’autres. Je pense aussi aux médecins de la Sécurité sociale ou autres. Mais la logique veut que dès qu’un médecin est au contact de patients dans sa pratique, il réponde à la certification. Donc, aujourd’hui, les vrais enjeux pour le CNCP sont simples : définir les stratégies, le déploiement, les orientations scientifiques. Je n’ai pas de visibilité sur le calendrier de publication du décret. Ce que je souhaite, en revanche, c’est que notre propre avis sur la méthode proposée par la HAS arrive dès nos premières réunions et que, sur les orientations scientifiques, nous travaillions avec les commissions professionnelles.

Avant que le CMG puisse travailler sur les référentiels, vous devez donc fixer les orientations scientifiques ?

Pr L. C. : Il ne s’agit pas d’une orientation prioritaire, comme on l’entend pour le DPC. Nous renvoyons davantage à une dimension de qualité de l’offre de formation : du contenu, du formateur, de l’évaluation. La HAS, dans ce qu’elle a publié, même si elle ne l’affiche pas tel quel, donne déjà des orientations scientifiques de par son niveau d’exigence de qualité. En revanche, c’est plutôt le travail des CNP de s’assurer de la proximité avec les orientations prioritaires du DPC.

Tout sera-t-il opérationnel d’ici au 1er janvier ?

Pr L. C. : La certification entre en vigueur au 1er janvier mais on raisonne sur six ou neuf ans. J’ose espérer que tout sera clarifié en début d’année. Pour qu’un généraliste sache, quand il réalise une action, si elle est aussi prise en compte au titre de la certification…

Comment la certification va-t-elle s’articuler avec le DPC ?

Pr L. C. : Ce que je souhaite, c’est que nous ayons une simplicité du processus pour que la certification s’articule au mieux avec l’obligation de DPC. Il faudrait un système assez naturel dans lequel l’action prise en compte s’inscrive dans le compte individuel du professionnel géré par l’Agence nationale du DPC (ANDPC), et il revient ensuite à l’Ordre de contrôler le respect des obligations.

Entre le portfolio pour le DPC et la nouvelle plateforme pour la certification, n’y a-t-il pas un risque d’empilage pour les professionnels de santé ?

Pr L. C. : La logique veut qu’il y ait de l’inter­opérabilité, de manière à ce que, dans le compte du professionnel de santé, ce qu’il aura conduit au titre du DPC, si cela fait partie du référentiel pour la certification, apparaisse dans son compte individuel de certification. C’est donc un travail que doit mener l’ANS avec l’ANDPC pour que ce soit simple. Je ne conçois pas qu’il ne puisse pas y avoir un lien étroit entre les deux.

Comment va se dérouler le contrôle de l’obligation, quelles sanctions sont prévues ?

Pr L. C. : C’est l’Ordre qui contrôle le respect de l’obligation. Ce que j’espère, c’est que cela se fasse de manière automatique. Ce n’est pas du qualitatif, le professionnel a rempli le bon nombre d’actions, c’est sur son compte, l’Ordre a juste à regarder. Un algorithme devrait être capable de détecter si on ne remplit pas l’obligation. L’ordonnance a prévu que le non-respect de l’obligation soit une faute. C’est maintenant à l’Ordre de décider ce que l’on fait face à une faute. Ce qui relève de l’insuffisance professionnelle est déjà prévu par l’Ordre. Mais ce que je cherche, c’est bâtir un système qui soit opérationnel et simple et où la question de ceux qui ne seront pas certifiés soit la plus rare et marginale possible.

Pour un généraliste qui compte partir en retraite d’ici neuf ans, sa situation ne risque-t-elle pas de le décourager de s’engager dans un processus de certification ?

Pr L. C. : Chacun sera libre. Celui qui sait qu’il a neuf ans pour le faire et qui a prévu de s’arrêter au bout de ces neuf ans devra quand même répondre à son obligation de DPC triennal pendant cette période. Il a donc tout intérêt à entrer dans la certification, d’autant plus s’il demande ensuite un cumul emploi-retraite. Il n’est pas prévu qu’un médecin retraité mais actif puisse ne pas être certifié, il n’y aurait aucune logique à cela puisque le but reste le même : celui de la qualité du professionnel.

La certification pose aussi la question du financement de la formation. Qu’est-il prévu de ce côté-là ?

Pr L. C. : Sur le financement, un texte spécifique est prévu. Une mission a été confiée à l’Igas sur la question. La certification a un coût et certains généralistes vont devoir suivre des actions qu’ils n’auraient pas suivies autrement. Le DPC finance un certain nombre de choses, il va falloir regarder ce qui vient en plus.

Quels garde-fous ont prévus pour éviter des dérives commerciales autour de la certification ?

Pr L. C. : Ce sera le rôle de l’instance collégiale du CNCP, nous devons veiller à ce que ceux qui interviennent dans le processus de certification n’aient aucun lien d’intérêts. Nous devons aussi nous assurer du respect des principes déontologiques et scientifiques. Nous aurons à rappeler qu’il doit y avoir des règles de qualité. Je conçois que, pour beaucoup, la certification puisse être considérée comme une aubaine pour offrir de la formation. Le tout est qu’elle soit au niveau de ce qui est attendu.

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