Agir pour « transformer son anxiété en optimisme ». C’est une des raisons qui a poussé le Dr Juliette Fernoux, généraliste à Mâcon (Saône-et-Loire), à s’engager sur les thématiques de santé environnementale et planétaire en parallèle et au coeur de son exercice.
Sensibilisée à titre personnel aux problématiques écologiques, la praticienne de 33 ans a bien du mal à raccrocher ces préoccupations avec sa future pratique lors de ses études de médecine à Lyon.
« J’ai toujours été attirée par la prise en charge globale du patient et une approche préventive également. J’étais déjà éveillée sur le plan personnel sur l’écologie mais c’est en fin d’externat que j’ai commencé à vouloir faire le lien avec la médecine », raconte-t-elle.
Mais force est de constater que le sujet est à l’époque absent des études de médecine. « Tout ce qui se rapporte aux facteurs de risques environnementaux, ce sont les derniers tirets dans les causes des maladies telles qu’on nous les enseigne. Cela m’a perturbé. Au cours de l’internat j’ai eu un peu une crise de sens en me disant : on nous apprend plein de choses pointues mais la prévention basique nous n’avons plus le temps de la faire », déplore-t-elle.
De la difficulté de s'informer
À la fin de son internat, la généraliste d’aujourd’hui 33 ans débute une période de quatre ans de remplacement un peu partout en Rhône-Alpes. Pendant cette période, elle s’interroge beaucoup sur la façon d'agir.
« Surtout que j’étais en discordance avec mon entourage médical proche car quand on commence à s’interroger sur des domaines dont on ne parle pas du tout dans le cursus universitaire, au début on passe un peu pour une extraterrestre ou une radicaliste », confie-t-elle.
En se renseignant sur ce qui existe elle découvre ainsi l’association Santé environnement France (Asef) ou Alliance Santé planétaire puis le collectif Peps’l (Prévention environnement professionnels de santé de la région Lyonnaise). Mais elle fait malgré tout le constat que quand on est médecin et qu’on s’intéresse au problème, cela peut être chronophage et compliqué de trouver les ressources pour bien se former et les contacts pour rejoindre un mouvement de groupe.
« C’est le constat que j’avais fait en 2018, aujourd’hui sur les mêmes recherches on trouve plus facilement les réseaux même si les ressources documentaires peuvent être dispersées. Aujourd’hui pour chaque sujet, il y a des plateformes qui nous permettent de tout savoir en cliquant mais pas dans ce domaine », regrette-t-elle.
Son statut de remplaçante de l’époque, ne lui permettait pas non plus de pouvoir agir comme elle le souhaiterait. « Quand on remplace à un endroit pendant 15 jours, on ne va pas pouvoir mettre en place des choses avec des patients qu’on ne connaît pas. J’apprenais beaucoup sur le sujet, mais je ne pouvais pas l'appliquer dans mon travail ».
Donner des clés pour agir au quotidien
Lui vient alors l’idée de parler de santé environnementale sur les réseaux sociaux. En 2020 elle crée donc sur Facebook et Instagram la page Doctogreen.
Avant de passer à l’action, le Dr Fernoux a dû surmonter un complexe d’illégitimité « si personne n’en parle, pourquoi moi ? » « Et puis sur les réseaux sociaux, c’est public, il faut assumer ses propos », ajoute-t-elle.
Sur ses pages, la généraliste y publie trois types de contenus : ce qu’il faut savoir sur différents sujets, comment agir dans mon quotidien et ce que font les autres professionnels de santé engagés dans ce domaine. « Quand on voit les autres initiatives, cela peut motiver à changer soi-même sa pratique », explique-t-elle.
L’objectif est de s’adresser à la fois aux professionnels de santé et au grand public car de toute façon sur ces sujets-là leur niveau de connaissance se rejoint.
« La plupart des professionnels de santé ne sont pas au fait de ces questions-là. Et puis entre avoir connaissance de quelque chose et maîtriser le sujet pour pouvoir informer ses patients ce n’est pas pareil. »
Ceux qui sont abonnés à ses pages sont déjà sensibilisés, afin de toucher un public plus large. Le Dr Fernoux essaie donc également d’aller publier sur d’autres pages : celles des facultés ou des groupes Facebook comme Le divan des médecins.
« Je suscite le débat. Il faut parfois être accrochée et avoir du répondant quand il y a des commentaires désagréables », souligne-t-elle.
Un temps de mission consacré
Depuis janvier dernier, la généraliste s’est installée dans un des centres de santé du département de Saône-et-Loire à Mâcon.
Une installation qui l’a beaucoup accaparée et explique qu’elle a eu un peu moins de temps à consacrer à Doctogreen. Si elle avoue devoir trouver une organisation pour pouvoir continuer à y publier plus régulièrement, son installation n’a pas marqué la fin de son engagement dans ce domaine. Au contraire, elle lui permet de mettre en place des actions concrètes dans sa pratique.
Le département a signé une charte contre les perturbateurs endocriniens en mars dernier et depuis un mois elle a donc un temps de mission santé environnement dédié dans son temps de travail. En début d’année, elle a passé un DU de santé environnementale à Créteil pour faire valoir de manière administrative sa qualification à parler de ces thématiques. Huit heures par mois dans son temps de travail sont sanctuarisées pour développer des missions.
« Nous ne pourrons pas tous en parler en consultation, surtout avec les années qui viennent et qui s’annoncent difficiles, explique-t-elle. Donc je vais essayer de créer des ateliers collectifs de sensibilisation et d’information, axés sur des thématiques de prévention petite enfance, périnatalité, femmes enceintes. Car ce sont les populations les plus exposées ».
« Tout est à faire, confie-t-elle. Mais tout ça, je n’aurais pas pu le réaliser, en cabinet libéral seule. Le fait d’être en structure de groupe me le permet ».
Son temps de mission se développera autour de trois axes : la sensibilisation de ses collègues, la sensibilisation des patients autour des ateliers notamment et comment rendre la structure du centre de santé plus écoresponsable.
Tout un programme donc qui ne l’empêche pas d’avoir aussi des envies pour continuer à alimenter Doctogreen, y compris avec d’autres formats que l’écrit.
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