C’est un bâtiment du CHU de Clermont-Ferrand qui pourrait ressembler à n’importe quel autre bâtiment du site. Avec sa façade en crépi aux tons beiges et gris, l’internat de médecine ne dépareille pas avec l’architecture environnante et se fond même parfaitement dans la masse. Seules ses grandes fenêtres et ses nombreux balcons laissent deviner qu'il s'agit bien d'un lieu de vie.
Implanté juste en face de la morgue de l'hôpital et à moins de 20 mètres de l'entrée des urgences, ce bâtiment imposant héberge pourtant en son sein les futurs médecins de demain. « Chaque année, environ 200 internes en médecine ou en pharmacie y sont logés », explique Thérèse, secrétaire d'intendance de l'internat depuis 1992, affectueusement surnommée « la maman de l'internat » par les carabins. « Ils m'ont offert un sweat avec cette inscription », sourit-elle.
Autrefois, cette structure, qui comprend officiellement 96 logements (du T1 au T3) répartis sur huit étages, pouvait accueillir bien plus d'internes qu'aujourd'hui. « Avec le temps, le bâtiment s'est gravement détérioré : l'hôpital n'a effectué aucun entretien sérieux et, désormais, tout part en ruine. Lorsqu'un problème survient, il ne s'agit que de rafistolages. Il est impensable de les loger dans de telles conditions, ça me rend malade », déplore Thérèse, qui constate avec amertume « l'indifférence » de l'administration à l’égard des internes. Selon la gardienne des lieux, cette année, seuls 80 logements sont encore habitables. « Les autres ont été condamnés car ils sont dans un état désastreux et représentent un véritable danger pour les étudiants. »
On entre dans cet internat comme dans un moulin… »
Alban Meunier, représentant syndical des internes de Clermont-Ferrand
Pour accéder au bâtiment datant des années 1970, construit quelques années après le CHU, il suffit de connaître le code d'accès du digicode. « Il a été installé il y a environ dix ans par l'hôpital, à la suite d'un drame. Une interne a été violée dans sa chambre de garde par un individu qui est entré par effraction dans le bâtiment. Après cet incident, l'hôpital a décidé de prendre des mesures », raconte Alban Meunier, représentant du syndicat local des internes, rencontré sur place. Mais malgré l’installation de ce système, les problèmes d’insécurité ont perduré, rendant le quotidien de ces jeunes particulièrement pesant. « L’an dernier, nous nous sommes cotisés pour acheter une belle machine à café mais elle a aussitôt été volée, illustre l’interne de psychiatrie. Ici, les vols sont très fréquents, des personnes extérieures à l’hôpital viennent par exemple se servir dans les frigos du self ; tout le monde sait qu’on entre dans cet internat comme dans un moulin… »
Insalubrité à tous les étages
Outre ces défaillances de sécurité, de graves carences se constatent à l’intérieur même des murs de l’internat : fils électriques à nu, murs décrépis, présence d’amiante dans les sols et les plafonds, fuites à répétition, problèmes d’isolation dus à des fenêtres en simple vitrage qui se brisent facilement, balcons extrêmement fragilisés et, par le passé, infestations de cafards et de rats… Les nerfs des résidents sont mis à rude épreuve. « Je me souviendrai toujours de ma première nuit, se remémore Théo Ankri, interne en radiologie et président du syndicat local. C’était il y a un an, la veille de ma rentrée en tant qu’interne. Il pleuvait littéralement dans l’appartement. À 4 heures du matin, j’essayais tant bien que mal, avec mon colocataire, d’éponger l’eau. En plus de ça, l’évier fuyait. Heureusement qu’on a pu déménager le lendemain. »
Pour autant, avec des prix imbattables (environ 150 euros par mois pour un studio et 460 euros pour un T3) et son ambiance conviviale, l’internat de médecine de Clermont-Ferrand reste un atout majeur pour attirer les jeunes en formation, dont la rémunération mensuelle ne dépasse guère 1 400 euros net. « De nombreux néo-internes qui ont le choix entre des villes comme Dijon, Limoges et Clermont-Ferrand vont préférer Clermont car il y a un internat, cela joue dans la balance, assure Alban Meunier. Le jour où l’on perd cet internat, on n’a plus aucun argument pour accueillir les étudiants car l’attractivité de la ville est déjà parmi les plus basses de toute la France. »
Contactée, la direction du CHU de Clermont-Ferrand assure être « pleinement consciente » de l'état préoccupant de l’internat, évoquant un budget nécessaire de 14 millions d’euros pour une rénovation complète. « Nous savons que le bâtiment est dégradé et nous avons la responsabilité d’assurer d’abord la sécurité des étudiants hébergés », souligne Valérie Durand-Roche, directrice générale du CHU. La direction, qui a suspendu les rénovations ponctuelles de certains appartements, explore plusieurs solutions, y compris des partenariats financiers et une restructuration in situ. Une enquête auprès des internes a été menée pour mieux cerner leurs besoins. En attendant, des travaux de sécurisation, notamment sur les balcons, sont en cours, mais aucune décision définitive n’a été prise. « Il faudra choisir une solution que l’on peut soutenir financièrement, résume la directrice générale. Pour l’instant, il est clair que nous n’avons pas le financement nécessaire. »
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