Il est 8 h 30, ce mercredi 13 décembre, à Orléans, lorsqu’un premier groupe de cinq étudiants en deuxième année de médecine investit le centre de simulation flambant neuf, situé dans les murs de l’ancien hôpital de la ville, aujourd’hui transformé en CHU.
L’air comme les esprits sont vifs. Au programme, à cette heure matinale, un cours pratique de sémiologie axé sur la palpation abdominale, pulmonaire et cardiaque. « Vous entendez bien le pouls ? », lance la Pr Carine Salliot à son auditoire. La professeure en rhumatologie se réjouit de cette formation en comité réduit. C’est, de fait, l’un des atouts forts de la toute nouvelle fac de médecine. Du moins jusqu’à ce que petite université devienne grande.
Bataille des élus
Avant la création de cette structure, qui a ouvert ses portes il y a moins deux ans, le Centre-Val de Loire ne comptait qu’une unique fac de médecine, localisée à Tours. Une incongruité au regard de la pénurie médicale qui sévit dans la région, où la densité de médecins généralistes s’établit à 103,7 pour 100 000 habitants, soit le niveau le plus faible en France métropolitaine. À la manœuvre, les élus locaux ont bataillé pour obtenir l’autorisation d’ouvrir une seconde université, l’une des meilleures solutions à leurs yeux pour remédier aux difficultés d’accès aux soins de la population. Car ce sont souvent d’anciens carabins et internes qui s’implantent durablement ou reviennent s’installer sur le lieu de leurs études.
Le maire LR de la cité johannique, Serge Grouard, en avait même fait une affaire personnelle. « Je me suis battu pendant vingt ans pour obtenir la création d’un CHU et d’une université ! », lançait-il en 2022, quelques mois après le feu vert de Jean Castex. En février de cette même année, l’ancien Premier ministre officialisait en effet la transformation du Centre hospitalier régional d'Orléans (CHRO) en CHU et la création d’une fac de médecine dès la rentrée de septembre 2022 – en partie pour contrer le projet d’ouverture d'une antenne privée de la fac de médecine de Zagreb dans la métropole. Cette annonce s’était accompagnée de l’engagement d’augmenter sensiblement le nombre de médecins formés en Centre-Val de Loire, avec 500 places par an ouvertes au concours à horizon 2025 (réparties entre le CHU de Tours et celui d'Orléans) – contre 300 actuellement.
« Nous avons travaillé d’arrache-pied pendant plusieurs mois pour préparer la rentrée universitaire », se remémore Éric Duverger, directeur du département de la formation médicale de la faculté d’Orléans. Si le parcours L.AS (licences d’accès santé) était déjà en place depuis la rentrée 2020 et l’entrée en vigueur de la réforme du 1er cycle des études de santé (R1C), la filière Pass (parcours d'accès spécifique santé) restait à bâtir.
Au total, pour sa première rentrée en septembre 2022, la jeune université de médecine avait accueilli 115 étudiants en Pass et 355 en L.AS. Cette année, 135 et 390 places ont été respectivement proposées.
Réussite à consolider
Dix-huit mois après le début de l’aventure, la réussite est-elle au rendez-vous ? Sur l’ensemble de la première promo orléanaise, seuls 19 élèves (2 en Pass et 17 en L.AS) ont franchi le cap de la très sélective première année. Un taux de réussite légèrement moindre qu’à Tours [et en dessous de la moyenne nationale, NDLR] qui s’explique de plusieurs façons. « Tout est allé très vite. Nous avons dû créer cette formation en à peine un an. Malgré la qualité de notre enseignement, nous gagnons encore à nous faire connaître par les lycéens », reconnaît Éric Duverger.
Nous avons reçu d’excellents dossiers cette année, le tri a donc été plus sélectif, ce qui augure de meilleurs résultats »
Éric Duverger, directeur du département de la formation médicale de la faculté d’Orléans
Par ailleurs, « le lycée Saint-Charles [établissement privé d’Orléans, NDLR] envoie tous ses très bons élèves en Pass à Tours », ce qui expliquerait, selon le professeur de biologie, cet écart de réussite entre les deux facultés. Mais grâce à la visibilité gagnée en un an par la formation orléanaise, cette tendance pourrait s’inverser. « Nous avons reçu d’excellents dossiers cette année, le tri a donc été plus sélectif [3 700 étudiants ont déposé un dossier d’inscription pour un Pass ou une L.AS, contre 1 500 l’an dernier], ce qui augure de meilleurs résultats », espère l’enseignant.
Dans le même temps, une deuxième année [DFGSM2, NDLR] a donc été inaugurée à la rentrée 2023, avec 50 places au total. La majorité (31 étudiants) est issue d’un Pass ou d’une L.AS de l’université de Tours. C’est notamment le cas de Yasmine, étudiante de 19 ans originaire du Maroc, venue tenter sa chance l’an dernier à Tours, en Pass. « Mes résultats étaient bons mais pas assez pour rester à Tours, j’ai donc été transférée à Orléans », précise l’étudiante.
Particularités orléanaises
Ce changement de ville ne s’est pas opéré de gaieté de cœur. « Tous mes amis sont à Tours », confie Yasmine. Mais le temps aidant, la jeune femme trouve de nombreux avantages à sa nouvelle situation. « Le fait d’être une promotion de 50 [contre 396 à Tours, NDLR] présente beaucoup d’atouts. En travaux dirigés, nous sommes en petits groupes, ce qui permet d’apprendre mieux et plus. Il y a beaucoup d’interactions avec les professeurs, c’est vraiment agréable », souligne-t-elle.
50
C’est le nombre d’étudiants accueillis pour la première fois en deuxième année à la faculté d’Orléans en 2023
Dans le même cas de figure, son camarade de classe, Saad, se dit lui aussi très satisfait. « Du côté des terrains de stage comme à l’hôpital, il n’y a rien à redire, on voit qu’ils ont mis le budget. Les médecins sont à l’écoute et il y a un véritable désir de former ! » avance-t-il. L’autre petit plus de la faculté d’Orléans ? Les étudiants peuvent, dès le 1er cycle, profiter de sessions au sein du centre de simulation (CeSiMo). « C’est très concret, ça leur permet de mettre en pratique ce qu’ils ont appris et d’adopter les bons gestes », fait valoir le Pr Carine Salliot.
Maintenant qu’ils sont là, il va falloir les convaincre de rester ! »
Pr Carine Salliot, faculté de médecine d’Orléans
Tous ces atouts seront-ils suffisants pour convaincre ces apprentis médecins de rester dans la région pour leur internat et pour une future installation ? Pas si sûr. « Paris reste Paris. Tous les étudiants en 6e année vont viser la meilleure ville et la meilleure fac », admet Saad.
Pour tenter de contrer une possible fuite des futurs internes lorsqu’un troisième cycle d’études de médecine ouvrira ses portes à horizon 2028, l’un des enjeux sera celui du logement. « On va devoir sérieusement y réfléchir pour offrir aux internes les meilleures conditions d’accueil possible. Maintenant qu’ils sont là, il va falloir les convaincre de rester ! » espère la Pr Carine Salliot. À travers ce « on », c’est bien aux élus que la rhumatologue adresse un mot d’ordre ferme.
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