Indépendance des facs de médecine : Tours en tête, Poitiers à la traîne, selon Formindep

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Publié le 01/02/2019
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Crédit photo : S. Toubon

L'association Formindep a publié son second classement* des facultés de médecine en matière de prévention des conflits d'intérêts et d’indépendance vis-a-vis de l'industrie pharmaceutique. Le résultat est sans appel : tout le monde peut mieux faire, malgré des avancées réelles.

Cadeaux des laboratoires, viennoiseries offertes, formations influencées, manque de transparence des financements : la publication d'un premier classement électrochoc en 2016 illustrait les difficultés des facultés à se prémunir contre les conflits d'intérêts.

Deux ans plus tard, des progrès ont été accomplis, mais insuffisants. Les étudiants, internes et doyens ont élaboré une charte éthique et déontologique pour combattre les pratiques d'influence. Au programme, le fait de préciser les liens d'intérêts des enseignants au début de cours, de citer les produits de santé en DCI, d'instaurer des enseignements d'éthique à chaque cycle, etc.

Pour ce classement 2018, Formindep s'est concentrée sur l'application effective de cette charte par les 37 facultés. L'étude a été réalisée grâce aux informations récoltées sur le terrain par l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF), l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG) et celui des internes de médecine générale parisien (SRP-IMG). Sollicitée, la conférence des doyens n'a pas participé à l'étude.

Une seule faculté a la moyenne

Résultat, sur un maximum de 36 points, seules quatre facultés obtiennent un score supérieur à 10 points (Tours, unique fac à obtenir la moyenne avec 20 points, devant Lyon-Est, Nice et Toulouse-Rangueil). « Au moins deux facs ont refusé la charte éthique et déontologique à Montpellier et Poitiers », indique Paul Scheffer, coordonnateur de l'étude au Formindep.

La commission de déontologie a été mise sur pied dans une fac sur trois seulement. Quand bien même elle existe, elle est souvent une coquille vide. À Nantes, elle a été créée « mais n'a jamais siégé et personne ne semble vouloir s'en saisir », lit-on dans le classement. Même marge de progression pour le poste de référent à l'intégrité scientifique créé dans une faculté sur quatre. Quasiment rien n'a été fait pour rendre transparents les financements ou enseigner l'éthique lors du troisième cycle (hors médecine générale). Et très peu d'avancées concernent les DPI des enseignants et des instances de gouvernance.

Pour autant, tout n'est pas noir. À Tours, l'association salue les initiatives individuelles. « Le doyen a rappelé aux internes qu'ils ne sont pas obligés d'assister aux présentations faites par les représentants des firmes », détaille Paul Scheffer. Une plateforme pour recueillir les DPI des enseignants est opérationnelle. Plusieurs universités ont mis en place des cours obligatoires d'éthique et de déontologie en premier et second cycle.

Marketing 

L'ANEMF – qui a participé à l'enquête – dresse un bilan mitigé. « On souhaitait faire une piqûre de rappel sur la charte. Il y a eu du mieux, certaines facultés ont porté des initiatives comme des cours d'éthique à Bordeaux mais le chemin est encore long, commente Luna Potiron, vice-présidente chargée de la réflexion éthique à l'ANEMF. Dans certaines facs, les étudiants ne sont même pas au courant de l'existence de la charte »

L'ISNAR-IMG, également contributeur, regrette la lenteur des progrès. « Les étudiants sont en demande de cours d'éthique mais nous n'avons pas de formation obligatoire en 3e cycle. Nous souhaiterions être formés à la critique des liens d'intérêts, aux techniques marketing des labos, savoir décrypter les informations lors de la venue d'un visiteur médical », souligne Gabriel Perraud, secrétaire général de l'ISNAR-IMG.

Joint par « Le Quotidien », le Pr Jean Sibilia, président de la conférence des doyens, juge « curieux » certains résultats. « Le dispositif est plutôt complet, les facultés ont signé la charte. Il y a la loi, des règles universitaires, des comités d'éthique, il ne faut pas donner une image de non-droit. Tout n'est pas parfait mais il y a une vraie régulation ». La conférence dévoilera ses conclusions en temps voulu. En attendant, le Pr Sibilia précise qu'un MOOC sur la déontologie sera accessible sur l'UNESS (université numérique thématique en santé et sport).

Méthodologie : questionnaire complet envoyé aux organisations étudiantes et aux doyens. Le premier questionnaire a été envoyé en septembre, avec une relance chaque mois, jusqu’au 31 décembre 2018, date butoir de récolte des données. Formindep précise avoir reçu une cinquantaine de retours de la part des représentants étudiants et une quinzaine des enseignants.  


Source : lequotidiendumedecin.fr