Que faut-il savoir lorsqu'on veut s'installer ou exercer dans une zone transfrontalière ? La démarche peut sembler facile étant donné les principes fondamentaux de libre circulation des personnes et la reconnaissance des diplômes au sein des États membres de l'Union européenne. Mais malgré cela, les généralistes français ne sont pas très nombreux à exercer de l’autre côté des frontières, qu'elles soient belge, luxembourgeoise, allemande, italienne, suisse ou espagnole.
Quelles démarches ?
Quand on choisit l'exercice transfrontalier, le premier obstacle reste la maîtrise de la langue. On peut notamment le constater lorsqu'il s'agit de chercher des informations auprès du Conseil européen de l’Ordre des Médecins (CEOM), qui renvoie vers les sites nationaux comme celui de l'Espagne, l'Organización Medica Colegial de España, où tout est écrit en castillan !
Le site de l'Ordre des médecins belge s'avère évidemment plus clair pour les médecins français et précise : « Lorsque vous aurez obtenu la reconnaissance de votre diplôme sous forme d'arrêté ministériel de reconnaissance, vous recevrez automatiquement un visa du SPF Santé Publique (ndlr : ministère de la santé belge). Muni de la reconnaissance du diplôme et du visa, vous demanderez au Conseil provincial de l'Ordre des médecins du lieu où vous comptez établir votre domicile médical, c'est-à-dire le lieu où vous exercerez vos activités principales, votre inscription au tableau de l'Ordre des médecins ». Voilà donc la procédure chez nos voisins belges.
La Suisse possédant des accords bilatéraux, il est également possible pour des médecins généralistes de langue française de devenir frontalier suisse ou de s’installer en libéral. Cependant, le recrutement n’est pas facile et passe par des agences, le bouche-à-oreille ou internet. Une fois les diplômes reconnus, une exigence particulière de FMC et une expérience antérieure sont requises.
Au Luxembourg, par contre, le mode d’emploi est simple. Il faut faire reconnaître ses qualifications professionnelles mais si vous avez étudié dans un pays de l’UE, la procédure est rapide et claire. Une expérience que le Dr Camille Levêque, jeune généraliste, expérimente depuis sa récente installation au Luxembourg : « Au niveau des démarches, c’est fluide et rapide, en moins de 4 mois c'était fait. La reconnaissance du diplôme qui coûte autour de 450 € est suivie d’un entretien au Collège Luxembourgeois (l’équivalent du CNOM). Ensuite il faut être reconnue en tant que Docteur c’est-à-dire être thésée », explique-t-elle.
Et d'ajouter : « Mon exercice médical aujourd’hui se partage en deux : grâce à une formation française en gynécologie j’ai un mi-temps intéressant dans un planning familial où j’exerce en tant que salariée et l’autre mi-temps est libéral dans un cabinet partagé avec deux médecins portugais ». La consultation en libéral au Luxembourg s'élève à 46,10 €. Le Dr Levêque avoue les avantages de l’installation dans ce pays : pas de télétransmission, moins de paperasse et de déclarations et une patientèle assez homogène et internationale.
Savoir s'adapter
Au-delà de la langue, il s’agit aussi de comprendre les rouages et les limites des prises en charge dans chaque pays. Le docteur Lévêque rapporte encore : « Ici au Grand-Duché, le médecin généraliste, s’il est bien considéré, n’est pas le pivot d’une prise en charge globale ce qui est un peu frustrant quand on est médecin français ». La jeune généraliste observe aussi des différences nettes dans la relation médecin-patient : « Les patients ici acceptent vos prescriptions ou absence d’antibiotiques sans remettre en question vos principes. Par contre la grosse difficulté pour moi et qui ralentit mon rythme de travail est il n’y a pas de Dénomination commune internationale (DCI). À 10 km de la frontière française je dois réapprendre à prescrire ! » confie-t-elle.
Plusieurs études intéressantes ont été lancées par l’Union Européenne pour mieux cerner les systèmes de santé suisse, allemand et français afin de faciliter l’engagement de candidats médecins transfrontaliers. Ainsi le "Trisan" (centre de compétences trinational pour vos projets de santé), apporte des explications sur les systèmes d'assurance maladie, les organisations médicales et les procédures ainsi que des comparaisons suisses, allemandes et françaises des modes de prises en charge. On y parle des temps de consultation en médecine générale (9 minutes en Allemagne contre 22 minutes en France par exemple), des remboursements, des salaires des médecins et aussi de l’environnement du cabinet ou la place des assistants médicaux. Comprendre la culture, les habitudes et les différences avec les pays voisins est aussi la recette d'une installation transfrontalière réussie.
Des coopérations interrégionales pour le maintien à domicile
Enfin, des régions transfrontalières de l’UE mettent en place des réseaux de santé visant à faciliter le maintien à domicile des personnes âgées ou la sortie d’hospitalisation. Les généralistes sont invités à participer à cette activité sans frontière ! Le programme de coopération territoriale européenne "Interreg France-Wallonie-Vlaanderen" travaille ainsi à faciliter la prestation transfrontalière des soins à domicile via le projet avec le projet "Coserdo". L'initiative a été développée par quatre mutuelles belges et françaises. Ces acteurs ont décidé de s’associer pour développer une plate-forme commune de coordination des soins et des services à domicile pour les territoires du Nord du département des Ardennes et du Sud de la Province de Namur. Un des axes de développement du projet est d’améliorer la mobilité des prestataires à domicile grâce à des fiches comparatives des profils et exigences médicales belges et françaises et des informations sur les conditions d’accès aux professionnels de chaque versant. Les médecins généralistes français sont encouragés à s’associer à la démarche.
A.C.
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