86 % des internes victimes de sexisme, 1 sur 10 de harcèlement sexuel

Publié le 17/11/2017
Harcèlement

Harcèlement
Crédit photo : GARO/PHANIE

L’heure est à la dénonciation des comportements sexistes et du harcèlement, mais les internes en médecine n’ont pas attendu l’affaire Weinstein pour s’en préoccuper. En septembre dernier, l’Intersyndicale nationale des internes (ISNI) lançait une grande enquête nationale sur le sexisme pendant les études de médecine : « Hey doc, les études médicales sont-elles vraiment sexistes ? ».

Résultat, le sexisme est bien installé dans le milieu médical. Sur les près de 3 000 répondants, aux trois-quarts des femmes, 86 % ont eu à subir du sexisme au quotidien, même si 39 % ne mettent pas d’eux-mêmes le mot sexisme sur les agissements de leurs collègues et supérieurs. Les sondés évoquent ainsi des blagues ou remarques stigmatisantes sur la façon de s’habiller, d’opérer etc.

Monnaie courante au bloc

« C'est tellement installé partout que cela en devient normal », s'indigne Olivier Le Pennetier, président de l'ISNI, selon qui l'esprit carabin ne justifie pas tout. Les auteurs des faits se retrouvent majoritairement (37 %) chez les médecins et supérieurs hiérarchiques, principalement à l'hôpital, au bloc opératoire dans un cas sur quatre. Alizée Porto, vice-présidente de l'ISNI, s'est ainsi déjà entendu dire, en écartant un organe pour aider un chirurgien, « Écarte, comme à la maison ».

Les « blagues de cul » sont monnaie courante au bloc, « milieu dur » et « macho » où il « faut montrer ses muscles », commente Védécé, interne de 27 ans qui chronique anonymement l'hôpital dans des bandes dessinées. « Une de mes internes quand j'étais externe se faisait appeler +ma petite salope+ par son patron, relate-t-il. « Choqué, je ne pouvais rien dire, j'étais au bas de la chaîne alimentaire. »

 

Beaucoup de cas, très peu de poursuites

Au-delà des blagues et remarques graveleuses, pour un peu moins d’un interne sur dix, les choses vont plus loin sous la forme de harcèlement sexuel.  Des gestes non désirés et répétés (toucher le cou, les cheveux, etc...) ont ainsi été évoqués dans la moitié des cas, les mains aux fesses, aux seins ou les baisers non désirés en représentant par ailleurs 15 %, devant les « demandes insistantes de relation sexuelle » (14 %), le chantage à connotation sexuelle (12 %) et les « simulations d'actes sexuels » (9 %). Des agissements imputés aux médecins et supérieurs hiérarchiques une fois sur deux, non verbalisés dans 30 % des cas, et presque jamais à l'origine de procédures judiciaires (0,15 %).

Elsa Dechézeaux (pseudonyme), représentante des étudiants dans une fac de médecine parisienne, a aidé à résoudre, en lien avec le doyen, « plusieurs cas » de harcèlement. En deux ans, elle en a recensé « une quinzaine », comme celui d'une étudiante recevant « des textos à longueur de temps, du type +je fais du sport à côté de chez toi+ ou +j'aime bien ce que tu portes aujourd'hui+ ».

Conséquence du sexisme ambiant, le plafond de verre résiste, regrette Alizée Porto. « Je ne compte plus les fois où j'ai entendu dire que la chirurgie était un métier d'hommes, même par des femmes », explique celle qui a malgré tout choisi cette spécialité quand beaucoup d'autres « s'autocensurent ». Les patients font parfois aussi preuve de sexisme : dans 7 cas sur 10, ils confondent la femme interne entrant dans leur chambre avec une infirmière, associant le savoir médical aux hommes.

À la suite de cette enquête, l’ISNI a annoncé collaborer avec la Fédération hospitalière de France (FHF) et la Conférence des présidents d’universités pour faire bouger les lignes. Le syndicat présentera notamment dix propositions lors de son Université de rentrée ce samedi 18 novembre à Montpellier.


Source : lequotidiendumedecin.fr