Accès aux études de médecine : le gouvernement recadre enfin les épreuves orales décriées

Par
Publié le 08/07/2024
Article réservé aux abonnés

Fin décembre 2023, le Conseil d’État donnait six mois au gouvernement pour revoir les modalités d’admission en deuxième année et uniformiser les épreuves orales, jugées inéquitables. Un décret publié in extremis avant le second tour des législatives a cadré ces nouvelles règles. Suffisant pour apaiser les tensions ?

Crédit photo : BURGER/PHANIE

Les nouvelles modalités d’admission en deuxième année pour les étudiants des filières santé se précisent enfin pour la prochaine rentrée. Un décret en Conseil d’État – ainsi qu’un arrêté – ont été publié dimanche 7 juillet afin d’harmoniser les décriés oraux de première année, jugés inéquitables par de nombreux carabins, et de pondérer clairement le poids de cette épreuve.

Pour rappel, la plus haute juridiction administrative avait donné en partie raison au collectif PASS-L.AS 21, qui dénonçait des modalités « illégales » de sélection dans le cadre des oraux de première année. La justice avait alors sommé l’exécutif de revoir sa copie d’ici au 30 juin 2024. Dans la foulée, le ministère de l’Enseignement supérieur et celui de la Santé avaient organisé des ateliers de travail réunissant les acteurs concernés : doyens des trois filières, France Universités et associations étudiantes – dont l’Anemf et la Fage.

La règle des 30 %

Après plusieurs mois de travail, une nouvelle mouture des oraux (contenu, compétences transversales, pondération) a fini par émerger. Elle a été votée en juin par les membres du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cneser).

La première évolution majeure concerne le poids des oraux. Jusqu’à maintenant, les universités avaient en effet la possibilité de pondérer, à leur guise, les groupes d’épreuves écrites et orales, un système source d’inégalités criantes. Dans certains cas, la valeur des oraux pouvait atteindre jusqu’à 70 % de la note finale, ce qui avait abouti à des déclassements spectaculaires de très bons profils. Avec le nouveau décret, les étudiants seront tous logés à la même enseigne avec une pondération des épreuves du second groupe (les oraux) « fixé au niveau national à 30 % » (avec une variation possible de plus ou moins 5 %).

Un minimum de deux et un maximum de quatre oraux, d’une durée de dix minutes (hors temps de préparation), est par ailleurs décidé, ce qui marque là aussi une volonté d’harmonisation et d’équité.

Expression orale et capacités de synthèse

Deuxième changement, les « compétences transversales » à mobiliser par les étudiants dans le cadre de cet examen oral sont recadrées, ce qui n’était pas le cas. Il est notifié que le second groupe d'épreuves « évalue des compétences transversales, telles que l'aptitude à l'analyse et à la synthèse, à l'expression orale, à la communication, au travail individuel et collectif, au repérage et à l'exploitation de ressources documentaires, ainsi que des compétences numériques et de traitement de l'information et des données ». Depuis l’entrée en vigueur de la réforme du premier cycle en 2020 (ayant supprimé la PACES et le numerus clausus au profit de deux nouvelles filières PASS et L.AS), le contenu des oraux avait fait l’objet de vives critiques, considéré comme parfois trop éloigné des études de médecine et du monde scientifique.

De fait, des questions très périphériques, voire déroutantes, avaient été posées, plongeant les étudiants dans le désarroi complet. Désormais, ces oraux devront permettre aux aspirants soignants de montrer « qu’ils disposent des compétences nécessaires pour accéder aux formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie ou de maïeutique ». Une note précise que ces épreuves ne peuvent pas porter sur le projet professionnel de l’étudiant.

Insuffisant pour le collectif PASS-L.AS

Le collectif PASS-L.AS 21, très mobilisé contre la réforme de l’accès aux études de santé – et qui s’était tourné vers le Conseil d’État pour réclamer l’annulation des textes – accueille ces modifications avec peu d’enthousiasme.

« Nous en prenons acte mais les évolutions apportées ne changent pas grand-chose, note Emmanuel d’Astorg, parent d’étudiant en médecine et président du collectif national. Les épreuves orales restent classantes et la façon d’évaluer toujours opaque. Le jury est et restera souverain. » Au-delà de la question des épreuves orales, une réflexion plus globale sur les deux nouvelles voies d’accès aux études de santé – les PASS (Parcours d’accès spécifique en santé) et L.AS (Licences d’accès santé) – semble indispensable pour vérifier si l’objectif de diversifier les profils des futurs médecins est atteint.

Du côté des jeunes, les fédérations d’étudiants en santé ont déjà réclamé du changement avec une « licence unique », estimant que la réforme n’a pas réduit le bachotage, le stress, l’isolement et les risques psychosociaux. Au ministère, les groupes de travail lancés dans le cadre de la révision des oraux ont permis d’engager des discussions sur d’éventuels aménagements. Mais dans l’attente de la nomination d’un futur d’un nouveau gouvernement, ces discussions sont pour le moment suspendues.

Maîtrise de stage : les nouvelles modalités de formation publiées aussi

L’arrêté attendu sur les modalités et les objectifs de formation à la maîtrise de stage a été publié au Journal officiel 7 juillet. « C’est une bonne nouvelle. Le texte est conforme à nos attentes et je pense qu’il devrait permettre de faciliter le recrutement des maîtres de stage grâce à un budget sécurisé et en augmentation sur cinq ans [avec des crédits de l’ANDPC alloués uniquement à la formation à la maîtrise de stage] », se réjouit le Pr Olivier Saint-Lary, président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE).

Principal changement, la création de deux formations distinctes pour l’encadrement des étudiants de deuxième et troisième cycles des études médicales. « Dans les modalités précédentes vous aviez une formation un peu fourre-tout qui formait les médecins à la maîtrise de stage sans prendre en compte les spécificités de chacun des cycles, souligne le généraliste de Poissy. Avec le nouveau texte, un tronc d’enseignements commun sera dispensé mais il y aura désormais deux formations distinctes pour le deuxième et le troisième cycle des études de médecine. Cela va permettre aux jeunes médecins, qui ne se sentent pas encore tout à fait prêts à accueillir des internes, d’encadrer dans un premier temps des externes et voir ensuite s’ils souhaitent compléter leur formation. »

Dans le détail, l’arrêté précise les modalités et objectifs concernant la formation initiale et continue des praticiens. Il est précisé que les médecins n’ayant jamais encadré d’étudiants en médecine en responsabilité propre devront suivre une formation initiale. « À partir de janvier 2025 [cette formation] nécessitera la validation obligatoire de trois blocs de connaissances et de compétences (voir tableau). Les trois blocs de connaissances et de compétences devront être validés dans un délai de six mois au maximum », lit-on.

Les praticiens ayant déjà validé une formation initiale pour l’encadrement d’étudiants de troisième cycle pourront accueillir des étudiants de deuxième cycle à condition de valider une formation complémentaire spécifique. Même condition pour les praticiens spécialisés dans l’accueil des externes.

Image 0
 

Malgré des avancées, le Pr Saint-Lary regrette l’absence d’arbitrages en ce qui concerne la formation des maîtres de stage à la direction de thèse. « Sur ce point, rien a été précisé, indique-t-il. Il va pourtant falloir trouver des solutions pour recruter rapidement et efficacement des directeurs de thèse afin d’absorber les thèses qui vont s’intensifier avec cette 4e année ». Plusieurs points, comme la rémunération, le statut de docteur junior ou encore le statut et la rémunération des maîtres de stage, restent à arbitrer.


Source : lequotidiendumedecin.fr