Violences sexuelles et sexistes à l’hôpital : le ministère de la Santé esquisse les priorités

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Publié le 30/04/2024
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Face aux violences sexistes et sexuelles, une première réunion de concertation a eu lieu au ministère de la Santé avec les représentants des étudiants et des fédérations hospitalières. Les PH seront reçus le 6 mai.

Crédit photo : Burger/Phanie

Plus de deux semaines après l’enquête de Paris Match sur les violences sexistes et sexuelles (VSS) à l’hôpital, le ministre délégué à la Santé Frédéric Valletoux a reçu lundi 29 avril des représentants des étudiants en santé et des hospitaliers, dans le cadre d’une concertation où chaque acteur a pu faire état de la situation en matière de VSS et formuler des propositions.

Étaient notamment invités à cette réunion l’Intersyndicale nationale des internes (Isni), l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), les autres fédérations étudiantes (pharmaciens, kinés, sages-femmes, etc.) mais aussi des représentants des CME, des directeurs d’hôpital, des doyens et de plusieurs fédérations hospitalières. Objectif de ces échanges : trouver des solutions « pour rendre le système de santé plus protecteur et attractif », a assuré le ministre Frédéric Valletoux, selon l’un des acteurs présents.

Ces réunions représentent un premier pas essentiel

Guillaume Bailly, président de l’Isni

Joint par Le Quotidien, Guillaume Bailly, président de l’Isni, s’est réjoui de ce « premier pas essentiel », avec toutes les parties prenantes. Alors que les internes sont en première ligne face à ces violences, le syndicaliste se dit en accord avec la volonté affichée de Ségur de tout faire pour « stopper définitivement » ces actes.

En charge de la lutte contre les discriminations à l’Anemf – syndicat qui avait remis un rapport accablant sur le sujet dès mai 2021 – Carla Grassaud a insisté sur la nécessité de signaler systématiquement les faits de VSS, en recourant le cas échéant aux trois procédures de signalement – ordinale, pénale et disciplinaire. « Lorsque les différents dispositifs sont alertés, ils peuvent permettre de mener une enquête et de constituer un dossier. En fonction de celui-ci, la procédure sera ou non enclenchée. » Un guide de lutte contre les VSS publié par l’association en juin 2023 rappelle le cadre légal, les règles pour assurer la sécurité de la victime et l’accompagner ou encore comment réaliser les signalements et déclencher les procédures de sanction.

Il y a un fort taux de réactivité à répondre à notre enquête

Zaynab Riet, déléguée générale de la Fédération hospitalière de France (FHF)

Zaynab Riet, déléguée générale de la Fédération hospitalière de France (FHF) salue elle aussi la tenue de cette réunion, qui vont dans le sens de la libération de la parole souhaitée par la fédération. Cette dernière vient de lancer une enquête flash auprès des centres hospitaliers, CHU et établissements médico-sociaux, du 22 au 25 avril afin de dresser un état des lieux. Pus de 260 établissements ont répondu. « Il y a une très forte réactivité », se réjouit la déléguée générale (surtout parmi les CHU et les CH).

D’ores et déjà, l’étude montre que 74 % des établissements ont nommé un référent sur l’égalité femme/homme. Deux tiers d’entre eux disposent d’un « plan » égalité homme/femme et 90 % de ces plans intègrent un volet de prévention des VSS, signe que la prise de conscience progresse.

Mais seuls 60 % des établissements auraient déployé le dispositif du décret de mars 2020 relatif au signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d'agissements sexistes dans la fonction publique (qui posent le cadre de mesures comme l’ouverture d’une enquête administrative, d’une procédure disciplinaire et de la protection fonctionnelle des victimes ou des témoins). La moitié des établissements qui ont mis en place cette procédure ont engagé au moins une de ces trois mesures. 77 % d’entre eux ont communiqué sur leur démarche à leurs professionnels.

Des indicateurs VSS pour les stages

Dans le cadre des concertations qui démarrent, Frédéric Valletoux a formulé plusieurs axes de travail, encore en réflexion, de source syndicale. Il s’agit d’abord de sécuriser et de protéger tous les étudiants qui signaleront des violences. Le deuxième axe se concentre sur les procédures de signalement elles-mêmes : le but est d’accélérer les démarches et de les rendre plus transparentes et lisibles pour les étudiants, avec la possible de publication annuelle d'un état des lieux des signalements.

Au menu également : la sensibilisation des encadrants de stage via une formation plus ciblée, doit être encouragée. Un indicateur VSS « obligatoire » pourrait même être inclus dans l’agrément des maîtres et terrains de stage. Ce point reste à l’étude. La généralisation dans les établissements de référents VSS a également été évoquée.

Lourdeurs des procédures et sentiment d’impunité

La FHF a présenté ses propres recommandations à Frédéric Valletoux. La fédération souhaite alléger la gestion administrative des procédures disciplinaires dans les dossiers des personnels médicaux. « Le sentiment d’impunité est encore trop grand à cause de cette lourdeur », regrette Zaynab Riet. Elle demande aussi d’accélérer les mesures d’égalité homme/femme pour l’accès aux postes de responsabilité à l’hôpital (chefs de service, chefs de pôle, présidents de CME).

Les syndicats de médecins doivent être conviés de leur côté le 6 mai. Le Dr Jean-François Cibien, président d’Action Praticiens Hôpital (APH), regrette à cet égard que « toutes les parties prenantes ne soient pas concertées ensembles ». Le praticien redoute déjà des effets d’annonce et « une méthode de travail purement politicienne. »


Source : lequotidiendumedecin.fr