Quel a été l’impact de la crise du Covid-19 sur l’activité d’assistance médicale à la procréation (AMP) ? « Globalement, on peut dire que l’activité reliée aux ponctions d’ovocytes, en vue d’AMP, de préservation de la fertilité (PF) et de diagnostic préimplantatoire (DPI), a baissé de 30 % sur l’année 2020 par rapport à 2019. Sur la même période, on a constaté une baisse de 60 % des dons de spermatozoïdes et de 42 % des dons d’ovocytes. Il s’agit là de chiffres généraux derrières lesquels il peut y avoir des différences parfois importantes d’un centre d’AMP à l’autre. Certains hôpitaux publics, qui ont eu des services de réanimation et des blocs opératoires très mobilisés par le Covid-19, ont pu ainsi mettre plus de temps à reprendre leur activité d’AMP », indique le Pr Philippe Jonveaux, directeur médical et scientifique de l’activité de procréation, d’embryologie et de génétiques humaines à l’Agence de la biomédecine.
Dès le mois de mars 2020, l’Agence a émis un premier avis pour suspendre les activités d’AMP dans une très large proportion. « À l’époque, nous avons décidé de ne maintenir cette activité que pour les situations d’urgence, à savoir, en premier lieu, la préservation de la fertilité des personnes en soins pour un cancer. Nous souhaitions aussi, si cela était possible, que puissent être accueillies les femmes qui avaient débuté un cycle de stimulation et pour lesquelles, en raison de l’âge, on pouvait craindre une réelle perte de chance en cas d’arrêt des stimulations. Mais assez vite, face à la circulation importante du virus sur tout le territoire, nous avons décidé d’arrêter la globalité de l’activité d’AMP, sauf cas très rares et particuliers », souligne le Pr Jonveaux.
Des recommandations six fois révisées
Dès le début de la crise sanitaire, l’Agence a pris l’initiative de créer un groupe de travail réunissant les sociétés savantes concernées, des virologues, des infectiologues, des experts d’hygiène hospitalière, une association de patients, des représentants des Agences régionales de santé (ARS) ainsi que le ministère de santé. « Le but était que ce groupe puisse se prononcer sur la manière de travailler dans ce contexte sanitaire très particulier et de voir comment pourrait se faire la reprise progressive de l’activité d’AMP à partir de la mi-mai 2020. Le travail de ce groupe a permis à l’Agence de diffuser des recommandations de bonnes pratiques qui ont été mises à jour régulièrement. Ce groupe a été très réactif, puisque nous en sommes aujourd’hui à la sixième version de ces recommandations », indique le Pr Jonveaux. Ces recommandations ont été diffusées aux professionnels ainsi qu’aux directeurs généraux des ARS et des établissements abritant des centres d’AMP. Dans le même temps, l’Agence a diffusé des fiches d’informations pour les patients afin de répondre à toutes les questions qu’ils pouvaient se poser durant cette période très particulière.
Les chiffres des ponctions, quelque que soit l’indication (AMP, PF, don, DPI), donnent une bonne indication de l’impact de la crise sanitaire. En février 2020, on recense 6 143 ponctions, contre 6 313 en février 2019. Fort logiquement, la tendance à la baisse démarre en mars 2020 : 4 021 ponctions contre 6 432 en mars 2019. En avril et mai 2020, l’impact est maximal : 15 et 133 ponctions contre 6 259 et 6 323. Cela ne redémarre réellement qu’en juin et juillet 2020, avec 3 456 et 5 094 ponctions. Sur le reste de l’année 2020, les chiffres sont redevenus sensiblement identiques à ceux de l’année précédente.
Le deuxième confinement à l’automne 2020 n’a donc pas eu le même impact. « Les mois de janvier et février 2021 montrent aussi un retour à la normale même si, je le répète, les situations peuvent encore être variables d’un centre à l’autre », indique le Pr Jonveaux, en soulignant que les nombreux reports de ponctions durant la période la plus critique, ont eu pour conséquence un allongement global des délais d’attente. « Il convient de préciser qu’en juin 2020, le ministère a annoncé la mise en place d’une dérogation pour les femmes ayant atteint l’âge limite de 42 ans révolus qui ont pu bénéficier d’une prise en charge jusqu’en décembre avec l’accord des professionnels concernés ».
« Face à la circulation importante du virus sur tout le territoire, nous avons assez vite décidé d’arrêter la globalité de l’activité d’AMP »
Entretien avec le Pr Philippe Jonveaux, directeur médical et scientifique de l’activité de procréation, d’embryologie et de génétiques humaines à l’Agence de la biomédecine