Des facteurs socioéconomiques et environnementaux intriqués

L’approche exposome dans la fibrose pulmonaire idiopathique

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Publié le 27/05/2022
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L’étude Exposom-FPI va rechercher l’effet, sur la sévérité de la fibrose pulmonaire idiopathique, de l’exposition aux divers polluants aériens et d’un niveau socioéconomique défavorisé. Explication de son investigatrice principale, la Dr Lucile Sesé (Bobigny).
Les patients sont inclus depuis février 2021 et seront suivis sur deux ans

Les patients sont inclus depuis février 2021 et seront suivis sur deux ans
Crédit photo : phanie

Si l’origine de la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) reste inconnue, on sait maintenant qu’elle est favorisée par l’exposition au tabac, les polluants professionnels (poussière de bois, métaux, silice, milieu agricole) et certains polluants atmosphériques — ozone (O3) et dioxyde d’azote (NO2). « Dans la cohorte multicentrique prospective française de FPI (Cofi pour cohorte fibrose), nous avons mis en évidence que l’exposition à l’O3 favorise les exacerbations aiguës et qu’une exposition cumulée élevée aux particules fines (PM10, PM2,5) est un facteur de mauvais pronostic. L’exposition aux polluants est très liée au niveau socioéconomique. À partir de cette même cohorte, nous avons ainsi également montré qu’un faible revenu est un facteur de mauvais pronostic », explique la Dr Lucile Sesé (Hôpital Avicenne, Bobigny).

Le modèle classique en échec

La difficulté est que la FPI est associée à de multiples polluants, certains avec un effet synergique, parfois avec des niveaux d’exposition plus faibles que pour certaines maladies professionnelles et parfois très anciennes, pour certaines dès la période in utero, sans négliger les facteurs de vulnérabilité individuels, aussi bien socioéconomiques que génétiques. Pour les étudier, l’approche épidémiologique classique « une cause/une maladie » ne peut s’appliquer. De nouveaux outils, comme l’étude de l’exposome, sont nécessaires. Cette approche offre l’opportunité d’intégrer ces différentes dimensions, en recherchant toutes les expositions subies par un individu au cours de sa vie, qu’elles soient extérieures, liées ou non à l’individu ou intérieures, et les corréler à leur effet sur sa santé.

La définition de l’exposome englobe ainsi à la fois la mesure objective cumulative des influences environnementales, et les réponses biologiques associées tout au long de la vie aux divers facteurs environnementaux.

Un projet pluridisciplinaire

Exposom-FPI est une étude française prospective longitudinale et multicentrique, portant sur une cohorte de patients présentant une FPI. Elle a pour objectif d’évaluer le rôle des facteurs socioéconomiques et des expositions professionnelles et environnementales dans la FPI. Cette approche, de type exposome, incluant la dimension socioéconomique, repose sur un partenariat entre diverses disciplines. « Notre hypothèse est que, comme dans d’autres maladies respiratoires, les expositions et le bas statut socio-économique influencent la sévérité de la maladie », explique la pneumologue.

L’objectif principal de l’étude est de déterminer si le niveau de vie est associé à la sévérité de la FPI lors du diagnostic, les objectifs secondaires portant sur l’environnement extérieur général et spécifique de ces patients, sur l’effet des facteurs socioéconomiques et environnementaux (professionnels, atmosphériques et domestiques) sur la sévérité de la FPI et la qualité de vie à l’inclusion, l’évolution et le pronostic de la FPI, les éventuelles comorbidités et la qualité de la prise en charge. S’y associe la recherche d’une vulnérabilité génétique, afin de déterminer la relation entre la taille des télomères et l’effet des polluants aériens sur le déclin de la fonction respiratoire.

Les patients, inclus depuis février 2021, doivent avoir un diagnostic de FPI datant de moins d’un an. Lors de la première visite, une analyse complète des expositions est réalisée grâce à des questionnaires d’environnement intérieur, une étude du parcours professionnel et un questionnaire socioéconomique détaillé. Un suivi de deux ans est prévu. Un prélèvement sanguin analyse la longueur des télomères leucocytaires, certains polymorphismes génétiques, les biomarqueurs du stress oxydatif et de l’activité de la FPI. Il sera renouvelé tous les ans et en cas d’exacerbation.

« Dans notre centre, une étude pilote, Obiwan-FPI, utilise des capteurs de pollution portable et évalue toutes les semaines la fonction respiratoire par spirométrie portable », ajoute la Dr Sesé.

Exergue : De multiples polluants sont en cause, certains avec un effet synergique et à des niveaux d’exposition très faibles et/ou très anciens, dès la période in utero

Entretien avec la Dr Lucile Sesé, Hôpital Avicenne

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : lequotidiendumedecin.fr