Missions multiples, effectifs et moyens réduits

L'équation insoluble des médecins scolaires

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Publié le 09/09/2019
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Dans un contexte de pénurie médicale, les praticiens de l'Éducation nationale restent réservés sur les bénéfices de la loi sur l'école de la confiance qui structure un parcours de santé pour les enfants de 0 à 6 ans.

Crédit photo : PHANIE

12,4 millions d'élèves ont fait leur rentrée. Pour les encadrer et les accompagner, 871 000 enseignants et… 976 médecins scolaires, soit un praticien pour près de 13 000 élèves. Depuis 2008, ce contingent s'est effondré de 20 %. 

C'est dans ce contexte de démographie médicale en souffrance qu'a été promulguée cet été la loi « pour une école de la confiance ». En complémentarité avec l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire à 3 ans, l’article 13 (qui entrera en vigueur à la rentrée scolaire 2020) structure un « parcours de santé » pour tous les enfants de 0 à 6 ans en prévoyant l’organisation de visites médicales à des « moments clés » de la scolarité. 

L'accent est mis sur la visite médicale entre trois et quatre ans pour tous les enfants, au début de la maternelle, visite organisée à l’école sauf si les parents fournissent une attestation d’un généraliste ou d’un pédiatre certifiant que l’examen a été réalisé. Cet acte doit permettre un dépistage des troubles de santé sensoriels, psycho-affectifs, staturo-pondéraux ou neuro-développementaux. Nouveauté : lorsque le service départemental de protection maternelle et infantile (PMI) n'est pas en mesure de réaliser cette visite, elle serait assurée par les professionnels de santé de l'Éducation nationale... 

Quant à la visite médicale de la sixième année, elle s’appuie sur une coordination renforcée entre le médecin de l’Éducation nationale, les autres professionnels de santé (infirmiers scolaires, PMI, généralistes, pédiatres, etc.) et l’ensemble de l’équipe éducative – dont les enseignants, psychologues et les assistants de service social. Le médecin scolaire détermine les enfants qui seront vus en visite « approfondie ».

Décalage 

En dépit de ces intentions louables, les syndicats ne croient guère aux avancées en raison du décalage croissant entre les missions dévolues et les moyens octroyés à la médecine scolaire. « Nous sommes favorables à la visite des trois ans mais nous avons déjà du mal à réaliser toutes les visites des six ans, je ne vois pas comment on pourra faire celles-ci en plus, en cas d'absence de la PMI ... », explique le Dr Marianne Barré (SNMSU-UNSA Éducation). Déjà, le bilan médical de la sixième année, qui vise à dépister des troubles du langage et de l'apprentissage, n'a été réalisé qu'auprès de 25 % des élèves concernés. Quant à l'idée de recourir aux généralistes, la plupart d'entre eux sont débordés, rappelle la profession.   

Certains signaux sont préoccupants. Avant l'été, le Syndicat national autonome des médecins de santé publique de l'Éducation nationale (SNAMSPEN/SGEN-CFDT) pointait 476 postes de titulaires non pourvus en 2019. « Les médecins scolaires vont mal, très mal. Les arrêts maladie se multiplient, mêmes chez les jeunes médecins », alertait le syndicat. Pour le Dr Patricia Colson, sa secrétaire générale, « nous sommes très loin déjà de la prévention systématique qui permettrait de révéler des situations d’élèves à suivre pour prévenir ce qui fera le lit de l’échec scolaire ou des difficultés familiales en lien avec la réussite scolaire ». Autre déception : un article de la loi sur l'école qui ouvrait droit à remboursement des bilans prescrits par les médecins scolaires dans le cadre de leurs missions a été retoqué par le conseil constitutionnel... 

Motif d'espoir cependant : la circulaire associée au récent plan de lutte contre les violences scolaires reconnaît le rôle du médecin scolaire dans la protection de l’enfance ou la prévention de la maltraitance. Le Dr Colson y voit un « premier pas » pour souligner l'expertise spécifique de ces praticiens. En attendant les recrutements et les salaires à la hauteur... 

Marie Foult

Source : Le Quotidien du médecin