Courrier des lecteurs

L'essor des génériques... et leurs effets pervers

Publié le 16/01/2020

Présenter un travail comme étant le sien, alors qu'il provient d'une autre personne, intentionnellement ou non est une violation de la propriété intellectuelle d'autrui. Dans la majorité des cas, cela s'appelle une copie ou une contrefaçon ; en littérature, musique, cinéma, cela s'appelle un plagiat. Quel que soit le terme employé, ces pratiques sont sévèrement condamnées par la loi.

En médecine et pharmacie, cela s'appelle un générique dont l'utilisation est fortement encouragée. Sur le plan thérapeutique, l'efficacité et la tolérance sont a priori identiques à celles du médicament princeps et je ne vois pas d'avantage particulier en dehors d'une baisse du coût du traitement. Cette baisse est certainement, à court terme, intéressante pour la Sécurité Sociale.

Mais à moyen ou long terme la commercialisation des génériques pourrait avoir des conséquences délétères. D'abord, priver les laboratoires qui font réellement de la recherche, d'une partie de leurs revenus, diminuant ainsi leurs chances de trouver de nouvelles molécules, ou les empêcher de continuer les recherches sur des molécules ayant un certain potentiel, car cela reviendrait à faire de la recherche pour les producteurs de générique, plus que pour le laboratoire lui-même.

Ensuite, augmenter le risque de ruptures de stock, hélas si fréquente. En effet, s'il était relativement facile, pour un laboratoire seul, de prévoir la vente trimestrielle (ou autre durée), autant il est difficile pour quatre, cinq ou plus laboratoires, alors que la vente « trimestrielle » reste stable, de prévoir quelle part reviendra à chacun, sachant que les pharmacies n'ont pas toujours le même fournisseur de générique. Le résultat final est qu'il devient de plus en plus difficile à un laboratoire de connaître la quantité à fabriquer pour faire face à la demande.

Le risque est aussi de multiplier les possibilités d'effet secondaire et d'intolérance à un excipient – en sachant que cette donnée sera imprévisible, tant pour le médecin que pour le pharmacien, et surtout pour le patient qui ira dans telle ou telle pharmacie et n'aura donc pas forcément « son » générique habituel.

Risque par ailleurs pour le patient, surtout s’il est poly-médicamenté de se tromper en recevant un autre générique, même si les pharmaciens écrivent sur la boîte à quoi correspond le générique distribué.

Enfin, comment le médecin devra-t-il rédiger son ordonnance, sachant que la mention N.S. n'existera plus, pour savoir quel traitement exact a reçu son patient ? En cas de difficulté, qui sera responsable de la prescription : le médecin ? Le pharmacien ? De toute façon, c'est le patient qui en fera les frais. Et il y a certainement d'autres conséquences…                                                                    

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Dr Jean Hauchecorne

Source : Le Quotidien du médecin