Peur sur la ville : dérapage programmé des dépenses maladie en 2024, selon le comité d’alerte

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Publié le 29/07/2024

Les dépenses de soins de ville ont bondi de 5,7 % depuis janvier, ce qui risque de conduire à un dérapage significatif sur ce poste (un milliard d’euros), alerte le comité indépendant de suivi des dépenses maladie. Une situation délicate en pleine préparation de textes budgétaires déjà très incertains.

Crédit photo : MOURAD ALLILI/SIPA

La mauvaise nouvelle est arrivée un peu plus tard que d’habitude… Le deuxième avis du comité d’alerte sur le respect de l’objectif national des dépenses maladie (Ondam) pour l’exercice en cours, qui tombe habituellement fin mai ou début juin, a été différé cette année à juillet pour des raisons politiques (devoir de réserve oblige pendant les élections législatives). Mais il tombe mal, alors que la branche maladie subit déjà une dégradation financière importante (11,4 milliards d’euros de déficit prévisionnel en 2024, selon la dernière commission des comptes de la Sécu), et de surcroît, dans un contexte très incertain de recomposition politique.

Avec le recul de six mois de janvier à juin compris sur les dépenses effectives 2024, le verdict est sans appel : il existe un « risque élevé » de dépassement du sous-objectif des soins de ville (celui qui intéresse directement les médecins libéraux) au vu de la progression des remboursements au cours des six premiers mois de l’année.

Biologie, transports, honoraires des spécialistes IJ hors des clous

De fait, alors que la loi Sécu 2024 a programmé 108,4 milliards de dépenses de soins de ville, en hausse de 3,5 % hors Covid (en y intégrant la progression spontanée des dépenses de 4,3 %, les mesures de maîtrise médicalisée et de régulation mais aussi certaines mesures de revalorisations), le comité d’alerte constate que les dépenses de ville ont déjà bondi de 5,7 % sur le premier semestre 2024 par rapport à la même période un an plus tôt. C’est plus de 1,5 point de ce qui avait été anticipé dans la dernière loi de financement.

L’écart observé « concerne la plupart des postes de soins de ville : actes de biologie médicale, transports de patients, honoraires des médecins spécialistes, honoraires des masseurs-kinésithérapeutes, indemnités journalières, dispositifs médicaux, médicaments », peut-on lire dans l’avis du comité. Il traduit ainsi la « dynamique du volume des actes, des biens et des prestations » pris en charge par l’Assurance-maladie.

Toutefois, le comité indépendant prend soin de mentionner plusieurs « correctifs » qu’il faut envisager pour l’extrapolation sur 12 mois de ces dépenses de ville à mi-parcours.

Deux correctifs auront une incidence à la baisse : la prise en compte du doublement des franchises et des participations forfaitaires au printemps pour une économie annuelle de 600 millions d’euros ; et le fait que l’accélération des dépenses de médicaments entraînera aussi une croissance des recettes via la clause de sauvegarde sur le chiffre d’affaires des laboratoires et les remises conventionnelles.

En revanche, deux autres correctifs risquent d’entraîner une augmentation supplémentaire des dépenses : l’élargissement du dispositif MonSoutienPsy (dont l’augmentation des tarifs des psychologues) et surtout les premiers effets des revalorisations tarifaires des médecins libéraux et des pharmaciens – du moins pour celles qui s’appliqueront à partir du deuxième semestre 2024.

Au terme de ces savantes projections, le dépassement constaté en ville à fin juin induirait un supplément « d’un peu plus d’un milliard d’euros » de dépenses nettes par rapport au montant pris en compte dans la prévision du sous-objectif pour 2024, lit-on.

Mises en réserve insuffisantes

Le comité d’alerte estime par ailleurs que l’annulation de crédits traditionnellement mis en réserve en début d’année (environ 740 millions d’euros de financements prévisionnels au titre des établissements de santé) ne pourra pas compenser intégralement ce dérapage de la ville. D’abord parce qu’une partie de cette enveloppe a déjà été consommée avec les mesures octroyées à la mi-2024 aux cliniques privées ; ensuite parce que cette réserve de crédits hospitaliers a logiquement vocation à compenser les dépenses des hôpitaux à la hausse mais aussi à la baisse, en cas de forte variation du volume d’activité par exemple. En tout état de cause, « la réaffectation intégrale ou même prépondérante de financements mis en réserve au titre des établissements de santé à la couverture d’un dépassement du sous-objectif des soins de ville apparaît moins praticable, sinon moins probable », lit-on.

Sur ces bases, le comité d’alerte identifie donc explicitement un risque de dépassement de l’Ondam 2024 global (sur l’ensemble des dépenses maladie, établissements inclus), risque directement « imputable à la dynamique de la plupart des postes de dépenses des soins de ville ». Ce dérapage général porte sur un « montant significatif de dépenses », pouvant être estimé à ce stade à plus de 500 millions d’euros (en tenant compte aussi de mesures de régulation en cours comme la diminution des tarifs de la biologie médicale).

Il faudra attendre le troisième avis annuel (au 15 octobre au plus tard) afin d’apprécier comment évolue le risque de dépassement 2024 qui pourrait conduire le comité à exercer officiellement son « devoir d’alerte » imposant alors des mesures de redressement financier.


Source : lequotidiendumedecin.fr