À peine annoncée, la majoration du ticket modérateur sur les consultations des médecins et sages-femmes est vivement critiquée dans la profession. Le passage du ticket modérateur de « 30 % à 40 % » a été évoqué (pour atteindre une économie d’environ un milliard d’euros) mais en réalité les modalités et le calendrier exacts de cette réforme, à fixer par voie réglementaire, ne sont pas arrêtés.
Le gouvernement argue que la baisse de remboursement par le régime obligatoire (de 70 % à 60 % si cette piste est confirmée) n’aurait que peu d’incidence pour les patients, le delta du reste à charge étant couvert par les complémentaires santé. « 95 % des patients disposent d’une complémentaire santé, dont la moitié est prise en charge par l’employeur pour les salariés », a avancé la ministre de la Santé et de l’Accès aux soins, Geneviève Darrieussecq, lors de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS 2025).
Ce glissement accéléré d’un système solidaire à un système où la couverture est fonction de la cotisation doit être dénoncé
MG France
Il n’empêche. Plusieurs syndicats dénoncent depuis quelques jours une évolution délétère avec ce transfert accéléré du remboursement des consultations courantes de médecine de ville vers les mutuelles et les assureurs – la Sécu se concentrant de plus en plus sur le « gros risque » et les ALD. Un danger pour les patients d’abord (dont les cotisations vont augmenter sans compter ceux qui n’ont pas de mutuelle), mais aussi pour les médecins eux-mêmes.
Pour MG France, la hausse du ticket modérateur est « un leurre coûteux et dangereux mais en aucun cas une mesure d'économie ». « Transférer un milliard d’euros de la dépense publique sur les complémentaires santé va conduire à une augmentation de leurs tarifs », explique d’abord le syndicat de généralistes présidé par la Dr Agnès Giannotti. En tenant compte de l'augmentation des franchises sur les consultations médicales, « le reste à charge d'une consultation payée 30 € sera de 14 €, soit une diminution à 54 % de la couverture par l’Assurance-maladie », calcule MG France. Un désengagement de la Sécu qui pose question. « Au prétexte de réduire les déficits, ce glissement accéléré d’un système solidaire (à chacun selon ses besoins) à un système où la couverture est fonction de la cotisation (à chacun selon ses moyens) doit être dénoncé : il est le plus coûteux et ses résultats en matière de santé publique sont les moins bons », analyse MG France. Sans compter les quelque 2,5 millions de Français qui n'ont pas d'assurance complémentaire « et dont le nombre va augmenter mécaniquement à cause de la hausse des tarifs », poursuit la Dr Giannotti.
« Marchandisation de la santé » pour l’UFML-S
Dans la même veine, l’Union française pour une médecine libre (UFML-Syndicat) anticipe les dérives en interpellant directement les patients. « Demain, si cette folie continue, à 50 % de remboursement par l’Assurance-maladie, vos mutuelles ou assurances complémentaires ouvriront des réseaux de soins fermés et vous proposeront de consulter un médecin affilié chez elles pour être mieux remboursé », alerte le Dr Jérôme Marty. Pour échapper à cette « marchandisation de la santé », de nombreux médecins vont chercher à se déconventionner, avance le généraliste de Fronton.
Le Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (Reagjir) condamne pour sa part une « double peine ». « L’augmentation du tarif des complémentaires aura à la fois un effet sur les ménages, à travers les contrats individuels souscrits par 53 % de la population, mais également sur les entreprises, via les contrats collectifs financés par les employeurs, couvrant 37 % de la population », s’insurge le syndicat de jeunes généralistes. « Il n’est pas entendable d’acter un déremboursement par l’Assurance-maladie au détriment des assurés sociaux, d’autant plus après avoir déjà doublé la participation forfaitaire et la franchise médicale en mai dernier », ajoute l’organisation junior, pour qui cette réforme « va à l’encontre de notre modèle social ».
Si la hausse du ticket modérateur est définitivement adoptée, elle interviendrait après le doublement, en mars dernier, de la franchise sur les boîtes de médicaments, les actes des auxiliaires médicaux ainsi que les transports sanitaires. Une vague suivie au mois de mai par le doublement de la participation forfaitaire (d’un à deux euros) sur les consultations médicales, examens de radiologie et analyses médicales (le montant total des participations forfaitaires étant plafonné à 50 € par année civile).
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