Tout vient à point à qui sait attendre. Le proverbe résumerait plutôt bien l’esprit de ces négociations visant à rémunérer le travail en équipe, maintes fois repoussées. Prévues en 2013, les discussions devraient débuter au cours du premier trimestre 2014. Si on parle dans les couloirs du ministère de la Santé du mois de février, d’autres laissent entendre que ce sera « pour mars ». Et les plus pessimistes miseraient même sur « après les municipales » car trop risqué politiquement. La date n’a donc pas encore été fixée. Pour l’heure, le directeur de l’Assurance Maladie, Frédéric Van Roekeghem, multiplie les rencontres sans acter quoi que ce soit.
Pourtant la rémunération du travail en équipe est la pierre angulaire de la médecine de parcours sur laquelle se fonde la Stratégie nationale de santé présentée en février de l’année dernière par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault. à quoi pourrait ressembler cette nouvelle rémunération ? Qui pourrait en bénéficier ? Et comment s’articuleraient les missions entre les professionnels de santé autour du patient ? Autant de questions auxquelles les négociations devront répondre. En attendant Le Généraliste dresse les pistes de réflexion qui pourraient être proposées.
Quel cadre pour les négociations ?
Alors que la date des discussions sur la rémunération du travail en équipe n’a pas encore été dévoilée, un autre problème de détail subsiste autour du cadre qui sera choisi par les pouvoirs publics pour mener à bien ces négociations. Quels sont les acteurs qui y participeront ? La question reste entière. Si à l’Union Nationale des Professionnels de Santé (UNPS), présidée par Jean-François Rey, on rappelle que la négociation ne peut se faire qu’avec elle, car elle « représente, de par la loi, l’ensemble des libéraux de santé » après élections aux URPS, à MG France, on ne voit pas les choses comme ça. Chez Claude Leicher, on estime qu’il faudrait d’abord réunir trois syndicats de professions différentes (médecins, infirmiers et pharmaciens) pour commencer.
Sur ce dossier, le syndicat de Claude Leicher semble un peu faire cavalier seul. Du SML à l’Unof-CSMF en passant par le CNPS, tous s’accordent en effet à dire que l’UNPS doit rester l’acteur principal avec comme cadre l’ACIP (accord cadre interprofessionnel). Pour MG France, débuter avec ce trinôme serait, au contraire, « une façon claire et plus pragmatique » de discuter et d’avancer sur ce terrain. Le président de l’UNPS qui proteste de sa volonté de parvenir à un accord avec le président de MG France a néanmoins indiqué dans un communiqué que l’UNPS ne pouvait accepter « un diktat de syndicats minoritaires voulant exclure de ce processus la plupart des professionnels de santé libéraux pour mettre en place autour d’un médecin référent gatekeeper un système de filières à l’anglaise ». Il a par ailleurs appelé l’Assurance Maladie et le gouvernement à ne pas faire « un déni de démocratie basé sur des décisions idéologiques contraires à l’intérêt des patients ». Une opinion similaire est soutenue par le pharmacien Philippe Gaertner, président du CNPS (Centre National des Professions de santé), pour qui la position de MG France est « trop restrictive » car « dans certaines pathologies d’autres professionnels de santé sont concernés. Un accord limité à ces trois professions (médecins, infirmiers et pharmaciens) – même si elles pourraient couvrir les cas les plus fréquents – ne serait pas suffisant ».
A qui la rémunération sera-t-elle versée ?
Annoncée comme la suite des expérimentations de nouveaux modes de rémunération (ENMR), la prime devrait concerner d’abord les les professionnels des maisons de santé. Néanmoins, vos représentants espèrent que la distribution sera plus large. L’idée ici étant de lancer une dynamique de coordination entre les libéraux de santé autour du patient. L’essentiel pour le SML, « c’est qu’il y ait une coordination entre les professionnels de santé et qu’ils prennent le temps de se rencontrer ». Les équipes pluriprofessionnelles se constitueraient en fonction des pathologies.
Pour le président de MG France, si elle peut être perçue par tous les médecins, qu’ils exercent seuls ou à plusieurs, la coordination des soins doit se faire autour du médecin traitant. « Aujourd’hui, les médecins travaillent déjà avec les infirmières sur l’éducation thérapeutique mais ils ne sont pas rémunérés », raconte Claude Leicher. La première étape serait pour lui de définir « le territoire fonctionnel » du médecin traitant et, par conséquent, ses disponibilités à prendre en charge un nombre déterminé de patients. De son côté, le président de l’Unof-CSMF, Luc Duquesnel, rappelle qu’il n’y a pas que « les médecins généralistes mais aussi d’autres médecins. Il faudra rémunérer les équipes qui mettent en place des protocoles ».
à l’UNPS, Jean-François Rey tient beaucoup à souligner que la volonté avec ce nouvel outil est d’inciter les libéraux de santé à plus de coordination. Donc pas question de pénaliser un professionnel qui n’en ferait pas.
Quelle formalisation pour le travail de coordination ?
Sur l’emballage du paquet cadeau, là aussi beaucoup de choses sont à définir. Les discussions permettront précisément de dégager les critères déterminant un « travail de coordination ». à chacun sa vision de la forme que cela pourrait prendre. Au SML, on imagine que les professionnels de santé d’un territoire donné pourraient se réunir une fois par an sur la base du volontariat pour construire un projet de soins, qui serait ensuite envoyé à l’Assurance maladie. Pour Claude Leicher, un modèle de contrat utilisable par les Agences Régionales de Santé (ARS) pourrait être créé au cours de ces négociations. On pourrait y détailler quelques principes, comme la rédaction d’un projet de santé ou le nombre de participants.
À l’UNPS, l’idée la plus simple pour Jean-François Rey serait d’ajouter un volet supplémentaire à la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) sur la coordination des soins qui pourrait s’appeler « prime à la coordination ». « Il faut définir une plateforme et un cahier des charges de la coordination à partir, par exemple, des critères de ceux qui en font déjà ». Un nombre de points serait alors attribué au médecin en fonction de son projet de soins (région, pathologie, nature de l’équipe, etc.). Le principe pourrait être intégré dans chaque profession par le biais d’un avenant conventionnel. Le président de l’Unof-CSMF partirait lui de l’existant. « Cette négociation au niveau de l’ACIP a minima va reprendre la suite des ENMR. » Les critères déjà définis dans ce cadre pourraient être repris et étendus à toutes les situations de médecins et plus uniquement aux maisons de santé. Ainsi, en fonction des missions réalisées, le professionnel de santé accédera à un certain niveau de rémunération.
Comment la rémunération sera-t-elle versée ?
Pour l’année 2014, 12 millions d’euros ont été inscrits dans le PLFSS 2014 pour la rémunération du travail en équipe. à terme, entre 20 et 30 millions d’euros pourraient être dégagés pour ce poste. Mais de quelle façon ? Si tous restent attachés au paiement à l’acte, le versement d’un forfait reste la forme la plus évidente pour rémunérer le travail en équipe. Le président de MG France verrait bien une allocation de ressources calculée en fonction du nombre de patients pris en charge par l’équipe considérée. à charge ensuite pour cette dernière de redistribuer la somme. Il faut inciter pour Jean-François Rey, président de l’UNPS et faire évoluer la ROSP.
On se dirigerait plus selon lui vers un forfait versé individuellement dans chacune des professions tout en laissant le choix « à chacun de s’impliquer ». Quid du montant ? Difficile pour le moment d’évaluer à combien cela pourrait se chiffrer. à l’Unof-CSMF, dans la continuité des ENMR, une somme serait versée à l’équipe qui déciderait de la suite. Mais son président tient à rappeler que ces discussions ne sont pas « à confondre avec des négociations mono-professionnelles qui sont également nécessaires. Le C à 23 euros ne correspond plus à rien, il est urgent de négocier sur ce terrain là aussi ! »
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