Le 23 juin dernier, date du début de la reprise des négociations entre la Cnam et les six syndicats représentatifs, aucune certitude n’existait sur le fait de voir l’avenant 9 de la convention médicale aboutir à une signature entre les partenaires conventionnels.
Si la Cnam avait bel et bien affiché sa volonté de négocier rapidement, « voire très rapidement » (avant la fin du mois de juillet), les syndicats étaient, eux, en attente de concret après l’échec des premières négociations. En effet, en décembre 2020 et après deux mois et demi de discussions, les négociations avaient échoué, faute de consensus entre les partenaires.
Finalement, à la faveur de la période estivale et au terme de trois semaines d’intenses tractations, l’Assurance maladie et la majorité des syndicats sont parvenus à s’entendre.
Le 30 juillet dernier, MG France, la CSMF et Avenir Spé-Le Bloc ont en effet apposé leur signature sur la dernière copie proposée par la Cnam. Les mesures prises dans l’avenant 9 s’élèvent au total à 786 millions d’euros (dont 165 millions pour les généralistes), contre 550 millions en décembre.
Et, malgré l’absence des signatures du SML, de la FMF et de l’UFML-S, qui en réclamaient davantage, les mesures prises dans l’avenant 9 verront bien le jour. En effet, pour qu’un avenant soit validé, ses signataires doivent avoir obtenu au minimum 30 % des suffrages aux élections professionnelles. Du côté des généralistes, la case est cochée puisque MG France et la CSMF cumulent 54 % des voix. Même son de cloche du côté des spécialistes, où le syndicat du Dr Jean-Paul Ortiz et Avenir Spé-Le Bloc cumulent 61 % des voix.
Censé renforcer le suivi à domicile, valoriser la télémédecine ainsi que les soins non programmés et développer le numérique en santé, l’avenant 9 entrera en vigueur à la fin du premier trimestre 2022.
Et si les syndicats attendent désormais de véritables avancées à l’orée de la convention médicale qui doit être renégociée en 2023, ce nouveau document acte tout de même quelques améliorations pour les médecins généralistes et leurs patients.
Quatre visites longues (VL) par an
Parmi ces améliorations, la revalorisation de la visite. Cette mesure était au cœur des attentes des syndicats de médecins libéraux, qui réclamaient un alignement du tarif de la visite à domicile sur celui de la visite longue (VL) (60 euros + 10 euros de majoration de déplacement) pour les patients âgés, polypathologiques et dépendants.
Après la vague de mécontentement des syndicats suscitée par une première version de l’avenant, qui prévoyait que la visite longue soit cotée dans la limite de trois fois par an et par patient (de plus de 80 ans en ALD), les partenaires conventionnels ont réussi à s’entendre.
Finalement, les syndicats de médecins libéraux ont obtenu la possibilité de coter une visite longue par trimestre (soit quatre visites par an) pour les patients de plus de 80 ans en ALD. Pour harmoniser le dispositif, la Cnam a également annoncé la possibilité de porter à quatre (contre trois auparavant) le nombre de visites longues réalisées au domicile de patients atteints de maladies neurodégénératives et de patients en soins palliatifs.
90 euros pour la régulation libérale et rémunération par points pour l’effection
Quelques revalorisations tarifaires sont également prévues du côté des soins non programmés (SNP). Dans le cadre du déploiement du service d’accès aux soins (SAS), la Cnam majore le tarif de la régulation libérale à 90 euros de l’heure avec une prise en charge des cotisations sociales pour les médecins en secteur 1. S’agissant de l’effection, la rémunération sera intégrée au sein du forfait structure via un nouvel indicateur du volet 2.
Pour la réalisation des actes, un système de barème de points doit être mis en place. Concrètement, un médecin effecteur obtiendra 10 points pour 5 à 15 actes de soins non programmés sur le trimestre, 30 points pour 16 à 25 actes, 50 points pour 26 à 35 actes, 70 points pour 36 à 45 actes et 90 points au-delà de 45 actes, avec un maximum de 360 points par an. 1 400 euros par an sont prévus pour la participation à un dispositif de prise en charge des SNP sous réserve d’être inscrit dans le dispositif SAS, ou d’être au sein d’une CPTS qui y participe, et d’avoir un agenda ouvert au public pour la prise de rendez-vous en ligne (ou partagé avec le régulateur).
Dans son document, l’Assurance maladie s’engage par ailleurs à « étudier la faisabilité d’un versement trimestriel de cette rémunération sans attendre le paiement annuel du forfait structure ».
Majoration de la télé-expertise et cadrage de la téléconsultation
Sur le volet de la télémédecine, dont le coût (généralistes et spécialistes compris) s’élève à 6 millions d’euros, la Cnam entérine certaines revalorisations tarifaires.
Dans le cadre de la télé-expertise, la rémunération du médecin requis est majorée à hauteur de 20 euros (contre 12 euros actuellement) dans la limite de quatre actes par an et par patient. Du côté du médecin requérant, la demande de télé-expertise auprès d’un confrère est valorisée à hauteur de 10 euros dans la limite de quatre actes par an et par patient.
S’agissant de la téléconsultation, la Cnam acte la possibilité de déroger au principe de « territorialité » lorsqu’un patient n’a pas de médecin traitant désigné, qu’il se trouve dans un désert médical ou lorsque celui-ci a été orienté par le régulateur du SAS après un échec de prise de rendez-vous sur son territoire. La Cnam supprime également la consultation obligatoire en présentiel dans les 12 mois qui précèdent la téléconsultation.
Si la Cnam lâche un peu de lest sur la télémédecine (téléconsultation + télé-expertise), elle maintient sa ligne et cadre son recours à la condition qu’elle représente un seuil maximal de 20 % du volume de l’activité globale annuelle du médecin.
Évolution du forfait structure et nouvelle aide financière pour l’alimentation du VSM
Autre bras de fer de ces négociations, la révision du forfait structure. Pour inciter les médecins à utiliser certains services numériques, la Cnam ambitionnait d’intégrer de nouveaux indicateurs au sein du volet 1 de ce forfait. Parmi ces indicateurs, l’utilisation et l’alimentation du dossier médical partagé (DMP) (20 % de consultations de l’année civile ayant donné lieu à une alimentation), de la messagerie sécurisée de santé (5 % des consultations comprenant un échange par mail sécurisé avec un patient), des e-prescriptions (50 % des prescriptions de produits de santé) et de l’application carte Vitale (5 % des feuilles de soins électroniques réalisées avec l’application carte Vitale).
Mais la gronde des syndicats a eu raison des velléités de la Cnam : ces indicateurs intégreront finalement le volet 2 du forfait structure. Dans le document de l’avenant, l’Assurance maladie réaffirme toutefois sa volonté de voir ces indicateurs transférés dans le volet 1 dans la nouvelle convention médicale de 2023.
Par ailleurs, afin d’encourager les médecins à remplir le volet de synthèse médical (VSM) dans le cadre du DMP, la Cnam crée une aide financière sous forme de forfait. Un médecin traitant pourra ainsi toucher un forfait d’un montant de 1 500 euros s’il « a élaboré des VSM pour au moins la moitié de sa patientèle en ALD et que ces VSM alimentent le DMP ». Ce forfait pourra être porté à 3 000 euros si des VSM ont été conçus pour 90 % de sa patientèle. À noter qu’une majoration de 20 % est prévue si plus d’un tiers des VSM alimentés sont au format structuré.
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