C’est une avancée dans le bras de fer qui oppose depuis juin les centres de santé de Villejuif (Val-de-Marne) à leur municipalité. La cause du conflit ? Le refus de la commune de leur verser la prime dite « Coquerel », du nom du député Éric Coquerel (LFI) qui avait permis la création de cette subvention exceptionnelle de huit millions d’euros, à la faveur d’un amendement à la loi de finances rectificative pour 2022. Initialement, la dotation pour chaque centre de santé municipal devait être de 2538 € par équivalent temps plein (ETP) – qu’il soit administratif, paramédical ou médical.
Pour mémoire, cette prime était destinée à corriger l'exclusion des personnels des centres de santé municipaux des revalorisations accordées en 2020 aux hôpitaux dans le cadre des accords du Ségur. En fin de semaine dernière, selon des participants à la réunion, la mairie aurait accepté d’accorder ladite prime aux agents administratifs, mais toujours pas aux médecins. Pour l’heure, la grève est suspendue mais pourrait être reconduite car la solidarité est de mise entre les personnels.
LE QUOTIDIEN : Vous êtes la secrétaire générale de l’Union syndicale des médecins de centres de santé. Où en la situation depuis votre mouvement de grève lancée le 17 juin ?
DR ISABELLE BLANCHIN : Nous avons eu deux nouvelles rencontres, la semaine dernière, avec le maire adjoint de la commune de Villejuif, la DGA aux ressources humaines, et, finalement, le maire, monsieur Pierre Garzon, vendredi dernier [21 juin 2024, NDLR]. À l’issue, ce dernier a accepté d’accorder la prime Coquerel aux agents administratifs mais pas aux médecins !
Quel argument a-t-il avancé ?
Que la somme à verser (près de 100 000 euros, NDLR) était une dotation, et qui dit dotation dit liberté aux collectivités d’en faire ce qu’elles veulent. Cette dotation n’étant pas fléchée, chaque collectivité peut faire ce qu’elle veut de la somme octroyée. Ce qui s’apparente à une décision politique de choisir de redistribuer dans l’esprit du législateur ou de le faire selon la politique locale des besoins.
Pourtant, le texte législatif est clair : cette prime était destinée à rattraper « l’oubli » du Ségur pour les personnels des centres de santé investis durant la crise Covid…
Oui, c’était perçu ainsi par tous les professionnels des centres de santé, qu’ils soient soignants ou administratifs. L’intitulé du texte précise bien que tous les professionnels travaillant dans les centres de santé municipaux sont concernés. Encore une fois, c’est le terme de dotation qui a été mis en avant, comme une manière de justifier le fait d’un libre choix du mode de redistribution à Villejuif.
Les centres de santé d’autres municipalités font-ils face à une situation similaire ?
L’USMCS a fait un tour d’horizon des centres de santé pour le savoir. En Île-de-France, pour l’immense majorité des structures, les dotations ont été redistribuées dans l’esprit du législateur. Seul le centre de Montreuil avait créé un précédent pour la même raison. Ils avaient fait grève après Noël mais la situation a été résorbée.
Comment comptez-vous accompagner le mouvement ? Y a-t-il un risque de scission entre les personnels qui toucheront cette prime Coquerel et les médecins ?
Pour l’heure, le mot d’ordre de grève a été levé ce lundi. Le personnel a obtenu des avancées avec le maire sur le paiement des jours de grève. Mais la solidarité reste pleine et entière ! D’autant que le conflit porte sur l’année 2022 et que la prime Coquerel a aussi été reconduite par les députés pour l’année 2023…
Le bras de fer n’est donc pas terminé. Les personnels infirmiers, qui eux, avaient déjà perçu la prime Ségur sont entièrement à nos côtés. Ils ont participé au mouvement de grève en soutien au mouvement lancé mi-juin. La décision est de poursuivre le mouvement, mais sous d’autres formes à laquelle nous réfléchissons. Nous sommes toujours en pourparlers avec la municipalité.
D’autres actions seront menées entre agents. Pour l’heure, la pétition que nous avons lancée en ligne a déjà recueilli plus de 550 signatures, une pétition papier a aussi été envoyée. Nous espérons arriver à plus de 1 000 signatures d’ici à la fin de la semaine. Avec la campagne des législatives, nous bénéficions également des échanges avec les candidats de gauche et écologistes et des interventions des élus. Nous avons créé un relais sur la chaîne YouTube. La mobilisation se poursuit.
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