Pourquoi avoir choisi de consacrer votre colloque à l’installation et aux politiques locales ?
Dr Jacques Battistoni : La démographie médicale actuelle crée des conditions d’exercice difficiles. Nous souhaitons, pendant ce colloque, aborder les raisons qui poussent les praticiens à choisir le libéral, mais aussi à le quitter. Nous donnerons la parole à des médecins qui se sont installés ou à d’autres qui au contraire ont déplaqué. Le lien entre les professionnels libéraux et les collectivités territoriales sera également abordé. Les actions publiques en faveur de l’offre de soins sont très diverses, allant du projet immobilier à la création de centres de santé. La commune, la communauté de communes, le département voire la région n’ont pas forcément des politiques alignées. Idéalement, il serait souhaitable d’avoir une politique cohérente d’aménagement du territoire, avec des élus locaux en capacité d’apporter leur soutien aux projets des professionnels sans créer des concurrences inutiles ou délétères entre offres libérale et salariée, ou encore d’une commune par rapport à une autre.
La surenchère de certaines collectivités pour attirer des médecins est donc contre-productive selon vous ?
Dr J. B. : Aujourd’hui, il y a de toute façon un déficit de médecins disponibles. Donc, bien sûr, la tentation des collectivités est d’avoir une politique incitative et c’est normal. Mais même si tous les jeunes généralistes en capacité de le faire s’installaient, on ne pourrait pas répondre à toutes les demandes. La seule solution est donc de mieux répartir l’offre de soins. Certains départements développent une politique incitative mais ce que met en œuvre un territoire est forcément au détriment des autres. Pour plus de cohérence, les collectivités devraient à l’avenir s’appuyer davantage sur les Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), dont l’une des missions est d’évaluer l’offre de soins d’un territoire.
Lorsque vous parlez de concurrence, pensez-vous à la création de centres de santé départementaux ?
Dr J. B. : Non, je pense aux politiques incitatives au sens large. La place des centres de santé départementaux par rapport à l’exercice libéral est une autre question. Nous aurons l’occasion d’en débattre lors du colloque avec la vice-présidente du département de Vendée, Anne-Marie Coulon, qui, sur le même modèle que celui de la Saône-et-Loire, a lancé un projet de centre de santé départemental élaboré en concertation avec l’URPS des Pays de la Loire. Il sera intéressant de voir ce qui a poussé cette collectivité à lancer ce projet et comment il s’insère dans l’offre de soins globale du territoire.
L’échéance des prochaines élections municipales ne risque-t-elle pas d’aggraver le manque de cohérence que vous dénoncez ?
Dr J. B. : Dans toutes les élections depuis plusieurs années, notamment lors de la dernière présidentielle, la question de la démographie fait toujours partie des programmes électoraux. Ce sera certainement encore le cas en mars et de façon très diverse puisqu’il n’y aura pas une mais des campagnes. Cela pourrait encore ajouter à l’incohérence de certaines initiatives pour l’accès aux soins. On peut par exemple voir des projets de maisons médicales dans les programmes et une certaine forme de concurrence sauvage des communes entre elles, y compris à l’intérieur d’un même bassin de vie. La détresse de certaines collectivités territoriales est telle que la demande de solutions magiques de la population se fait parfois au détriment de l’intérêt commun.
Colloque MG France « S’installer, exercer et vivre dans son territoire : un défi pour les professionnels, un enjeu pour les politiques », le jeudi 30 janvier de 9 heures à 13 heures dans les locaux d’AG2R à Paris. Parmi les invités : Jean-Carles Grelier, député LR de la Sarthe, Julien Borowczyk, député LREM de la Loire, Mariane Cinot, présidente du syndicat d’internes Isnar-IMG, Laure Dominjon, présidente de ReAGJIR, Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), Dr Patrick Bouet, président de l’Ordre des médecins et Katia Julienne, directrice générale de l’offre de soins (DGOS ministère)
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