C’est, en quelque sorte, une renaissance professionnelle. Plus de 40 ans après avoir quitté ses études de médecine, le Dr Bernard Pino a soutenu sa thèse pour devenir généraliste à l’âge de 67 ans, le 28 septembre. « Je suis un vieux jeune médecin. Mais, contrairement à mes confrères, je ne suis pas usé par 40 ans de pratique », clame le Finistérien qui a conscience de démarrer sa carrière « à l’âge où les gens prennent leur retraite ».
L’histoire démarre en 1974. Le carabin, alors en sixième année de médecine à Lyon Sud, est contraint d’arrêter ses études pour « des raisons financières ». Quarante ans plus tard, le père de famille de quatre enfants décide de contracter un prêt étudiant pour reprendre le chemin de la fac de Brest, située à 100 km de son domicile (Pont-l'Abbé).
Retour sur les bancs de la fac
Le doyen de la faculté lui propose alors de reprendre ses études en sixième année, puis de « repasser les ECNi » mais l’intéressé refuse. « Comme entre-temps, ils avaient inventé de nouvelles thérapeutiques, le scanner, l'IRM ou l'échographie, j'ai préféré recommencer en 4e année », précise-t-il à France 3 Bretagne.
Après une carrière « dans le numérique, l'édition et la publicité », le Finistérien revient ainsi à ses premiers amours. Si la différence d’âge lui semblait « bizarre » dans un premier temps, elle finit par lui sembler « naturelle », « au point que vous oubliez la tête que vous avez ! », confie-t-il au Quotidien.
Le Dr Bernard Pino est en convaincu. Ces années d’études lui ont permis de « rajeunir physiquement et mentalement ». Ce n’est pas uniquement lui qui le dit, mais aussi des personnes interviewées dans le cadre de sa thèse consacrée aux « spécificités liées à l'âge chez les internes de plus de 40 ans ». Un sujet qui va comme un gant à celui qui fut, sans doute, le plus vieil interne de tous les temps en France.
Exercer sur l'île de Sein
Comme lui, ces « vieux » internes, ont vécu la même chose. « À un moment donné, on arrête de vieillir. On prend coup de jeune », estime le néo-généraliste, précisant qu’il ne s’agit pas de « la crise de la quarantaine avec une maîtresse à chaque coin de ville ! ».
Aujourd’hui médecin, le Finistérien se sent « à la bonne place ». À l’avenir, il effectuera une partie de son activité sur l'île de Sein. Un mois sur deux, il remplacera la Dr Loetitia Masthias qui exerce sur place. « Là-bas, c’est du 24h/24, 7j/7. Vous êtes d’astreinte tout le temps, vous ne pouvez pas quitter l’île », explique le médecin qui fera, en parallèle, « des missions de remplacement en médecine libérale ou à l’hôpital ». Le Dr Pino a rencontré la Dr Masthias au cours d’un stage. C’est ainsi qu’il a participé à la campagne de vaccination Covid sur l’île. « Si tu ne viens pas, je pars », lui a finalement lancé sa consœur. Un défi relevé par celui qui a toujours été fasciné par les îles.
Suivi sur la durée
Le Dr Pino apprécie par avance le suivi sur la durée. « Quand je reviendrai sur l’île, la plupart des patients seront toujours là et j’aurai leur dossier sous la main. Ils me connaissent et je connais leurs pathologies car je les ai déjà vus ». En dehors de son activité sur l’île de Sein, le médecin se dit ouvert à tous types de missions, à condition d’être « payé normalement ».
S’il n’a « pas fait médecine pour l’argent », il comprend la colère de ses confrères libéraux. Il espère donc que tarif de la consultation va « évoluer » car « c’est scandaleux de travailler à ce prix-là ». Selon lui, « c’est un peu comme si on crachait à la gueule des médecins ». Le Dr Pino a fait ses calculs. Pour gagner le salaire de ses amis ingénieurs qui ont le même âge que lui, « avec les mêmes avantages », il devrait travailler « 14 heures par jour et 14 mois par an ». En médecine libérale, « si je travaille huit heures par jour, j’arrive péniblement à 3 500 euros par mois », déplore le médecin généraliste.
Un constat qui ne tarit en rien son enthousiasme. Le Dr Pino se voit bien exercer une dizaine d’années… Par la suite, il faudra « évaluer la situation. Si jamais ça ne va pas, je pense qu’il faudra arrêter. Je poserai la question à mes pairs ou à ma famille qui me répondront clairement, en toute honnêteté. »
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