LE QUOTIDIEN : Vous avez analysé le projet de convention transmis par la Cnam. Est-il satisfaisant ? Permet-il d’améliorer l’attractivité de la médecne libérale ?
Dr MÉLANIE RICA-HENRY : Le projet conventionnel n’est pas du tout signable en l’état ! Il nous contraint encore plus que le règlement arbitral. Et il ne permet absolument pas de relancer l’attractivité à l’installation, quoi qu’en dise la Cnam. Oui, la hausse du tarif de la consultation à 30 euros est bien inscrite dans ce texte mais elle ne représente que le rattrapage de l’inflation. Surtout, le calendrier d’application de cette revalorisation reste soumis à discussion. En clair, l’augmentation ne serait pas applicable immédiatement. La Cnam pourrait par exemple proposer une augmentation progressive, par échelon, tant que la profession n’a pas rempli collectivement les objectifs fixés. Médecins pour demain a toujours réclamé un tarif de la consultation à 50 euros en supprimant les rémunérations forfaitaires.
Justement, la Rosp médecin traitant et le forfait structure devraient disparaître pour s’intégrer dans un forfait médecin traitant unique par patient. C’est une avancée ?
Au départ, l’idée du forfait médecin traitant unique était de rémunérer les médecins selon les caractéristiques de chaque patient suivi, indépendamment du niveau de consommation de soins et de l’activité du praticien. C’est une bonne chose. Mais là aussi, la Cnam a réintégré dans ce forfait des indicateurs de gestion de risque de la Rosp comme la vaccination ou le dépistage du cancer colorectal, qui sont de plus en plus indépendants des médecins. Les patients peuvent être vaccinés par des pharmaciens ou acheter des tests de dépistage à la pharmacie. C’est injuste car nous serons rémunérés sur des choses qui nous échappent.
Ce projet est-il déséquilibré au détriment des spécialistes, hors médecine générale ?
Des revalorisations tarifaires sont actées pour les spécialistes. Mais il y a une incertitude sur les actes techniques en cours de refonte. Le syndicat Avenir Spé-Le Bloc revendique une enveloppe de 500 millions d’euros alors que le projet conventionnel mentionne un montant de 200 millions. C’est déjà insuffisant. L’avis ponctuel de consultant (APC) est revalorisé à 60 euros, c’est une bonne chose mais cette cotation ne va pas profiter à tous les spécialistes. Malgré les remarques des syndicats sur ces points, le projet conventionnel n’a pas beaucoup avancé pour les spécialistes hors médecine générale.
Vous pointez du doigt des mesures « floues et contraignantes ». Lesquelles ?
Plusieurs points devraient être explicités, notamment pour les médecins remplaçants. Il est par exemple indiqué que les praticiens ne pourraient pas remplacer les médecins non conventionnés. Si c’est le cas, c’est aberrant. Clairement, la Cnam veut serrer la vis aux médecins qui se déconventionnent. Il est écrit noir sur blanc que ces praticiens ne peuvent pas se reconventionner dans le même secteur conventionnel avant un délai de deux ans. Aujourd’hui, ce retour est plus rapide.
Le texte comporte aussi une série d’engagements collectifs pour diminuer les prescriptions dans tous les domaines comme les examens complémentaires, les transports, les arrêts de travail. Mais quelles pourraient être les conséquences si ces objectifs chiffrés ne sont pas atteints ? Les revalorisations seront-elles conditionnées à l’atteinte de ces objectifs ? Au demeurant, les engagements sur les arrêts de travail sont contraignants et ressemblent davantage à une mise sous objectifs des médecins. En tout cas nous allons solliciter l’Ordre pour savoir si ces engagements collectifs, tout comme l’obligation à utiliser l’ordonnance numérique ou le DMP, sont déontologiques.
En cas d’échec, allez-vous relancer la contestation tarifaire, le mouvement de déconventionnement collectif ?
Nous aimerions que les négociations aboutissent car nous ne voulons pas que les médecins libéraux restent à 26,50 euros encore pendant quatre ans. En tout cas, Médecins pour demain continue à supporter les Comeli (collectifs pour une médecine libre et indépendante, NDLR), le mouvement de déconventionnement collectif et la grève des cliniques privées à partir du 3 juin.
Je rappelle que nous sommes une association qui soutient un accès aux soins pour tous avec des patients bien remboursés. Mais nous voyons que nous sommes dans une impasse en raison des contraintes économiques. Pour laisser aux médecins conventionnés en secteur 1 une porte de sortie, nous avons défendu le secteur 2 pour tous. Cette décision ne dépend pas de la Cnam mais d’une volonté politique. Aujourd’hui, elle ne semble pas du tout envisagée.
* Ce collectif de médecins libéraux avait émergé, en septembre 2022, sur les réseaux sociaux avant de fédérer plusieurs milliers de membres autour de la revendication phare du C à 50 euros. Ce n’est donc pas un syndicat représentatif même si certains membres ont rejoint des délégations amies (FMF, UFML-S) dans le cadre des négociations officielles.
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