Imaginée il y a deux ans et demi pour répondre à la fragilité de la démographie de médecins spécialistes en Île-de-France, l’équipe de soins spécialisés de cardiologues libéraux (ESSC-IDF) creuse aujourd’hui son sillon. Expertises ponctuelles, projet de suivi de patients chroniques, renfort régulier de confrères : lors des états généraux de la cardiologie libérale organisés à Paris, le Dr Patrick Assyag, président de ce pool de libéraux, a salué le dynamisme de cette coopération souple lancée avec l’appui de l’agence régionale de santé (ARS) francilienne.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. « Nous avions commencé par 60 cardiologues, se remémore le spécialiste. Maintenant nous sommes 140 dont 8 référents ! » L’initiative qui a commencé à Paris et dans le Val-de-Marne s’étend désormais dans les huit départements franciliens. Grâce à l’ESS cardio, les médecins généralistes ont accès à un cardiologue pour « un avis spécialisé ponctuel », « et ce dans les trois à cinq heures », affirme le Dr Assyag, sous la forme de consultations en présentiel, en visio ou de télé-expertise. Quelque 5 000 patients en ont déjà bénéficié dont 800 télé-expertises d’électrocardiogramme, sollicitées par les médecins traitants mais aussi des maisons de santé pluriprofessionnelles, des Samu ou des centres médico-sociaux.
Deux à six mois pour un avis d’expert
Depuis la signature de la convention médicale en juin dernier, qui prévoit un financement des équipes de soins spécialisés, l’ESS cardiologie Île-de-France ambitionne de faire évoluer ses missions, avec la bénédiction de la tutelle régionale. « L’équipe pourrait sortir du spectre des soins non programmés pour aller épauler les généralistes avec les patients chroniques… », illustre la Dr Sophie Bataille, référente cardiologie au sein de l’ARS Île-de-France.
Déjà, le rapprochement « naturel » avec les néphrologues libéraux a été acté mi-septembre, comme un mariage de raison. « Nos patients cardiaques ont une insuffisance rénale dans 25 % des cas, explique le Dr Assyag. Or, les généralistes ont souvent besoin d’un avis d’expert avant d’envoyer le patient vers une consultation chez le néphrologue ». Un avis ponctuel qui peut prendre « deux à six mois ». Grâce à l’arrivée de 10 néphrologues dans l’équipe de soins, les généralistes ont cette expertise « en 24 ou 48 heures », par télé-expertise pour commencer, souligne le Dr Christophe Goupy, néphrologue libéral à Mantes-la-Jolie et à Paris.
« Pour que cela fonctionne, chacun doit y trouver son intérêt. Dans le quotidien du généraliste, cette relation doit être facile, sans conflit de territoire »
Dr Yohan Saynac, généraliste à Pantin (93)
Cette nouvelle organisation du second recours peut-elle inquiéter les confrères généralistes ? Le Dr Yohan Saynac, généraliste à Pantin, coprésident de la CPTS de cette ville, trouve le concept d’ESS « intéressant » mais « pas encore connu » des omnipraticiens. « Pour que cela fonctionne, chacun doit y trouver son intérêt. Dans le quotidien du généraliste, cette relation doit être facile, naturelle et surtout sans conflit de territoire », met en garde le délégué régional de MG France. Quid aussi du lien entre le médecin traitant et son patient ? « Il faudra créer des interstices pour se parler et décider de la prise en charge patient par patient », suggère le médecin. Coordination, retour d’informations, financement : ces questions seront évoquées lors de la prochaine commission paritaire nationale (CPN) en décembre pour fixer le cahier des charges de ces équipes de spécialistes libéraux.
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