Après avoir accusé le gouvernement « d'inaction » pour lutter contre les déserts médicaux et réguler l'installation des praticiens, l'organisation de consommateurs UFC-Que Choisir recommande cette fois de restreindre, voire interdire, les dépassements d'honoraires des nouveaux médecins qui s'installent, arguant du « développement incontrôlé » de ces dépassements.
« Les nouveaux médecins ne devraient avoir le choix qu'entre un secteur 1 aux honoraires sans dépassement ou l'option de pratique tarifaire maîtrisée (Optam) » qui autorise des compléments encadrés, défend Que Choisir ce mercredi dans un communiqué, qui tombe opportunément au moment où les négociations conventionnelles vont entrer dans le vif du sujet. Dit autrement, le secteur 2 serait fermé pour tous les nouveaux praticiens.
Par ailleurs, il faudrait « supprimer les aides publiques aux médecins » faisant des dépassements hors Optam, avance la fédération, qui défend en revanche un futur accord conventionnel sur un « tarif de base acceptable pour les médecins libéraux ».
Le secteur 1 régule le secteur 2
L'association étaye sa critique des dépassements avec une étude* sur trois spécialités (gynécologie, pédiatrie, ophtalmologie). Elle montre que les prix des consultations des médecins en secteur 2 ont tendance à être « plus élevés et plus homogènes » dans un secteur géographique donné (rayon de 5 à 6 km)… lorsqu'il n'y a plus de médecins aux tarifs opposables présents sur place. Autrement dit, lorsqu'il n'y a que des praticiens de secteur 2 sur une zone, il y a « une imitation des tarifs entre (médecins) voisins », plutôt qu'une concurrence et une régulation, note l'association. L'association cite le tarif moyen d’une consultation chez le gynécologue qui atteint 72 euros à Paris, 56 euros à Reims chez l'ophtalmo et 53 euros à Nice auprès d'un pédiatre. À la clé, une impossibilité de fait pour les usagers de faire jouer la concurrence par les prix, insiste Que Choisir.
A contrario, la présence de confrères de secteur 1 facturant aux tarifs Sécu « est systématiquement le facteur le plus significativement corrélé » à une baisse des tarifs de secteur 2 à cet endroit, précise Que Choisir. « Les dépassements ne sont pas modérés par le voisinage d’autres médecins secteur 2, mais par la proximité de médecins respectant le tarif Sécu », résume l'étude. Ainsi, en moyenne, au sein d’une commune, une hausse d’un point de la densité de gynécologues secteur 1 est corrélée à une baisse des honoraires de 32 % au sein du secteur 2. La hausse d’un point de la densité des ophtalmologues secteur 1 est associée à une baisse de 16 % des honoraires pratiqués dans le secteur 2.
Le principe même du secteur 2 en question
D'où l'idée de Que Choisir de fermer le robinet des nouvelles entrées dans le secteur à honoraires libres, au risque de torpiller ce dispositif instauré au début des années 1980. Le Premier ministre Raymond Barre avait alors pris acte de l'incapacité de la Sécu de suivre l'évolution des dépenses de santé, proposant aux médecins de choisir un secteur d'exercice à honoraires libres. En contrepartie, leurs patients ne seraient remboursés que sur les tarif de la Sécu et celle-ci ne participerait plus au financement de leurs cotisations maladie et vieillesse – tandis que les médecins en secteur 1 continueraient à bénéficier de cette prise en charge. Un deal toujours au cœur du pacte conventionnel.
Selon les statistiques les plus récentes du ministère de la Santé, les spécialistes sont de plus en plus nombreux à être passés en secteur 2 (53 % d'entre eux en 2022 contre 42 % en 2012). À l’inverse, la pratique est de moins en moins répandue chez les généralistes – seuls 5 % y ayant recours en 2022. Selon la Cnam, la part de spécialistes cliniciens libéraux en secteur 2 atteint 59 % chez les rhumatologues, 65 % chez les endocrinologues et 73 % chez les gynécologues médicaux et obstétriciens.
*L’UFC-Que Choisir a effectué une analyse économétrique sur la base des honoraires pratiqués par 4 615 gynécologues, 4 448 ophtalmologues et 2 735 pédiatres
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