Faut-il reconnaître une « spécificité de l’exercice de la médecine libérale en Corse » dans la convention médicale comme pour les praticiens installés dans les départements et régions d’Outre-mer (Drom), qui bénéficient notamment de tarifs majorés ?
Jusqu’à présent, ces insulaires ne bénéficiaient pas de mesures conventionnelles spécifiques. Mais les lignes bougent. Sous la pression des syndicats de praticiens libéraux, de parlementaires de l’île de Beauté, mais surtout du collectif médecins libéraux (ML) Corsica – regroupant 300 médecins sur 550 – la Cnam a programmé une réunion de travail mercredi 31 janvier dédiée aux Drom… mais aussi à la Corse.
« C’est historique, salue le Dr Cyrille Brunel, porte-parole du collectif. L’Assurance-maladie fait un grand pas pour reconnaître la spécificité corse. » Le généraliste met en avant les difficultés spécifiques d’accès aux soins sur l’île, liées à ce territoire « insulaire » et « montagneux » rendant les déplacements difficiles. Il pointe aussi le manque chronique de praticiens, en particulier de spécialistes, pour prendre en charge une population vieillissante en augmentation, sans oublier le coût de la vie. « Par rapport aux Drom, la Corse diffère sur deux points, renchérit le Dr Brunel. Nous n’avons pas de CHU et le coût de la vie, qui est plus élevé par rapport à la métropole, n’est pas pris en compte dans nos honoraires, alors que c’est le cas dans les Drom. »
Pas de soutien de l’ARS
Cette « avancée » de la Cnam, qui reste à confirmer lors des discussions conventionnelles, ne serait pas due au hasard. Depuis neuf mois, le jeune collectif libéral créé en juin a travaillé d’arrache-pied avec la direction des caisses primaires d’assurance-maladie de Bastia et d’Ajaccio pour échafauder des propositions « argumentées et budgétées ». « La Cnam a même dit que notre rapport de 70 pages est intéressant », révèle le porte-parole.
Dans ce document, les médecins libéraux corses émettent plusieurs propositions de réforme : l’ouverture à « d’autres critères » des cotations tarifaires pour les consultations complexes et très complexes (autorisant des majorations locales), une utilisation sans restriction trimestrielle de la visite longue, la possibilité de cumuler à taux plein un acte clinique avec un acte technique (pour deux actes au maximum) ou deux actes techniques. Et pour faire face aux difficultés de déplacement sur l’île, « nous souhaitons une revalorisation de la majoration de déplacement à hauteur de 20 euros au lieu de 10 aujourd’hui », confie le Dr Brunel.
L’Assurance-maladie est-elle prête à avancer en ce sens ? Pour l’heure, le collectif corse entend mettre la pression sur l’État en organisant un rassemblement devant l’agence régionale de santé (ARS) le mardi 30 janvier, à 14 heures. « On demande à être reçus par le préfet et l’ARS pour qu’ils affichent clairement leur soutien », insiste le médecin.
Militant pour des négociations sur les spécificités des Drom et de la Corse, la CSMF salue « l’ouverture » de la Cnam. Son président, le Dr Franck Devulder, reconnaît que « les spécificités territoriales liées à la l’éloignement et au coût de la vie doivent faire l’objet d’aménagements particuliers mais dans une convention unique ». « Il ne faudrait pas aller vers des conventions régionales et des objectifs régionaux d’assurance maladie », recadre-t-il.
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