Le Dr Vincent Ropars, médecin généraliste à Plouvien (Finistère), a écopé, mi-décembre, d’un avertissement de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins pour avoir cosigné, en 2018, une tribune contre les « médecines alternatives ». Selon la juridiction ordinale, les propos qui y figuraient étaient contraires au principe de confraternité inscrit dans l’article 56 du code de déontologie médicale. Interrogé par Le Quotidien, ce médecin de famille dit a posteriori « ne rien regretter » de sa prise de parole et désavoue, avec force, la justice ordinale, qui mériterait, selon lui, un « bon dépoussiérage ».
La chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins vous a condamné, en appel, à un avertissement pour avoir cosigné une tribune anti-homéopathie. Comment avez-vous réagi à cette annonce ?
Cela ne m’empêche clairement pas de dormir ! J’ai été certes un peu déçu de cette décision mais je m’en tire au final pas trop mal. La partie adverse [des syndicats de médecines alternatives à l’origine de la plainte, NDLR] avaient demandé beaucoup plus, à savoir une interdiction d’exercer avec sursis ainsi que le versement d’une amende de 1 000 euros à chacun des plaignants. Cette histoire aurait pu me coûter entre 9 000 et 10 000 euros. Finalement, c’est une petite tape, un avertissement pour dire « attention à la façon dont vous rédigez les tribunes ». Mais un avertissement, c’est quoi finalement ? Ne pas pouvoir se présenter aux élections ordinales pendant cinq ans ? D’ici là, est-ce que j’aurai encore envie de participer à la vie ordinale, avec un Ordre et des procédures disciplinaires qui mériteraient clairement d’être dépoussiérés ? Je n’en suis pas sûr (rires) !
Ne ressentez-vous tout de même pas une forme d’injustice ?
J’essaie de prendre ça avec beaucoup de philosophie. Cette histoire est un combat d’arrière-garde, de personnes un peu blessées dans leur ego. J’ai signé cette tribune en mon nom – sans aucun pseudonyme – et j’en tire une très grande fierté. Cela a permis d’ouvrir le débat et d’obtenir, quelques mois après, le déremboursement de l’homéopathie après que la HAS a conclu à l’absence d'efficacité avérée des médicaments homéopathiques.
À l’avenir, cette sanction pourrait-elle vous dissuader de donner votre avis publiquement ?
Certainement pas ! Si c’était à refaire, je referais tout à l’identique. J’ai signé cette tribune sans me soucier des potentielles conséquences. Et je ne regrette en aucun cas. Je ne suis certes qu’une signature derrière cette tribune, mais quand j’ai vu la réaction des syndicats d’homéopathes et des autres médecines alternatives, cela m’a presque fait regretter de ne pas avoir été une des plumes de ce texte ! Bon, peut-être qu’à l’avenir, je ferai preuve d’un tout petit peu plus de prudence sur la façon dont sont rédigées les tribunes que je signe.
J’ai signé cette tribune en mon nom et j’en tire une très grande fierté
Dr Vincent Ropars
Aujourd’hui je continue à mon modeste niveau la lutte contre la désinformation au gré de mes consultations. Parmi mes patients, nombreux sont ceux à adhérer à des pratiques alternatives. Sans les dissuader de quoi que ce soit, j’essaie de les mettre en garde surtout quand il est question de miracles ou de trop belles promesses. J’essaie d’être le plus pédagogique possible pour désamorcer les fausses croyances. Récemment, je me suis rendu compte qu’il était très intéressant de faire le point avec les enfants et les ados sur le vaccin. Je leur explique concrètement comment ça fonctionne et à quoi ça sert. En prenant le temps avec les patients, leur résistance aux fausses informations s’améliore.
Qu’attendez-vous du Cnom qui, pour l’instant, ne s’est pas prononcé publiquement sur ce sujet ?
Je n’attends absolument rien du Cnom. Je n’ai jamais eu vraiment confiance en la justice ordinale et en leurs procédures très longues. Il est absolument révoltant qu’il soit aujourd’hui si facile d’instrumentaliser notre conseil pour tacler des médecins qui font simplement leur travail. J’ai notamment en tête l’exemple récent et scandaleux du blâme infligé à l’encontre du Dr Jérôme Marty. Les personnes qui ont porté plainte contre lui pour diffamation l’ont sciemment fait devant le conseil de l’Ordre. Car il est plus facile de casser les pieds à un médecin par cet intermédiaire que par les tribunaux classiques. Les textes qui régissent le code de déontologie médicale restent extrêmement figés dans des carcans qui ne sont plus adaptés au monde d’aujourd’hui. Si le Cnom et sa juridiction s’adaptent à notre société, ce serait une très bonne chose, mais il y a du boulot ! En attendant que cela arrive, je sais très bien que ma condamnation risque de faire jurisprudence. Avec le risque qu’une centaine de praticiens soient sanctionnés en appel dans les prochains mois.
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