Le Premier ministre l'a annoncé ce lundi 25 novembre en conclusion du Grenelle des violences faites aux femmes. Le secret médical pourrait être assoupli pour permettre aux professionnels de santé de signaler « les cas les plus inquiétants », a annoncé Édouard Philippe. Mais derrière cette annonce médiatique, qui figure parmi les 30 mesures présentées lundi, pourrait se révéler un casse-tête pour le gouvernement.
Cette révision du secret médical est justifiée pour permettre aux soignants de signaler « sans réprobation » des violences conjugales « quand une femme est en danger de mort », car « la priorité c'est de sauver la vie de cette femme », a affirmé ce mardi Marlène Schiappa.
« Quand vous voyez une femme qui a la mâchoire fracturée, la langue déchirée, qui vient d'être tabassée et qui repart chez elle, avec son mari violent qui l'a menacée de mort en lui disant "si tu reviens je termine le travail", je crois que c'est la responsabilité de chacun de faire un signalement au procureur », a déclaré la secrétaire d'État chargée de l'Egalité femmes-hommes sur France Inter.
.@MarleneSchiappa sur la levée du secret médical en cas de violences conjugales : "Je comprends qu'on se dise que les femmes ne vont plus avoir confiance. Mais je crois que quand une vie est en danger, la priorité est de sauver la vie de cette femme" #le79Inter pic.twitter.com/dkr27R9Um9
— France Inter (@franceinter) November 26, 2019
L'art de « préserver le secret médical » en l'assouplissant...
Marlène Schiappa devait rencontrer ce mardi le président de l'Ordre des médecins, Patrick Bouet, pour « travailler à une rédaction qui s'approche de l'objectif défini par le Premier ministre », Édouard Philippe.
La mise en application de cette disposition reste pourtant à ce jour très ambiguë, l'exécutif donnant l'impression de marcher sur des œufs.
Le code pénal (article 226-14) autorise déjà les médecins à lever le secret médical sans l'accord du patient « lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ».
Le gouvernement souhaite encourager le médecin à signaler les cas de violence lorsque la femme court un risque. Mais après les attermoiments des derniers jours, il ne souhaite pas rendre cette mesure obligatoire... et ne semble pas disposé à rendre le signalement possible sans l'accord de la patiente.
A l'appréciation du soignant
Marlène Schiappa a en effet indiqué que le signalement resterait « laissé à l'appréciation du soignant, qui est un professionnel fondé à identifier quand il y a un danger imminent ». Selon la secrétaire d'État, cette déclaration devra se fera « en prévenant la femme bien évidemment » :« il ne s'agit pas de faire quoi que ce soit derrière son dos », a-t-elle précisé.
Les médecins ne sont pas restés indifférents face à cette annonce qui n'en est pas vraiment une. Sur les réseaux sociaux, ils sont nombreux à interpeller Marlène Schiappa pour lui dire que cette disposition est tout sauf une nouveauté.
Merci @MarleneSchiappa mais c’est ce que nous faisons déjà. Inutile de modifier la loi pour ça ! https://t.co/wt23nJcWB5
— Yannick SCHMITT (@yannickschmitt) November 26, 2019
Le Dr Gilles Lazimi, généraliste en Seine-Saint-Denis et membre de SOS femmes 93, et auteur d'une récente tribune sur le sujet, a expliqué pourquoi cet assouplissement supposé du secret médical est selon lui une mauvaise idée.
« La levée du secret médical existe déjà dans le code de déontologie, a-t-il témoigné à France 24. Le signalement, on peut le faire et heureusement ! Mais dans toutes les situations, il faut respecter la femme et vraiment l'accompagner car c'est le seul moyen pour elle de redevenir auteure de sa vie et de pouvoir sortir des violences. »
Lever le secret médical pour les victimes de violences conjugales ?'C'est déjà dans le code de déontologie ! (...) il faut respecter la femme, l'accompagner, c'est le seul moyen pour elle de redevenir auteure de sa vie.' @lazimigilles #GrenelleViolencesConjugales #ParisDirect pic.twitter.com/kaPRzaFiWC
— Pauline Paccard (@PaulinePaccard) November 25, 2019
En annonçant l'assouplissement du secret médical en cas de violence conjugale, le gouvernement n'a satisfait ni les médecins, ni les associations de défense des femmes. Il lui reste maintenant à retomber sur ses pieds.
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