« Quand on entre dans un cabinet, on est content, on se dit que tout va aller bien. Et c’est justement à ce moment qu’il faut se demander ce qu’il se passera si les choses ne tournent pas bien. » Ce constat, le Dr Bernard Decanter est bien placé pour le faire : en tant que Secrétaire général du Conseil départemental de l’Ordre des médecins (CDOM) du Nord, il a vu défiler en réunion de conciliation bien des médecins fâchés à mort, alors qu'ils sont associés et donc amenés à collaborer au quotidien. Et pour lui, la seule solution réside dans le dialogue.
Il faut dire que les causes de désaccord entre membres d’un même cabinet ne manquent pas. Les arbitrages en matière d’investissement, le recrutement d’une secrétaire, le choix d’un nouveau logiciel, l’orientation particulière que peut prendre un confrère et qui peut être en contradiction avec la pratique d’un autre, le remplacement d’un associé parti à la retraite… Autant de sujets potentiellement explosifs qu’il vaut mieux prendre en main avant que la situation ne s’envenime.
Au commencement était le verbe
« La discussion, le désaccord sont fréquents dans les cabinets, et ils peuvent même parfois amener à faire des choix qui débouchent sur un progrès », explique le Dr Cyrille Dubois, médecin et médiateur professionnel qui a fondé le cabinet de médiation OBCD. « Mais il arrive que les affects prennent le dessus sur les éléments rationnels ou factuels, ce qui rend tout dialogue quasi impossible. » Dans ces cas-là, introduire un tiers dans la discussion peut permettre de dégonfler les émotions.
La conciliation ordinale étant un préalable à toute action en justice en cas de conflit entre médecins, Bernard Decanter a en la matière fait des expériences étonnantes. « On voit parfois arriver des gens qui ne se parlent pas, et qui sont obligés lors de la conciliation de se parler dans un lieu neutre », raconte-t-il. Un déblocage de la parole qui, assure le généraliste, peut dans certains cas à lui seul suffire pour résoudre le conflit.
Faites confiance aux professionnels
Mais si l’on en croit Cyrille Dubois, le verbe ne peut pas tout. Il faut parfois recourir à des professionnels de la médiation pour trouver une porte de sortie. « La médiation professionnelle, ce ne sont pas uniquement du bon sens et une expérience de la vie, ce sont des techniques très précises », explique-t-il. « Le fait que l’intervenant soit formé de manière professionnelle est à mon sens essentiel dans certaines situations. »
Et assure le médiateur, l’intervention d’un professionnel permet dans la plupart des cas d’aboutir à une solution. « Bien sûr, nous ne sommes pas dans un monde où les gens sont fâchés et qui, dès lors que nous arrivons, s’embrassent sur la bouche », sourit-il. Mais il y a d’après lui trois manières de sortir d’une situation conflictuelle.
« La première est la reprise de la relation comme avant, après avoir surmonté la phase émotionnelle », énumère-t-il. « La seconde, c’est de réorganiser la manière de collaborer après avoir identifié ce qui ne fonctionnait pas. Et la troisième, une séparation. » Car, souligne Cyrille Dubois, la conclusion de la médiation peut déboucher sur la fin de la collaboration, ce qui ne doit pas être considéré comme un échec si les choses sont faites de manière réfléchie.
Lire les lignes écrites en petit
Et dans ce cas-là, il vaut mieux avoir bien lu son contrat d’association, car on peut avoir de mauvaises surprises. « On ne signe pas de contrat sans l’avoir lu, surtout les lignes écrites en petit, car c’est là que l’on trouve les clauses les plus complexes », insiste Bernard Decanter. Celui-ci assure qu’il voit de nombreux médecins découvrir trop tard qu’ils se sont contractuellement engagés à payer leur part des charges du cabinet même s’ils sont empêchés de travailler pendant une certaine période, par exemple.
Son conseil : examiner avec une attention toute particulière les conditions de sortie. « Si la situation se dégrade, est-ce que je peux me réinstaller à proximité, à quelle distance minimum, combien de temps après ? Voilà les questions importantes », affirme Bernard Decanter.
Bernard Decanter fait d'ailleurs savoir que certains CDOM, dont celui du Nord, offrent un service d’analyse des contrats. « Les médecins peuvent nous adresser leur contrat et nous donnons un avis qui permet de savoir s’il est acceptable », explique-t-il. Inconvénient de la procédure : elle prend du temps. « On ne peut pas nous demander une réponse en huit jours », prévient le généraliste. Mais au vu de l'importance de ces questions, on peut se dire qu'il s'agit de temps bien investi.
A. R.
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