Nouvelle convention médicale : les 15 mesures clés que propose la Cnam

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Publié le 10/05/2024
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À quelques jours d’une ultime séance de négociations, l’Assurance-maladie a mis en ligne son projet de convention médicale. Tour d’horizon des mesures phares de ce texte, non définitif mais bien abouti.

Crédit photo : Mael Garnier/SIPA

Il manque encore les annexes et le calendrier d’application des revalorisations mais le plus gros est là. La Cnam a mis en ligne jeudi 9 mai sur le site ameli son projet de convention médicale, qu’elle espère signer avec les syndicats de médecins libéraux lors de l’ultime séance de négociations, les 16 et 17 mai. Ce document de travail provisoire de 168 pages résume les six mois de discussions que Thomas Fatôme et Marguerite Cazeneuve ont menées avec la profession. Le Quotidien fait le tour de la question en quinze mesures clés.

- G à 30 euros en étendard

Mesure tarifaire emblématique de ce projet conventionnel, la consultation généraliste G (C + MMG) – hors téléconsultations – est établie à 30 euros. Mais dans ce projet, la Cnam s’est bien gardée de préciser le calendrier d’application de cette revalorisation dont « la mise en œuvre fera l’objet des discussions en séance ».

- Coup de pouce aux consultations longues et de l’enfant

Les trois consultations obligatoires de l’enfant donnant lieu à certificat sont facturées 60 euros (cotation COE). Pour le généraliste, les tarifs seraient aussi valorisés à 35 euros pour les enfants de moins de six ans, et 30 euros à partir de 6 ans.

La consultation longue est rémunérée 60 euros pour les médecins traitants. Elle pourrait être facturée une fois par an et par patient pour chacune des trois situations suivantes : dans les 30 jours après une sortie d’hôpital ; pour les consultations de déprescription pour les patients polymédiqués ; pour les dossiers d’allocation personnalisée.

- Forfait médecin traitant : deux strates, une majoration et des indicateurs

Pour simplifier la rémunération forfaitaire des médecins, la Cnam adopte bien le principe de forfait médecin traitant en remplacement de la Rosp et du forfait structure.

La nouvelle mouture du forfait médecin traitant comporte un premier niveau socle. Cette part fixe est calibrée comme l’actuel forfait patientèle selon la complexité du patient (âge, ALD, etc.) mais elle est calculée à partir de tarifs revalorisés. La Cnam concentre ses efforts financiers autour des médecins traitants qui assurent un suivi des patients dans la durée, particulièrement les plus âgés (80 ans et plus, en ALD ou non) et les plus fragiles (enfants de moins de sept ans). Une majoration d’un montant de 10 euros est appliquée pour chaque patient bénéficiaire de la complémentaire santé solidaire.

Deuxième étage de ce forfait : une part variable, modulée selon le niveau de réalisation d’objectifs resserrés de santé publique. Le panier de 15 indicateurs initialement prévu pourra être enrichi d’indicateurs validés scientifiquement « auxquels les médecins traitants et les autorités sanitaires portent un intérêt ».

- Capitation : naissance du paiement prospectif forfaitaire

C’est l’une des marottes d’Emmanuel Macron. Le paiement à la capitation substitutif au paiement à l’acte devient dans ce projet conventionnel le paiement prospectif forfaitaire pour les équipes de professionnels de santé volontaires. Ce forfait expérimental s’applique en ville pour tout ou partie de la patientèle médecin traitant de l’équipe. Au moins trois généralistes et un infirmier libéraux conventionnés sont requis, en cabinet de groupe ou en maisons de santé. La patientèle médecin traitant concernée par le forfait doit s’élever au minimum à 250 patients. Le paiement dépendra de quatre critères propres aux patients : l’âge, le genre, le fait de bénéficier de la complémentaire santé solidaire et le fait d’être exonéré au titre d’une ALD. Le forfait sera ajusté en fonction des caractéristiques territoriales (niveau de consommation de soins sur le territoire, offre de soins, taux de pauvreté). Un cahier des charges précisera le tout.

- Contrats démographiques : Coscom, Caim et Cotram au pilon

Pour inciter un médecin à s'installer dans une zone sous dotée (ZIP), la Cnam propose une aide forfaitaire unique de 10 000 euros par la caisse de son lieu d’exercice principal dans les trois mois suivant son installation. En ZAC, c’est 5 000 euros. Pour les médecins libéraux déjà installés en ZIP, la caisse suggère de majorer le forfait médecin traitant (FMT). Cette majoration s’applique pendant trois ans à compter de l’année de la première installation en ZIP. Elle s’élève à 50 % la première année, 30 % la deuxième année et 10 % la troisième et dernière année. Les médecins âgés de plus de 67 ans verraient eux aussi leur FMT majoré de 10 %. Toutes ces majorations remplacent les contrats démographiques existants (Coscom, Caim et Cotram).

Pour inciter les spécialistes à tarifs opposables à effectuer des consultations avancées en ZIP, la Cnam propose un forfait de 200 euros par demi-journée d’intervention, dans la limite de six demi-journées par mois.

- Service d’accès aux soins : 1 000 euros par an sous conditions

Afin d’inciter les médecins à participer au service d’accès aux soins (SAS), le projet conventionnel acte la création d’une rémunération spécifique de 1 000 euros par an. Les généralistes pourront la toucher s’ils remplissent plusieurs conditions, dont celle d’accepter d’interfacer le logiciel de prise de rendez-vous du cabinet avec la plateforme numérique SAS « pour une mise en visibilité de ses disponibilités en cas de besoin de la régulation libérale du SAS ». Jusqu’à présent, l’adhésion des généralistes à cette plateforme unique nationale est loin d’être optimale.

Pour pousser les médecins à prendre davantage de patients en soins non programmés, le texte prévoit une nouvelle majoration de 5 euros, lorsque le médecin accepte de prendre en charge le patient entre 19 heures et 21 heures sur demande de la régulation médicale en dehors du SAS. Il peut la facturer en sus de la cotation MRT de 15 euros. Par ailleurs, pour soutenir les consultations à domicile (après régulation ou non) le tarif des visites aux horaires de PDSA est revalorisé de 6,50 euros lorsqu’elles sont facturées à tarif opposable.

- Maîtrise de stage : des bonus de 500 à 800 euros par an

Les maîtres de stage voient leur mission augmentée à hauteur de 800 euros par an pour ceux qui sont installés en zone d’intervention prioritaire (ZIP) et de 500 euros par an pour ceux qui sont en dehors de ces zones.

- Infirmier en pratique avancée : 400 euros pour 35 patients orientés

Un autre coup de pouce financier est prévu pour les médecins qui exercent en coordination avec les infirmiers en pratique avancée (IPA). Ils pourraient toucher un forfait de 400 euros par an dès lors que 35 patients de leur patientèle sont orientés vers un IPA qui en assure également le suivi.

- Patients AME : 500 euros par an

La prise en charge des patients en AME est aussi reconnue par la création d’un forfait annuel à hauteur de 500 euros par an. Les médecins éligibles à cette rémunération forfaitaire sont les généralistes conventionnés « dont le nombre d’actes réalisés pour ces patients et le total de leurs actes est supérieur à 2 % ».

- Assistants médicaux : une aide boostée et assouplie

Pour atteindre 10 000 assistants médicaux recrutés, le projet conventionnel acte une hausse de 5 % de l’aide pérenne versée aux médecins (années 1, 2 et suivantes). De fait, la prime à l’emploi temps plein (ETP) d’un assistant médical passerait, la première année, de 36 000 euros à 38 000 euros. Le texte ouvre la voie à la possibilité de signer des options 1,5 ETP ou deux ETP à compter de la troisième année pour les médecins généralistes exerçant en ZIP. L’aide serait de 33 000 euros (pour l’option 1,5 ETP) et de 44 000 euros (option deux ETP). Le texte envisage la mutualisation de l’emploi d’un assistant médical pour les médecins exerçant dans un même cabinet ou dans une maison de santé.

- Les équipes de soins spécialisées (ESS) financées avec conditions

Le projet confirme la création et le financement des équipes de soins spécialisés (ESS), réclamée depuis longtemps par les syndicats représentant des spécialistes. Ces collectifs de spécialistes devraient s’engager à assurer deux missions : structurer l’offre de second recours dans une logique de parcours dont le point d’entrée est le médecin traitant ; contribuer au développement des consultations avancées, notamment en ZIP.

Un crédit d’amorçage de 80 000 euros est envisagé puis une dotation annuelle après la validation du projet de santé. Le montant de cette aide varie selon la taille de l’ESS : de 50 000 euros pour une équipe regroupant dix médecins à 100 000 euros pour 100 médecins ou plus.

Plusieurs conditions sont émises dans le document provisoire de la Cnam. Les ESS doivent couvrir un périmètre géographique a minima départemental « sur lequel sont présents au moins dix médecins de la spécialité concernée ». Elles doivent aussi respecter un seuil minimal d’adhérents (au moins 15 % des professionnels de la spécialité concernée du territoire couvert). Par ailleurs, elles doivent traiter « des problématiques liées à une spécialité médicale et non à une pathologie » et collaborer avec les organisations existantes comme les communautés (CPTS), les autres ESS, les DAC (dispositifs d’appui à la coordination), les établissements hospitaliers, etc.

- APC : 60 euros mais à périmètre revu

Comme prévu, l’avis ponctuel de consultant (APC), qui valorise l’expertise à la demande du médecin traitant, passe à 60 euros (au lieu de 56,50 euros). Celui du psychiatre (APY) est à 67,50 euros et il est aussi ouvert aux gériatres. L’avis ponctuel de consultant APU (consultation d’un PU-PH) est revalorisé à 74 euros. Par ailleurs – c’est une avancée réclamée par le syndicat Avenir Spé – l’APC, peut être facturée « à la demande écrite du médecin traitant ou d’un spécialiste d’une autre spécialité ». Un retour d’information vers le médecin demandeur dans ce cas est nécessaire.

- Spécialités cliniques : des revalos ciblées pour le bas de l’échelle

Pour les trois consultations obligatoires, les pédiatres voient leur acte (COH) valorisé à 50 euros, 35 euros pour les enfants de 2 à moins de 6 ans (COK) et à 31,50 euros (COG) pour les enfants à partir de 6 ans. Les consultations obligatoires avec certificat (COE) et sans certificat (COH) pour les moins de deux ans sont revalorisées respectivement à 60 euros et à 50 euros. La Cnam propose une « consultation de recours » au pédiatre tarifée 60 euros sur adressage de la PMI, de la médecine scolaire ou d’une sage-femme, ou d’un orthophoniste ou d’un orthoptiste. Le pédiatre fait un retour écrit au demandeur et, au médecin traitant. Cette consultation ne peut être facturée plus d’une fois par an pour une sollicitation du même demandeur, et dans la limite de trois fois par an pour un même patient.

Pour les psychiatres, le passage de la consultation de référence (CNPsy et majorations associées) est revalorisé à 52 euros. En l’associant avec la majoration MCS, le tarif de ce spécialiste passe à 57 euros. Des bonus sur certaines consultations de synthèse (MAF et MPF) sont fixés à 25 euros

D’autres consultations de référence sortent gagnantes : 35 euros pour les gynécologues médicaux (soit 40 euros en association avec la MCS), pour les gériatres et pour les spécialistes en médecine physique et réadaptation.

Les dermatologues voient le tarif de dépistage du mélanome réalisé au cabinet (CDE) augmenté à 60 euros. Le tarif de la majoration pour certaines consultations par les spécialistes en endocrinologie et en médecine interne compétents en diabétologie (MCE) est revalorisé à 28,50 euros.

- Actes techniques : du mieux sans attendre la refonte de la nomenclature

Les coefficients de charges (CG) des actes techniques seront revalorisés de 7 % pour tenir compte de l’inflation sans attendre la refonte de la CCAM.

Les partenaires conventionnels entendent aussi revaloriser spécifiquement les actes techniques des médecins adhérant aux contrats de modération tarifaire (Optam et Optam-Co). Pour cela, les majorations des modificateurs K et T applicables aux actes de chirurgie et d’accouchements seront valorisées de 10 points.

Pour faciliter la mise en œuvre des nouveaux tarifs qui seront définis dans la future CCAM, le projet prévoit de sanctuariser une enveloppe à hauteur « de 200 millions d’euros », précise le projet conventionnel.

- L’appel de la Corse entendu

Il a fallu que plusieurs dizaines de médecins prennent le maquis pour que la Cnam bouge. À titre dérogatoire, les partenaires conviennent désormais « que l’ensemble du territoire de la Collectivité de Corse bénéficie des dispositions applicables aux communes relevant de la loi Montagne ».

Par ailleurs, les partenaires conventionnels proposent la création d’une nouvelle majoration de déplacement MDM valorisée à 15 euros, si l’un ou l’autre des domiciles du patient ou du cabinet du médecin se situe en zone montagne. Les Corses en voulaient 20.


Source : lequotidiendumedecin.fr