Jusqu'à la prise de décision « dans les prochains jours » d'Agnès Buzyn sur le maintien ou non du remboursement de l'homéopathie, la guerre fait rage entre les défenseurs et les anti-homéopathie. De scientifique, le débat est devenu politique ces derniers jours.
Dernière offensive des anti-granules ce vendredi 5 juillet : taper à la porte de la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Frédérique Vidal vient de recevoir une lettre de la part du Collège national des généralistes enseignants (CNGE), en pointe contre la présence de l'homéopathie dans les facs. Les médecins lui réclament une fois de plus la suppression de l'enseignement de la pratique homéopathique, qui existe encore dans la moitié des facultés de médecine et dans de nombreuses facultés de pharmacie. « On ne peut pas recommander aux étudiants des contenus fondés sur la science, imposer qu'ils soient formés à la lecture critique et en même temps leur imposer des enseignements véhiculant des aberrations grossières aux antipodes de la démarche scientifique », écrit le CNGE dans sa lettre à la ministre.
Joint par « Le Quotidien », le Pr Vincent Renard, président du CNGE, explique que, contrairement aux médecins enseignants, « la conférence des doyens préfère que ces enseignements se passent au sein de l'université que dehors ». « C'est une très mauvaise stratégie, juge-t-il. C'était comme si on intégrait les enseignements de l'astrologie à ceux de l'astronomie », dit-il. Par ailleurs, le médecin généraliste à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) ne veut pas croire que la ministre trancherait en faveur d'un déremboursement à 15 %, évoqué ici et là. « Ce serait une capitulation politique devant des intérêts financiers », lance-t-il.
Taux de 15 % a minima pour Xavier Bertrand
De son côté, le camp des pro-granules peut se targuer du soutien de poids lourds de la politique, élus inquiets pour l'emploi dans les laboratoires fabricants en cas de déremboursement. Outre Gérard Collomb à Lyon, Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France (où Boiron a un site), s'est fendu ce jeudi d'un courrier au chef de l'État, après avoir provoqué un tollé en avril en apposant sa signature sur la pétition du collectif « Mon Homéo mon choix ».
Pour l'ancien ministre de la Santé, un déremboursement entraînerait « un report des prescriptions vers d'autres traitements dont les coûts peuvent être significativement plus chers » et pèserait donc sur « le pouvoir d'achat » des Français, auquel il se dit attaché. « Ce sont nos concitoyens qui ont recours à l'homéopathie qui devront s'acquitter de cette dépense qui peut s'élever à plusieurs dizaines d'euros par mois », affirme-t-il. Xavier Bertrand estime aussi que la liberté de choix des patients ne pourra être garantie si le déremboursement intervenait. Au final, il appelle le gouvernement à maintenir au moins « un taux de 15 % », créé en 2006 par l'ancien ministre de la Santé lui-même pour préparer le déremboursement total des veinotoniques. Ce déremboursement progressif est aussi réclamé par l'association France assos santé (regroupant 80 associations d'usagers) et les syndicats de pharmaciens, interrogés par « Le Quotidien ».
Cette dernière prise de position de Xavier Bertrand a évidemment fait réagir les antigranules. Dans une série de tweets bien salés, le président de l'UFML-Syndicat, le Dr Jérôme Marty, a fustigé la demande de l'ancien ministre de la Santé.
et que l’état se rend coupable de complicité avec une industrie qui fabrique des granules présentées comme autant de médicaments, et qui se développe et s’enrichi sur un mensonge permanent.
— DrMartyUFML-S (@Drmartyufml) 5 juillet 2019
Recevez Monsieur le ministre, l’assurance de ma sincérité de médecin généraliste.
Fin. pic.twitter.com/hsgKuUFFoK
La majorité divisée
Que fera Agnès Buzyn, elle qui a toujours assuré qu'elle suivrait l'avis de la Haute autorité de santé (HAS) favorable au déremboursement ? En attendant son annonce, le dossier va jusqu'à diviser le gouvernement.
Mardi, la porte-parole, Sibeth Ndiaye, a estimé que la décision finale dépendait d'une « balance » entre les « considérations scientifiques et les conséquences sur l'emploi », alors que Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics, pense l'inverse : « Je serai solidaire de la décision de la ministre de la Santé mais il me semble que s'il y a une Haute autorité de santé, c'est pour suivre ses avis », a-t-il déclaré sur RTL.
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