Le 1er janvier 2024, la décision tombe comme un couperet pour les habitants de la commune de Fourchambault (Nièvre). Leur médecin traitant, le Dr Patrick Gautheron, est frappé d’une interdiction d’exercice d’un an. L’Ordre des médecins reproche au praticien de 62 ans son rythme de travail effréné qui le conduisait à recevoir entre 80 et 120 patients par jour, de 7 heures à 21 heures – le généraliste nivernais suivant en tout plus de 4 500 patients ! Mais ce n’est pas tout : l’Assurance-maladie dénonçait des surfacturations d’actes de week-end et de nuit pour un trop-perçu estimé à 68 000 euros.
Cet arrêt d’activité intervient dans un territoire qui a déjà subi, fin 2023, le départ en retraite « de deux généralistes à patientèle importante », tandis qu’un troisième « a une activité réduite dans la perspective d’une retraite prochaine », contextualise le Dr Xavier Buchholtz, 60 ans, généraliste et trésorier de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) Sud-Nivernais.
À l’arrivée, ce sont en totalité quelque 9 000 patients qui se sont retrouvés privés de médecin traitant. Ces derniers commencent alors à se tourner vers d’autres confrères du territoire, surchargeant des listes de rendez-vous déjà saturées et n’hésitant pas, parfois, à hausser le ton lorsque les généralistes ne pouvaient les recevoir. « La mesure administrative ordinale a été très mal comprise, se souvient le Dr Buchholtz. Il faut imaginer le contexte émotionnel que la situation avait créé ».
Libéraux volontaires en renfort
Les acteurs du territoire se sont donc organisés pour trouver une parade. Dès le mois de décembre, la Délégation territoriale de la Nièvre pour l’agence régionale de santé (ARS), la caisse primaire locale et la mairie ont sollicité la CPTS. À l’étude du dossier, cette dernière a proposé de coordonner une offre de soins temporaires sur le territoire « en s’appuyant sur les ressources humaines libérales volontaires ». Un mois plus tard, le centre éphémère de consultations (Cec) de Fourchambault était opérationnel.
Depuis le 29 janvier, ce sont six médecins généralistes des environs – dont cinq libéraux – qui se relaient chaque jour de semaine, de 13h30 à 16h30, et le samedi matin, pour assurer des consultations ponctuelles dans l’ancienne école de la commune mise à disposition par la mairie, en sus de leur activité au cabinet.
L’ARS a accordé une enveloppe d’environ 12 000 euros pour équiper les locaux en matériel médical et acheter des ordinateurs connectés au logiciel externalisé et sécurisé de la CPTS. L’Ordre départemental, de son côté, s’est engagé à ne pas qualifier l’exercice de ces médecins comme intervenant dans le cadre d’un cabinet secondaire. Le centre de santé départemental « prête » pour sa part un des généralistes qu’il emploie.
Coopération transversale des libéraux
Les pharmaciens du territoire participent également à l’initiative en prenant les rendez-vous en ligne, pour le compte des patients. Et chaque jour, un médecin consulte accompagné de deux infirmières libérales et d’une personne en charge de la coordination médico-administrative. Les infirmières sont rémunérées au forfait, dans le cadre du fonds d’intervention régional (FIR). Les médecins – qui effectuent aussi des téléconsultations – sont payés à l’acte.
« Ce sont des mercis tous les jours de la part des patients », se réjouit le Dr Xavier Buchholtz. « Cette organisation, illustre tout ce que peut apporter la coopération transversale libérale d’une CPTS en matière d’accès aux soins, notamment dans les déserts médicaux », poursuit la cheville ouvrière du dispositif, prévu pour durer, a priori, au moins jusqu’à l’été. Reste à savoir quelles solutions seront trouvées à l’automne. Par définition, ce qui est éphémère ne peut durer.
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