Éditorial

Des négos casse-cou

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Publié le 04/11/2022

Pas moins de six organisations invitées et des jeunes en embuscade ! De mémoire de syndicaliste, on n’aura jamais été aussi nombreux autour de la table que mercredi prochain, top départ des négociations sur la nouvelle convention. Cette affluence record augure-t-elle un accord avant la fin du premier trimestre 2023 comme le prévoit l’échéancier officiel ? Rien n’est moins sûr. La Cnam devant trouver plusieurs partenaires pour signer, il n’est plus possible de s’arranger avec un seul syndicat comme au bon vieux temps. Et l’expérience prouve que, même la carotte des fameux fonds conventionnels ou le bâton du règlement arbitral ne suffisent pas toujours à faire le plein de paraphes. Surtout si la base renâcle à approuver le deal proposé.

Sur le papier, ces pourparlers démarrent pourtant avec un atout : dans la feuille de route tracée par le ministre de la Santé, il est à peine question de maîtrise des dépenses, comme si, depuis le « quoi qu’il en coûte », ce traditionnel casus belli était à ranger au rayon préhistoire. La disparition de ce sujet de fâcheries présage-t-elle d'une issue positive ? Malheureusement non. Car les syndicats ne sont pas dupes. Tous se plaignent de l’absence de marges budgétaires. Difficile d’ailleurs de leur donner tort. Avec un Ondam médecine de ville 2023 à moins de 3 % et une inflation actuellement à plus de 6 %, nul besoin d’être agrégé de mathématiques pour s’apercevoir que le compte n’est pas bon…

D’autres sources de tension pourraient par ailleurs pourrir la séquence conventionnelle qui s’ouvre ce mois-ci. Préoccupation numéro un du moment, l’accès aux soins dans les déserts médicaux ravive la controverse autour du conventionnement sélectif, de la participation des libéraux à la permanence de soins et de nouvelles délégations de tâches au profit d’autres professions soignantes. Poussées mezza voce par le gouvernement, ces thématiques sont omniprésentes dans les débats autour du PLFSS. Hormis la dernière, il n’est pas dit que la Sécu les reprenne telles quelles à son compte. Mais attention : leur irruption dans la négociation est possible et très allergisante…

Reste à sonder le moral des troupes. Les divergences sont fortes entre spécialistes et généralistes sur la question du partage des revalorisations. On s’oppose aussi entre tenants du paiement à l’acte et partisans d'une extension de la logique forfaitaire. Enfin, le fossé n’a jamais paru aussi important entre artisans d’une doctrine modérée, contractuelle, et ceux d’une ligne dure, résolument contestataire. Et pour ne rien arranger, on assiste au grand retour des coordinations : un groupe de « médecins de demain » qui brandit le C à 50 euros, appelle à la grève le 1er décembre. Difficile de ne pas les prendre au sérieux : ils affichent déjà 9 000 confrères derrière eux sur Facebook…

Jean Paillard

Source : Le Quotidien du médecin