Accès direct aux paramédicaux : la proposition de loi Rist marque des points malgré les craintes des médecins et de certains députés

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Publié le 11/01/2023

Crédit photo : S.Toubon

Les protestations des représentants des médecins libéraux n'y ont rien changé. Mardi soir, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a voté la proposition de loi (PPL) portée par la députée Stéphanie Rist (Loiret, Renaissance) instaurant un « accès direct » des patients aux infirmiers en pratique avancée (IPA), aux masseurs-kinésithérapeuthes et aux orthophonistes.

Aller plus loin

Dans une salle clairsemée, mais en présence de députés de tous bords, la rhumatologue s'est montrée très déterminée à « faciliter l'accès aux soins tout en valorisant les compétences des professionnels ». Car si des mesures ont été adoptées en ce sens depuis 2017 comme les délégations de tâches protocolisées, « il s'agit aussi d'aller plus vite et plus loin pour libérer le temps médical ».

C'est pourquoi, en dépit des critiques de la profession, la PPL Rist donne la possibilité aux patients de « consulter en première intention un professionnel de santé sans devoir passer par un médecin », en développant « des pratiques avancées, dont on sait qu'elles sont un facteur de qualité de prise en charge », a-t-elle assumé.

Exercice coordonné, seule condition mais… 

Trois professions sont concernées par cet accès direct. D'abord les infirmiers en pratique avancée (IPA) dont le statut a été créé par la loi Touraine. Si le texte est voté, les patients pourront les consulter sans passer par un médecin, à la seule condition qu'ils exercent dans le cadre d'un exercice coordonné. « Il s'agit des équipes de soins primaires, des maisons de santé, des centres de santé ou encore des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) », a soutenu Stéphanie Rist.

Mais cette énumération ne va pas de soi : l'appartenance à une CPTS – couvrant parfois un territoire très vaste – garantit-elle automatiquement cet « exercice coordonné » des soignants, permettant l'accès direct aux IPA ? Face à l'inquiétude de nombreux députés, Stéphanie Rist a promis de réécrire cet article pour permettre aux professionnels adhérents aux CPTS de « travailler ensemble sur un projet d'accès direct ».  

IPA praticiens

Le texte propose ensuite d'étendre le champ des compétences des IPA à des « prescriptions de produits de santé et de prestations soumises à des prescriptions médicales obligatoires ». Cette primoprescription, déjà adoptée dans la loi Sécu 2022, sera expérimentée dans trois régions (Bretagne, Centre-Val de Loire et Paca).

La PPL crée surtout deux types d’IPA : les infirmiers en pratique avancée « spécialisés » et les infirmiers en pratique avancée « praticiens », conformément aux recos d'un rapport Igas de janvier 2022. L’IPA praticiens interviendrait en amont du médecin pour « prendre en charge des pathologies courantes identifiées comme bénignes en soins primaires », explique Stéphanie Rist. Quant aux IPA spécialisés, « ils ont vocation à prendre en charge des pathologies complexes », précise-t-elle. Le texte ouvre aussi l'accès direct des patients aux masseurs-kinésithérapeuthes et aux orthophonistes.

Quel compte rendu ? 

« Il est nécessaire de fluidifier le parcours de soins, a martelé la députée. La place du médecin reste entière car l'accès direct n'est ouvert qu'aux seuls professionnels qui exercent dans les structures de soins coordonnés et un compte rendu doit être adressé aux médecins traitants et reporté dans le DMP du patient. »

Des assurances qui n'ont guère convaincu les groupes de l'opposition jugeant le texte « flou »« peu précis ». « On n'est pas opposés à cet accès direct, a lancé Hadrien Clouet, député LFI (Haute-Garonne). Mais on ne sait rien sur les conditions de cet exercice, ni sur les protocoles de prise en charge. Ce texte propose trop de laissez-aller. » « L'ambition est juste, a embrayé Sandrine Rousseau (Nupes, Val-de-Marne). Mais cette ouverture ne doit pas se faire sans encadrement. »

Pas de listes d'actes

Durant trois heures, Stéphanie Rist a donc bataillé pour rejeter les amendements visant à encadrer cet accès direct. L'offensive est venue du côté du Rassemblement national. La députée des Bouches-du-Rhône, Joëlle Mélin, a suggéré que l'accès aux IPA soit conditionné « à un cadre protocolisé et validé par un médecin ou une équipe médicale ». « Les IPA eux-mêmes le demandent, dit-elle. Car derrière il y a des responsabilités médicales ». Cette idée a aussi été reprise par Thibault Bazin (LR, Meurthe et Moselle). « Le protocole est un gage indispensable de qualité, de sûreté des soins que nous devons aux concitoyens », a-t-il argumenté. « Il permet d'éviter l'écueil de la responsabilité juridique lorsque cela va se poser », a appuyé le député Paul-André Colombani (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires).

Le groupe socialiste a même tenté, en vain, d'encadrer cet accès direct aux IPA avec une liste d'actes. « L'idée n'est pas de mettre en doute les professionnels impliqués. Mais jusqu'où un IPA peut aller avant de pratiquer la médecine ? », a lancé Ségolène Amiot (LFI, Loire Atlantique).

Valletoux ne veut pas corseter l'exercice

À l’inverse, d'autres élus de la majorité ont souhaité faciliter au maximum ces nouveaux accès directs. L'ex-président de la FHF, Frédéric Valletoux (Horizons, Seine-et-Marne), a exhorté ses collègues députés à lâcher prise. « On veut trop corseter l'exercice, il n'y a pas besoin de protocoliser », a-t-il avancé. « On est en train de bâtir des murs autour de personnes formées compétentes », a aussi déploré Annie Vidal (Renaissance, Seine-Maritime).

Stéphanie Rist a souhaité rester fidèle à l'esprit de son texte initial. « Quand vous ajoutez de la protocolisation, ce n'est plus l'accès direct ! , a-t-elle argumenté. On considère que les professionnels formés ont des compétences et la responsabilité leur revient. » Le texte légèrement amendé sera discuté en séance publique le 16 janvier. 


Source : lequotidiendumedecin.fr