Insécurité des médecins : les agressions en hausse en 2021, les violences verbales au plus haut depuis dix ans

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Publié le 26/07/2022

Crédit photo : Phanie

Après deux années de baisse consécutives, les agressions contre les confrères repartent à la hausse, selon l’Observatoire de la sécurité des médecins, dévoilé ce 26 juillet par l’Ordre. En 2021, 1 009 déclarations d’incidents sont remontées des praticiens, contre 955 en 2020, soit une hausse de 5,6 %. L’année 2021 devient ainsi la quatrième année la plus violente pour les confrères depuis le lancement de cet observatoire, initié en 2003.

« Depuis 19 ans, cet observatoire montre une progression régulière des incivilités et des agressions vis-à-vis des médecins, ce qui nous permet d’alerter les pouvoirs publics », signale le Dr Jean-Jacques Avrane, président du conseil départemental de l'Ordre de Paris, et délégué à l’observatoire de la sécurité des médecins.

Si les médecins sont de plus en plus incités à déclarer ces agressions à l’Ordre, le taux de « victimation » augmente en 2021, à 0,51 %, contre 0,48 % en 2020 et 0,55 % en 2019. Des chiffres toutefois bien en deçà de la réalité car « seuls 30 % environ des incidents sont signalés par les médecins », estime le Dr Jean-Jacques Avrane, qui souligne que ces données ne sont « que la face visible de l’iceberg ».

Le Nord en tête

Comme l’année dernière, ce sont les Hauts-de-France et l’Île-de-France qui concentrent le plus de violences physiques et verbales à l’encontre du corps médical, avec respectivement 172 déclarations (+3,6 %) et 135 en région parisienne. À lui seul, le département du Nord collige 139 agressions en 2021.

Viennent ensuite les Bouches-du-Rhône - avec 79 signalements - et la Loire, avec 51 agressions. La Corse fait pour sa part figure de bonne élève, avec très exactement zéro violence signalée en 2021 ! La moitié des agressions ont eu lieu en centre-ville, contre 22 % dans les banlieues et 21 % en milieu rural.

Comment expliquer de telles variations en régions ? « Soit effectivement ces départements sont plus dangereux pour les médecins, soit les praticiens y sont plus sensibilisés et ont davantage tendance à signaler les incidents », suppose le Dr Avrane.

Les agressions envers les cardiologues multipliées par deux

Avec environ 600 généralistes agressés, les omnipraticiens font, comme chaque année, partie des confrères les plus à risque. 61 % des praticiens victimes de violences sont des médecins de famille, en baisse faible, mais constante depuis 2019. Parmi les spécialistes les plus touchés cette année : les cardiologues, avec un nombre de victimes qui a doublé ! En 2021, 55 cardiologues ont été agressés (6 % des déclarations), contre 21 en 2020.

Avec 3 % des déclarations, les psychiatres arrivent en troisième position, suivis des ophtalmos (2 %), des médecins du travail, des dermatologues, des gynécologues et des pédiatres. Les praticiennes femmes sont davantage touchées, à 53 %

Les violences verbales en hausse

Si dans plus d’un cas sur deux, l’agresseur était le patient, 13 % des auteurs de violence étaient un accompagnant. Menaces, injures, harcèlement téléphonique ou sur internet : les agressions verbales représentent 70 % des violences. Avec 710 cas recensés sur 2021, leur proportion est en augmentation constante depuis 2016 et atteint cette année son plus haut niveau depuis 10 ans. « Les diffamations, via les avis Google, augmentent de plus en plus », constate par exemple Jean-Jacques Avrane.

104 vols ont par ailleurs étés signalés. Un chiffre en baisse, qui concerne surtout les vols d’ordonnanciers (4 %), de sacs à main ou de portefeuilles (2 %), mais aussi de cartes professionnelles (2 %). Parmi l’ensemble des signalements, 8 % concernaient des actes de vandalisme (+ 2 points), 3 % des falsifications d’ordonnances (-1 point).

Revolver, couteau et caillou

Plus grave encore, 86 agressions physiques envers des médecins (contre 78 en 2020) ont été recensées en 2021, soit 9 % des signalements. Dans le détail, 60 médecins ont eu à subir des coups et blessures volontaires, cinq des séquestrations, quatre des crachats et mêmes trois agressions sexuelles… Enfin, 16 agressions armées ont été signalées sur l’année, avec des revolvers, des couteaux et même un caillou.

Dans 7 cas sur 10, comme à l’accoutumée, les agressions ont lieu en ville, dans 19 % des cas en établissements, en grande majorité dans le privé. « Les médecins des hôpitaux signalent beaucoup moins, certains établissements ont peut-être tendance à régler leurs problèmes en interne », avance le Dr Avrane.

Au total, ces violences ont entraîné 58 arrêts de travail, 6 % des cas. Et un tiers des médecins a porté plainte - le plus souvent lorsqu’il s’agissait d’un vol, de vandalisme ou de violences physiques - soit 327 plaintes déposées en 2021, contre 286 en 2020.

Reproches liés à la prise en charge

Pourquoi de telles violences ? Comme l’année passée, ce sont les reproches liés à la prise en charge qui arrivent en tête des motifs évoqués, dans 37 % des cas. Un prétexte en augmentation de trois points en un an. Viennent ensuite les classiques refus de prescription de médicament ou d’un arrêt de travail (17 %), la falsification de document (11 %), le vol (9 %) et le temps d’attente jugé excessif (8 %).

Aussi, l’observatoire introduit cette année un nouveau motif d’incident : « antivax », qui ressort tout de même dans 2 % des déclarations. « La vaccination et le passe sanitaire ont généré de grosses tensions », concède le Dr Avrane. Cinq actes de racisme ont par ailleurs été signalés.

Si peu de médecins victimes portent plainte, c’est sans doute « car ils ont peur de la suite ou pensent qu’ils peuvent gérer le problème seul », regrette le Dr Avrane qui rappelle que les conseils départementaux disposent d’un référent sécurité, capable de conseiller le médecin agressé. « Lors du dépôt de plainte, le médecin peut par exemple se domicilier au Cdom pour éviter des suites fâcheuses, indique l’élu ordinal. Et nous nous portons aussi partie civile. »


Source : lequotidiendumedecin.fr