Tabous et interdits : un médecin peut-il refuser ses soins ?

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Publié le 05/08/2022
Qu’ils soient de nature juridique ou culturelle, tabous et interdits façonnent au quotidien l’exercice médical. Des impensés de la profession que « Le Quotidien » a choisi d’explorer au fil de l’été. Aujourd'hui : le refus de soins.

Crédit photo : Phanie

Mêler la continuité des soins au droit pour le médecin de refuser de les prodiguer. C’est le paradoxe qu’accomplit le code de déontologie médicale. « Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée », avance en effet la bible de l’éthique médicale en son article 47, pour ajouter aussitôt une précision de taille. « Hors le cas d'urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d'humanité, poursuit le texte, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. S'il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins. » Voilà qui mérite une certaine exégèse.

C’est en effet en deux temps qu’il faut comprendre l’article 47. « Celui-ci commence par parler de la continuité des soins, ce qui signifie que le médecin doit donner ses soins à toute personne qui en a besoin, décrypte la Dr Anne-Marie Trarieux, présidente de la section « Éthique et déontologie » du Conseil national l’Ordre des médecins (Cnom). Mais il précise ensuite que le médecin peut se dégager de cette responsabilité. Tout, bien sûr, est dans les « raisons professionnelles ou personnelles » que le médecin peut, le cas échéant, invoquer.

« Les raisons professionnelles peuvent par exemple concerner les files d’attente saturées, et donc l’impossibilité de prendre de nouveaux patients, illustre la représentante ordinale. Cela peut également être lié à des demandes du patient qui ne concerneraient pas la spécialité du médecin concerné. » Dans tous les cas, Anne-Marie Trarieux conseille au praticien qui refuse ses soins pour des raisons professionnelles de les expliquer de manière claire. « C’est la meilleure façon d’éviter le conflit », juge-t-elle.

Clause de conscience

L’affaire est en revanche plus délicate quand les raisons invoquées par le médecin sont d’ordre personnel. « C’est là qu’intervient la fameuse clause de conscience, et dans ce cas, le médecin n’a pas à s’expliquer », précise la Dr Trarieux qui ajoute aussitôt les conditions dans lesquelles cette clause peut s’exercer. « Le refus ne doit pas être discriminatoire, indique-t-elle. Par ailleurs, le patient doit être informé dès que possible, et il ne faut pas que l’on soit dans une situation d’urgence. Et dans le cadre du parcours de soins, le patient doit avoir toutes les informations dont il aura besoin pour la poursuite de la prise en charge. »

Une précision qui se retrouve dans l’article L2212 du code de la santé publique, qui régit la clause de conscience spécifique à l’Interruption volontaire de grossesse (IVG), circonstance la plus citée quand on parle de clause de conscience. « Un médecin ou une sage-femme n'est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse mais il doit informer, sans délai, l'intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens ou de sages-femmes susceptibles de réaliser cette intervention », dispose-t-il.

Voilà qui est limpide, en théorie… Mais qui ne va pas toujours de soi, étant donné les difficultés matérielles que rencontrent, dans certaines parties du territoire, les femmes qui veulent recourir à l’IVG.


Source : lequotidiendumedecin.fr