L’ifosfamide s’impose dans le sarcome d’Ewing récurrent ou réfractaire

Par
Publié le 06/07/2022
Article réservé aux abonnés
Pour la première fois, l’ifosfamide à haute dose fait la preuve, dans le sarcome d’Ewing primaire récurrent ou réfractaire, de sa supériorité en survie globale (SG) et survie sans évènement (SSE), par rapport à trois autres chimiothérapies. Ces résultats devraient amener à une modification des pratiques.
 La localisation initiale de la maladie était osseuse chez 70 % des sujets

La localisation initiale de la maladie était osseuse chez 70 % des sujets
Crédit photo : phanie

Le sarcome d’Ewing est une tumeur très rare, mais avec un pronostic mauvais. La survie à cinq ans d’un sarcome d’Ewing primitif récurrent ou réfractaire (RR-ES) est d’environ 15 %. Jusqu’ici, il n’existait pas de données solides pour choisir entre les quatre types de chimiothérapies disponibles. L’essai randomisé rEECur est le premier à apporter des résultats comparatifs sur l’efficacité et la toxicité de ces différentes chimiothérapies (1).

Un population de jeunes patients

Menée dans une maladie dépourvue de standards thérapeutique en deuxième ligne, cette essai international de phase 2/3 portait sur une population pédiatrique, adolescente et de jeunes adultes. En effet, 439 patients âgés de 4 à 49 ans (âge moyen 19 ans) et atteints d’un RR-ES ont été randomisés pour recevoir soit l’association topotecan et cyclophosphamide (TC, 162 patients), soit irinotecan et temolozomide (IT, 127 patients), soit gemcitabine et docetaxel (GD, 72 patients), soit de hautes doses d’ifosfamide (IFOS, 78 patients). L'ifosfamide, dont l'utilisation a été approuvée pour la première fois aux États-Unis en 1987 est un agent alkylant.

Les sarcomes inclus étaient réfractaires (18 %), avaient eu une première (67 %) ou plusieurs récurrences (15 %). La localisation initiale de la maladie était osseuse chez 70 % des sujets. La progression se situait uniquement au niveau du premier site tumoral pour 15 % des sujets, de métastases pleuropulmonaires seules pour 33 % ou de métastases ayant d’autres localisations pour 52 %. Le suivi moyen était de 47 mois.

Une survie globale prolongée

Les premiers résultats intermédiaires avaient montré que la réponse objective au traitement et la SSP étaient bien moins bonnes sous GD ou IT que sous TC ou isofosfamide, ce qui avait mis fin au recrutement dans ces deux bras. « La méthodologie est pragmatique et originale, relève le Pr Blay. Elle permet de sélectionner rapidement les bras de traitements les plus efficaces ». Ainsi, les résultats présentés à l'ASCO constituent l’évaluation de phase 3 de l'association topotecan-cyclophosphamide (73 patients) versus isophosphamide à haute dose (73 patients).

Le critère primaire était la SSE. Quand on compare TC et IFOS, la SSE médiane est de 3,5 mois pour TC versus 5,7 mois pour IFOS (SSE à six mois : 37 % versus 47 %). La médiane de SG passait de 10,5 mois sous TC à 15,4 mois sous IFOS, avec un taux de survie à un an respectivement de 45 % et 55 %. « La supériorité de l’ifosfamide était encore plus marquée chez les patients de moins de 14 ans que chez ceux de plus de 14 ans, que ce soit sur la SSP ou la SG », constate le Dr Martin McCabe (Manchester).

Davantage d’arrêts de traitements liés à la toxicité

Concernant les événements indésirables de grade 3/4, il a été observé 26 % de neutropénies fébriles dans le groupe TC versus 25 % sous IFOS, 8 % versus 14 % d’infections, 0 % versus 3 % de nausées, ainsi que 1 % de vomissements et 1 % de diarrhées dans les deux groupes. Par contre, il a été recensé sous IFOS 7 % d’encéphalopathies et 8 % de toxicité rénale, qui n’ont pas été constatés sous TC. De mmême, des arrêts de traitement liés à la toxicité ont eu lieu sous IFOS et pas sous TC (26 % versus 0 %). Les scores de qualité de vie semblaient meilleurs sous IFOS chez les enfants et les adolescents (mais pas chez les adultes).

Vers un changement des pratiques

Ainsi, après avoir fait la preuve de sa supériorité sur Irinotecan-temolozomide et gemcitabine-docetaxel, l’isofosfamide à haute dose montre pour la première fois dans un essai randomisé qu’il prolonge la SSP par rapport à topotecan-cyclophosphamide. « L’amélioration de la SSE et de la SG pourrait changer les pratiques, déclare le Dr Martin McCabe. On a maintenant des arguments pour aider objectivement à la décision thérapeutique les médecins et les patients, en fonction des bénéfices potentiels et de la toxicité ».

Bientôt un cinquième bras à l’étude

L’isofosfamide devrait logiquement constituer le traitement de référence dans les bras contrôle des futurs essais thérapeutiques. L'essai rEECur continue de recruter des patients dans le bras ifosfamide. Il a également ajouté un cinquième bras de chimiothérapie basé sur la combinaison carboplatine et étoposide, un inhibiteur de la topo-isomérase II. L’étude devrait aussi en fin d’année développer un autre bras, qui reposerait sur un traitement moléculaire ciblé.

(1) MacCabe M et al. Phase III assessment of topotecan and cyclophosphamide and high-dose ifosfamide in rEECur: An international randomized controlled trial of chemotherapy for the treatment of recurrent and primary refractory Ewing sarcoma (RR-ES), présentation orale (abstract LBA2)

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin