Live chat du « Quotidien »

Dr Claude Leicher : « La CPTS est un outil pour trouver des solutions à nos problèmes »

Publié le 03/02/2021

Crédit photo : DR

Nouvelle usine à gaz ou solution pragmatique aux problèmes d’accès aux soins ? Les CPTS (communauté professionnelle territoriale de santé) doivent encore convaincre les médecins de leur utilité. Pendant près d’une heure, le Dr Claude Leicher, président de la fédération des CPTS (et ex-président de MG France) s’y est employé, en répondant en direct à vos nombreuses questions sur le sujet au cours d’un Live chat.

Le généraliste d’Étoile-sur-Rhône a battu en brèche quelques idées reçues sur ces structures. Non, elles n’occasionnent pas un surcroît de travail pour les professionnels. Non, les médecins n’abandonnent pas leur liberté d’exercice. Au contraire, répond le Dr Leicher, « chacun garde sa modalité d'exercice en toute liberté, et participe à un projet commun avec ses compétences et son investissement dont il est le seul juge ».

Le généraliste a vanté la souplesse de ces dispositifs qui sont ce que les médecins en font, des outils « pour trouver des solutions à nos problèmes en tant que professionnels, et bien entendu pour nos patients ». Pour le généraliste, les CPTS ont fait leurs preuves durant la crise épidémique, « on ne reviendra plus en arrière », assure-t-il.

Live chat Claude Leicher

Journaliste QDM (PT)

Bonjour à toutes et à tous.
Le Live chat va bientôt commencer. Nous accueillons aujourd’hui le Dr Claude Leicher, président de la fédération des CPTS. Comment fonctionnent ces structures ? Quelles sont leurs missions ? Le Dr Leicher répondra à vos questions pendant une heure.
 
Journaliste QDM (SL)
Live chat avec le Dr Claude Leicher
Le Dr Leicher n’étant pas présent à la rédaction du « Quotidien », nous sommes en visioconférence avec lui.
 
Journaliste QDM (SL)
Bonjour Dr Claude Leicher. Merci d’avoir accepté notre invitation à ce Live chat.
Dr Claude Leicher
Bonjour à tout le monde, très heureux d'être avec vous pour discuter de ce sujet nouveau mais qui concerne de plus en plus de professionnels. Nous sommes très intéressés pour contribuer à l'organisation de l'ambulatoire qui apparaît sous nos yeux.
brescia
Retour au travail des salariés à risque vaccinés par le vaccin d'AstraZeneca ? Après la 1re dose ? Attendre la 2e dose ?
Dr Claude Leicher
Compte tenu des informations que je viens de mentionner, on peut considérer que trois semaines après la première dose, le niveau de protection atteint est satisfaisant. Mais il faut continuer à appliquer les gestes barrières.
nbc
C'est quoi les CPTS ?
Dr Claude Leicher
Cela signifie communautés professionnelles territoriales de santé, c'est une modalité d'organisation de l'ambulatoire qui respecte totalement la liberté de chacun d'entre nous sur la façon de travailler et qui nous incite simplement tous à mieux nous coordonner entre nous et avec les partenaires habituels que sont cliniques, hôpitaux, PMI, santé scolaire, santé au travail... Rendre visible notre existence permet de mieux défendre notre modalité d'exercice, de nous articuler avec le médico-social, et d'avoir les moyens d'être présent là où doit s'organiser un certain nombre de services à la population (exemple de la vaccination Covid).
DP
Combien de CPTS opérationnelles aujourd’hui ?
Dr Claude Leicher
Il y a aujourd'hui une centaine de CPTS opérationnelles et, au total, en comptant les projets et réalisations, 700 CPTS existantes ou en voie d'être opérationnelles. Cela couvre environ 50 millions d'habitants en France. Ce qui est considérable.

On a mis 10 ans à rendre parfaitement visible les maisons de santé pluriprofessionnelles, on va probablement mettre trois ans à couvrir une grande partie du territoire français, ce qui est exceptionnel en termes de rapidité. On a montré avec le Covid, la réactivité du monde libéral, une grande partie des opérations se sont faites avec cette coopération que nous avons développée comme principe de travail dans les CPTS.

Le monde ambulatoire est aujourd'hui visible, efficace grâce à ces principes de coopération entre nous et avec tous les partenaires autour de nous.
Duduche
Qui dirige effectivement nos CPTS ? Quelles sont nos obligations ?, pourquoi et encore une nouvelle structure ? Notre MSP a déjà des engagements, n’est-ce pas suffisant ?
Dr Claude Leicher
La légitimité dans un territoire, c'est ce que nous a donné la dimension CPTS que nous n'avions pas dans notre MSP. Il s'agit de deux modalités d'organisation complémentaires et pas du tout concurrentes sur l'ensemble des sujets que nous traitons.
JMA
J'ai bien compris les trois missions socles des CPTS ? Mais en pratique, à quoi va servir le financement qui est prévu. Coordonnateur, secrétariat... ?
Dr Claude Leicher
Les trois missions socles accès aux soins, parcours et prévention sont mises en oeuvre grâce à des fonctions support que nous pouvons créer avec le financement prévu. Il ne s'agit pas de donner plus de travail à des professionnels qui n'en manquent pas, mais au contraire de leur donner plus d'outils, de supports, de personnels que nous ne pouvons pas embaucher nous-mêmes pour nous aider à organiser ces missions.

Il y a des sujets sur lesquels nous ne sommes pas assez présents, et donc les pouvoirs publics créent des structures, exemple la prévention populationnelle, avec une efficacité de moins en moins bonne. Il est temps que nous reprenions ces dossiers en main nous-mêmes et pour cela la CPTS sera un des outils principaux.

La fonction de coordination et les fonctions de secrétariat sont évidemment des outils dont nous avons absolument besoin collectivement. Tout ceci pour mettre en oeuvre un projet de santé que nous construisons nous-mêmes, sur un territoire dont nous avons nous-mêmes défini les contours.
leopaul
Les CPTS jouent-elles un rôle dans le domaine de la prévention ? des exemples d'actions ?
Dr Claude Leicher
Oui, mettre en oeuvre de la prévention populationnelle en lien avec les acteurs de terrain, cela veut donc dire que tous les professionnels en lien avec la population peuvent avoir un discours commun et incitatif pour que la population participe beaucoup plus au dépistage, à la prévention : de nouveau, l'exemple du Covid et de la participation à la vaccination est plus facile si tous les professionnels, et pas seulement les médecins, infirmiers, pharmaciens, etc, ont le même niveau d'information et un discours convergent.

Pour les populations les plus fragiles, une attention plus particulière peut leur être portée en associant à nos actions le secteur médico-social, ce que nous avons du mal à faire dans nos pratiques quotidiennes. Dans une CPTS, il y a trois collèges participant à la gouvernance : les soins primaires, les soins secondaires et le médico-social. C'est cette association de trois intervenants majeurs du système de santé qui permet d'augmenter notre efficacité et évite un interventionnisme pas toujours opportun sur des sujets dont nous pouvons nous occuper.
nathie
Où peut-on trouver une cartographie des différentes CPTS existantes en France ?
Dr Claude Leicher
On peut la trouver sur le site de la Fédération des CPTS (fcpts.org), avec deux niveaux d'accès, une cartographie régionale indicative et un accès pour les adhérents avec une cartographie beaucoup plus détaillée.
-- Bendunors
Quels liens les CPTS peuvent elles nouer avec les hôpitaux pour assurer les parcours des patients et eventuellement l'accès aux expertises ?
 
-- Bendunors
Qui valide les accords entre CPTS et CH ? les conventions entre structures suffisent elles ? faut il un accord de l'ARS ?
Dr Claude Leicher
Chaque CPTS peut établir les relations qu'elle souhaite avec chaque établissement d'hospitalisation, cliniques, CH, CHU, hôpitaux locaux, etc. Aucune autorisation n'est requise de la part de l'ARS, et l'ensemble des établissements est incité sur son territoire à établir ces relations, les projets de service d'accès aux soins (SAS), la gestion des parcours des patients... sont les domaines actuels de travail les plus importants.

Si les établissements ne sont pas inclus en tant que tel dans les CPTS, la plupart du temps les CPTS créent des cellules de coordination ville-hôpital, qui sont le lieu de travail au quotidien avec nos partenaires hospitaliers.
JP
Ça va s'articuler comment avec le SAS ? On va être en doublon non ?
Dr Claude Leicher
Le principe des SAS (services d'accès aux soins) requiert la participation du monde ambulatoire, qui peut se faire en priorité avec les CPTS. Il peut y avoir des endroits avec des secteurs avec ou sans CPTS, mais c'est la construction du SAS qui doit tenir compte de ces réalités. Evidemment, le fait d'être en CPTS est un avantage structurel important qui sécurise nos partenaires et améliore notre efficacité.
Marie
Les CPTS développent une approche populationnelle sur un territoire donné. Quel articulation avec les GHT (groupements hospitaliers de territoire) qui sont censés développer la même approche mais avec une vision hospitalière ?
Dr Claude Leicher
CPTS et GHT sont des partenaires sur un territoire populationnel qui n'est pas tout à fait le même et avec des points de vue forcément différents. Autrefois, nous n'existions tout simplement pas dans cette approche populationnelle et tout était mis dans les mains des institutions et établissements existants. Désormais, la loi et les instructions données sont de travailler en partenariat avec les CPTS, qui deviennent de fait l'interlocuteur représentant l'ambulatoire légitime et reconnu.

Les moyens que la dotation de l'accord conventionnel interprofessionnel nous donne nous permettent de mettre en place cette coopération grâce aux outils dont nous allons désormais disposer (coordinateur, etc.).
org
Concrètement, comment s'organise le médico-social des CPTS ? Qui en est le responsable DRH, embauches, paye, gestion des congés... ?
Dr Claude Leicher
Le modèle médico-social des CPTS est un modèle de partenariat avec les structures médico-sociales. La CPTS elle-même ne fait pas de soins et n'est pas une structure effectrice du médico-social. Ce partenariat dans la gouvernance d'une CPTS permet d'organiser au quotidien des relations plus simples entre, par exemple, les soignants à domicile et les aidants à domicile. Par exemple, nous avons aidé l'aide à domicile en milieu rural (ADMR) à obtenir des adresses mail sécurisées qui nous permettent d'échanger dans le respect du secret professionnel des informations qui favorisent la qualité du maintien à domicile.
leopaul
La CPTS dispose-t-elle d'un budget de fonctionnement ? Si oui, qui paie ?
Dr Claude Leicher
Oui. Il vient de la dotation de l'accord conventionnel interprofessionnel (ACI), l'argent vient donc de l'Assurance-maladie. Il est fonction des missions que la CPTS elle-même a décidé de remplir, et elle utilise cet argent comme elle le souhaite, avec comme seul impératif de mettre en oeuvre les objectifs définis.
Anca
Bonjour. Pour un gastro-entérologue, la place dans une structure de ce type avec une collaboration avec l’hôpital de proximité est-elle envisageable ? Sur quel statut du médecin ? Peut-il garder un statut PH ? Je vous remercie beaucoup.
Dr Claude Leicher
La réponse est oui. Il lui suffit de contacter la CPTS et à titre personnel de participer à l'élaboration du projet de santé et à sa mise en oeuvre. C'est au sein même de la CPTS que l'ensemble des adhérents définissent entre eux ces deux aspects (projet et réalisation).
Le statut de la personne importe peu, salarié ou libéral, chacun garde sa modalité d'exercice en toute liberté, et participe à un projet commun avec ses compétences et son investissement dont il est le seul juge.
Journaliste QDM (SL)
Live chat avec le Dr Claude Leicher
 
Nusapedina
Bonjour.
Combien de professionnels faut-il pour élaborer une CPTS ?
Faut-il que ce soit sur un territoire spécifique ?
Merci.
Dr Claude Leicher
Il n'y a pas de minimum ou de maximum pour le nombre, il y a simplement un souhait de représentativité pluriprofessionnelle. Quant au territoire, il est déterminé librement par l'équipe qui porte le projet et c'est dans ce qu'on appelle une lettre d'intention adressée à l'ARS que figurent les professionnels qui portent le projet et le territoire sur lequel ils le lancent.

Ensuite, il y a un travail nécessaire de rencontres avec l'ensemble des professionnels du territoire pour arriver à un projet commun et, si nécessaire, un affinement du territoire. L'ARS n'est là que pour vérifier la cohérence du projet et du territoire.
Journaliste QDM (PT)
Pourquoi imposer un système rigide complétement irréaliste dans la mesure où les financements annoncés ne seront pas pérennes alors que nous avons des milliers de structures déjà organisées avec des médecins, des kinés, des infirmières des sages-femmes des spécialistes et des généralistes ?
C'est dommage cette tendance à vouloir marquer de son empreinte le système de santé.
Alors que la vie nous montre qu'il faut évoluer par petites touches...
Portez-vous bien et allez en joie.
Dr Claude Leicher
Je me porte bien, mon moral est excellent, merci. Mon expérience professionnelle de terrain et mes réalisations par petites touches m'ont permis de participer de façon parfois décisive à des créations comme les maisons médicales de garde, la régulation libérale en centre 15, les maisons de santé, la diversification des modalités de rémunération du monde libéral, la coopération pluriprofessionnelle, etc.

Ce qui nous manque aujourd'hui, c'est de la cohérence de toutes les structures dont vous parlez sur nos territoires d'exercice. Par exemple, l'apparition de plateformes territoriales d'appui, de multiples réseaux spécialisés avec très peu de patients et maintenant des dispositifs d'appui à la coordination montrent bien que si nous ne occupons pas nous-mêmes de l'organisation de la proximité, d'autres le font à notre place. Les CPTS c'est précisément cet outil de coordination de proximité, sous responsabilité des soignants de proximité eux-mêmes.

Nous n'avons pas besoin et nous ne voulons pas d'administration de l'ambulatoire comme cela était en train de se créer. Occupons-nous nous-mêmes de nos affaires, ce sera toujours mieux que de laisser d'autres créer une gouvernance de la proximité dont nous serions évidemment exclus. Quant à l'empreinte, on laissera l'histoire en décider ! ;-)
JP
Avec les CPTS, on nous demande de répondre aux soins non programmés 5j/s entre 8h et 20h. Comment fait-on pour gérer ça en plus de nos journées surchargées ?!
Dr Claude Leicher
Les CPTS visent à améliorer notre capacité à répondre aux besoins de santé de nos patients et de la population, avec ou sans CPTS les soins non programmés sont un vrai sujet difficile de régulation de l'accès aux soins. dans notre CPTS Sud Valence, nous avons mis en place un agenda partagé, pas seulement pour les médecins mais aussi les kinés, les orthophonistes, car dans notre travail nous sommes nous aussi gênés par cette difficulté de réponse aux besoins de soins de nos propres patients. Finalement, la CPTS est un outil pour trouver des solutions à nos problèmes en tant que professionnels, et bien entendu pour nos patients.

Avec ou sans CPTS il faut avancer sur ce problème, et probablement réfléchir à une utilisation un peu différente du système de santé par la population, sinon nous allons tous nous noyer, autant les patients que les professionnels, dans ce genre de difficultés. Pas de solution miracle, malheureusement.
Robert35
La principale difficulté pour une CPTS, n'est-ce pas finalement que médecins et paramédicaux acceptent de travailler ensemble sans arrière-pensée ?
Dr Claude Leicher
Ce n'est pas une difficulté, c'est un challenge, et l'attente des autres professionnels que les médecins est très importante. C'est beaucoup plus facile de faire des coopérations de haut niveau avec une reconnaissance mutuelle de nos compétences avec des professionnels qui nous sont proches et en qui nous avons confiance, que de vouloir gérer ces problèmes depuis Paris.

L'arrière-pensée qui peut gêner dans des discussions au niveau national est plus facile à détecter et à régler en proximité. A chacun ensuite de faire les pas nécessaires les uns envers les autres pour améliorer la coopération et la coordination pluriprofessionnelle.
Journaliste QDM (PT)
Ce Live chat est sur le point de se terminer. Dernière question...
 
-- Dr Tantmieux
La crise du Covid semble avoir boosté les CPTS... parce qu'on avait bien besoin des médecins libéraux. Ne craignez-vous pas que le soufflé ne retombe quand la pandémie sera enfin terminée ?
Dr Claude Leicher
On n'avait pas besoin que des médecins. Les infirmières ont joué un rôle considérable dans le maintien à domicile, les tests et la vaccination, les pharmaciens ont sécurisé la continuité des traitements des personnes les plus fragiles. Ils ont participé aux tests et bientôt à la vaccination, le médico-social est resté à son poste. Ce qui a permis le maintien à domicile des plus âgés et fragiles. Et l'ensemble des autres professionnels de santé sont restés présents soit pour aider lorsqu'ils ont dû fermer leurs cabinets, soit pour reprendre leur activité le plus vite possible lors de la fin des confinements.

Le monde ambulatoire a été exemplaire, réactif et constamment présent auprès de la population et auprès des partenaires ; notamment de l'hospitalisation pour faciliter le retour à domicile, pour prendre en charge 92 % des patients Covid qui n'ont jamais mis le pied à l'hôpital, pour organiser parfois en commun la vaccination. Au final, la coopération que nous avons développée sur le terrain au quotidien rend inutile les discours sur une soi-disant "idéologie de la coordination professionnelle". Elle s'est mise en oeuvre spontanément dans beaucoup d'endroits et on ne reviendra plus en arrière sur son intérêt et son efficacité.

Les CPTS incarnent désormais ce nouvel état d'esprit. Coopérer et se coordonner, c'est tout simplement plus efficace et plus gratifiant pour les professionnels que nous sommes.
Journaliste QDM (SL)
Merci Dr Leicher, d’avoir participé à ce Live chat avec les lecteurs du « Quotidien ». Le mot de la fin ?
Dr Claude Leicher
Merci au "Quotidien du Médecin" de permettre cet échange. Certes, c'est le quotidien des médecins mais le sujet des CPTS est évidemment beaucoup plus large et nous concerne tous. Un mot pour les représentants des usagers qui ont toute leur place pour participer à nos travaux dans les CPTS, c'est un souci que nous avons et qui a été entravé par l'épidémie actuelle. Bon courage à tout le monde pour cette période si difficile et si particulière pour notre pays.
Journaliste QDM (SL)
Merci à toutes et à tous pour votre participation. Encore une fois, nous sommes désolés de ne pas avoir relayé toutes vos questions, faute de temps !
Rendez-vous dans les prochaines semaines pour un nouveau Live chat.

 


Source : lequotidiendumedecin.fr