ARTS - À Paris, à la Pinacothèque

Deux histoires du goût

Publié le 04/02/2011
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Crédit photo : SZÉPMUVÉSZETI MUZÉUM, BUDAPEST

AU XVIIe SIÈCLE, deux lignées princières allaient révolutionner l’histoire des collections en accumulant d’innombrables trésors. Ces souverains allaient en outre favoriser la naissance du musée en plaçant leurs prestigieux dessins, toiles et sculptures dans des lieux qui devinrent par la suite ouverts au public.

Les premiers de ces monarques, les Romanov, constituèrent en quelques décennies l’un des ensembles artistiques les plus importants d’Europe, sous l’impulsion de Pierre le Grand (1672-1725), esthète et homme de goût, qui envoya des missionnaires au-delà des frontières pour collecter des œuvres de choix et les rapporter à Saint-Pétersbourg. Faisant preuve d’un goût particulier pour l’art hollandais, le tsar acquit des « perles » absolues, telles que le somptueux « David et Jonathan » de Rembrandt, ainsi que des scènes de Jan Steen, ou encore des marines, mais également des toiles de l’art italien comme la « Mise au tombeau » de Garofalo, que l’on attribua à l’époque à Raphaël.

Par la suite, Catherine II (1729-1796) œuvra à son tour pour enrichir les collections, à Paris notamment, avec des toiles de Gabriel Metsu (« la Malade et le Médecin »), les « Amours à la chasse » et « Vénus, Faune et Putti », de Poussin, « l’Incrédulité de Saint Thomas » de Van Dyck, ou encore le « Portrait de jeune homme au chapeau » de Greuze. À sa mort, le fonds artistique des Romanov s’élevait à 4 000 tableaux. La souveraine fut également à l’origine du premier espace dédié à la présentation des œuvres : le Petit Ermitage, édifié à côté du Palais d’Hiverentre 1764 et 1775.

Plus tard, Alexandre Ier (1777-1825) et Nicolas Ier (1796-1855) continueront la brillante entreprise de leurs ancêtres, en réunissant des pièces maîtresses de l’art espagnol (« Portrait du comte-duc Olivares » de Vélasquez et l’« Annonciation » de Murillo), des primitifs flamands, des tableaux italiens de la Renaissance (« Mise au tombeau » de Francesco Francia ainsi que des œuvres de Titien…).

Princes éclairés.

Ce fut également au XVIIe siècle que les princes Esterházy, issus d’une grande famille hongroise, commencèrent une collection de peintures. Le grand palatin Paul (1635-1713) et Nicolas Ier « le Magnifique » (1714-1790), puis Nicolas II (1765-1833) et Paul Antoine (1786-1866), rassemblèrent des chefs-d’œuvre, avec une prédilection pour l’art italien (remarquables « la Madone Esterházy » et le « Portrait d’un jeune homme » de Raphaël) et pour l’école espagnole (Murillo, Zurbaran, Cano). La peinture hollandaise et flamande, ainsi que les grands noms du classicisme français, ne sont pas absents de cette réunion d’œuvres (brillantes compositions de Champaigne, La Hyre, Mignard ; portraits de Hals, paysages de Ruysdael et de Brueghel l’Ancien…).

On ne sait plus où donner de la tête parmi tant de beautés. La Pinacothèque de Paris fait fort en inaugurant à la fois ses nouveaux espaces, un lieu de 3 000 m2 (en face de l’espace déjà existant), avec, autour d’une collection permanente (on ne peut plus hétéroclite, composée d’œuvres du XVIe au XXe siècles), cette double exposition, d’une richesse incomparable. Elle rend hommage à ces princes russes et hongrois, monarques éclairés, fervents investigateurs, dont l’œil, de siècle en siècle, fut incomparablement aigu et sensible.

« La naissance du musée. Les Esterházy, princes collectionneurs et les Romanov, tsars collectionneurs », Pinacothèque de Paris, 28, place de la Madeleine, tél. 01.42.68.02.01. Tlj de 10 h 30 à 19 h 30 (fermeture de la billetterie à 18 h 45), mercredi jusqu’à 21 h 30 (fermeture de la billetterie à 20 h 45). Jusqu’au 29 mai.

DAPHNÉ TESSON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8900