Dopage des athlètes russes : l'absence de sanction du CIO crée un tollé

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Publié le 25/07/2016
Dopage

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Crédit photo : AFP

Le Comité international olympique (CIO) a « raté son rendez-vous avec l'histoire ». Le constat du Dr Valérie Fourneyron, ancienne ministre des Sports et membre de l'Agence mondiale antidopage (AMA), suite à la décision du CIO tombé dimanche de ne pas exclure les athlètes russes de leur participation au Jeux olympiques de Rio de Janeiro et de s'en remettre aux différentes fédérations sportives internationales pour ce qui concerne l'exclusion ou non des sportifs de la délégation russe. Cette décision très attendue a déçu les acteurs de la lutte antidopage qui s'attendaient à une position plus ferme suite aux conclusions accablantes du rapport McLaren. Celui-ci avait pointé du doigt un véritable dopage d'État organisé avec la complicité même de l'agence russe antidopage Rusada et du laboratoire d'analyse de Moscou et la participation du SRV, les services de renseignements extérieurs de la Fédération de Russie.

Le comité assortit sa décision d'un cahier des charges strict qu'il reviendra à chaque fédération d'appliquer : les athlètes russes sélectionnés devront avoir subi un contrôle antidopage de moins de 6 mois réalisé par un organisme autre que Rusada, les fédérations devront en outre examiner les informations contenues dans le rapport d’enquête indépendante et à cet égard chercheront à obtenir de l’AMA les noms des athlètes et des fédérations nationales impliqués.

Le CIO se dédouane sur les fédérations

En outre, le comité national olympique russe n’est pas autorisé à inscrire aux Jeux de Rio un athlète qui aura déjà été sanctionné pour dopage, même s’il a purgé la sanction prononcée à son encontre. Enfin, tout athlète russe accepté en définitive par le CIO sera subordonné à un programme rigoureux de contrôles hors compétitions supplémentaires menées en coordination avec sa fédération et l'AMA.

Au cours de son audition par le CIO, le président du comité olympique russe, Alexander Zhukov, a promis que « tous les athlètes russes sélectionnés pour les Jeux olympiques de Rio de Janeiro 2016 ont été contrôlés au cours des six derniers mois par des agences antidopage étrangères », selon le communiqué du comité.

« Le CIO, plutôt que s’en remettre aux fédérations, aurait pu faire preuve d’une plus grande fermeté, estime Bruno Genevois, le président de l'Agence française de lutte contre le dopage. Ce qui est frappant dans le rapport Mc Laren, c’est que les contrôleurs ont été partie prenante dans le mécanisme de fraude, ce qui est extrêmement grave. Ils ont été jusqu’à créer une banque urinaire pour contourner les contrôles. » L'enquête menée par Richard Mc Laren faisait suite aux révélations faites dans le « New York Times » par l'ancien directeur du laboratoire d'analyse de Moscou, le Dr Grigory Rodchenkov, au sujet des contrôles réalisés truqués dans le cadre des jeux olympiques d'hiver de Sotchi. « Le système organisé va bien au-delà de Sotchi », note Bruno Genevois.

Du jamais-vu depuis la chute du mur de Berlin

Pour le Dr Fourneyron, « la décision du CIO laisse ce système impuni. C'est une décision qui est inattendue, on se serait attendu que les éléments de la commission d'enquête de l'AMA et que le récent jugement du tribunal arbitral du sport soient suffisants pour motiver une décision plus à la hauteur des enjeux : nous sommes face à un dopage organisé comme on ne s'attendait plus à en trouver depuis la chute du mur de Berlin », s'alarme-t-elle.

Le tribunal arbitral du sport a en effet rejeté le recours déposé par le comité olympique russe à l'encontre de la décision prise le 17 juin par la Fédération internationale d'athlétisme (FIA) d'exclure de la compétition tous les athlètes de la fédération russe d'athlétisme (ARAF). « Cette décision du tribunal arbitral a validé les bases légales de l'exclusion des athlètes russes sur la base des données du rapport de l'AMA, décrypte le Dr Fourneyron, mais toutes les fédérations internationales n’ont pas les mêmes moyens. Nous sommes à 11 jours des jeux et il y a une situation très inégale d’une fédération à l’autre. » Il se peut donc que, dans plusieurs sports, les fédérations n'aient pas les moyens d'assumer une décision aussi radicale que celle de la FIA. « La lutte contre le dopage s’est toujours caractérisée par une certaine inégalité entre les fédérations », ajoute Bruno Genevois.

L'AMA veut organiser elle-même les tests

Pour éviter qu'un tel scandale se reproduise, l'AMA envisage de ne plus se contenter d'être « l'arbitre », mais de devenir un « joueur », selon l'expression du Dr Fourneyron. L'idée serait que l'AMA organise et planifie elle-même les contrôles antidopage, son rôle actuel se bornant à vérifier que les participants se conforment au code antidopage. Une première évaluation économique de cette réforme a d’ores et déjà été réalisée. Un groupe de travail rassemblé par le Dr Fourneyron se réunira après les Jeux de Rio pour évaluer la faisabilité de cette réforme.

« Je pense que cette idée va dans le bon sens, réagit Bruno Genevois, mais il faut des moyens en adéquation. Le financement de 30 millions de dollars par an dont dispose l’AMA est trop faible pour mener elle-même des contrôles. » L'AMA emet l'idée, pour améliorer ses sources de financement, qu’une partie des droits de diffusion des compétitions internationales soient consacrés à la lutte contre le dopage.


Source : lequotidiendumedecin.fr