Sid Watkins, médecin sécurité

Formule 1 : la mort d’un « prof »

Publié le 31/10/2012
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IMOLA, 1994. Grand Prix tragique. Le vendredi, Rubens Barrichello est victime d’un accident. Il s’en sort blessé. Le samedi, Roland Ratzenburger se tue. Sid Watkins prend peur pour Ayrton Senna : « Tu as été trois fois champion du monde, tu es le coureur le plus rapide. Abandonne et allons pêcher. » Mais Senna ne l’entend pas de cette oreille : « Sid, il y a des choses que nous ne pouvons pas contrôler. Je ne peux pas arrêter. Je dois y aller ». Quelques heures plus tard, Senna se tue sur le circuit.

La mort de Senna affecte profondément Éric Sidney Watkins, professeur de neurochirurgie. Entre eux, il y avait une relation père-fils, née en 1984 lorsque Watkins traita Senna par des corticoïdes pour une paralysie de Bell, lui permettant de courir.

Le rôle principal de Watkins, qui avait été nommé délégué médical de Formule 1 en 1978, était d’améliorer les structures médicales des circuits, qui étaient à l’époque rudimentaires. Dans les années 1970, elles étaient même, selon Niki Lauda, gravement brûlé en 1976, « hasardeuses à l’extrême » : « Tu croisais les doigts et tu espérais ne pas avoir d’accident sur certains circuits ». Il faut dire que, lors du grand prix d’Argentine en 1978, Watkins dut balayer les mouches mortes du local destiné aux installations médicales.

Sid contrôlait tout.

En 1994, les choses avaient bien changé et de nos jours les installations médicales des circuits peuvent faire honte à certains hôpitaux. Les circuits modernes ont de petits blocs opératoires avec des anesthésistes, des chirurgiens orthopédistes et des chirurgiens généraux.

Watkins contrôlait tout, explique Hugh Scully, professeur de chirurgie cardiaque et membre de l’équipe de spécialistes de Formule 1 : « Il inspectait les équipes positionnées autour du circuit plusieurs fois par jour lors des courses pour s’assurer que tout était en place ». Il avait en effet disposé des médecins tout autour du circuit de façon à ce qu’ils puissent intervenir en quelques minutes voire en quelques secondes. Michael Schumacher disait que quand Watkins était sur le circuit, tous se sentaient en sécurité.

Watkins a aussi insisté pour que les circuits soient dotés de transports héliportés. Un jour, en Belgique, il a fait retarder la course jusqu’à ce qu’un problème d’hélicoptère soit réglé.

Après l’accident mortel de Senna, Watkins eut la mission d’améliorer la sécurité. Il s’entoura d’une équipe d’ingénieurs et de scientifiques. D’où l’introduction de colonnes de direction pliantes, de mousse autour du haut du cockpit, de nouveaux crashes tests pour les chocs avant, arrière et latéraux, et de dispositifs de protection de la tête et du cou obligatoires pour tous les coureurs.

Watkins recommanda aussi des modifications des circuits, les redessinant de façon à ce qu’ils puissent absorber l’énergie d’un accident et il rendit les virages plus sûrs.

Watkins est décédé le 12 septembre à l’âge de 84 ans.

D’après l’article d’Anne Guilland, « BMJ » du 27 octobre 2012, p. 34.

 Dr EMMANUEL DE VIEL

Source : Le Quotidien du Médecin: 9183