Dépistage prénatal

L’équité des femmes devant l’information est primordiale

Publié le 12/05/2011
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LA RÉVISION des lois de bioéthique, actuellement en cours au Parlement, est suivie avec une grande attention par le monde de la gynécologie-obstétrique. La discussion du projet de loi en première lecture, en février dernier à l’Assemblée nationale, a suscité un certain émoi dans la profession. Les députés ont alors modifié l’article 9 du texte, en stipulant que les examens de biologie médicale et d’imagerie, permettant d’évaluer les risques pour l’embryon ou le fœtus de présenter une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de la grossesse, devraient à l’avenir être proposés « lorsque les conditions médicales le nécessitent ».

Dans un communiqué, le Collège national des gynécologues-obstétriciens de France (CNGOF) et de nombreuses instances de la profession ont réagi en faisant valoir que cet ajout (« quand les conditions médicales le nécessitent ») introduisait une « nuance en totale contradiction » avec le Code de la santé publique et les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS). De leur côté, les associations de soutien aux personnes trisomiques ont, elles, fait part de leur satisfaction tout comme le collectif « Sauver la médecine prénatale ».

En avril, les sénateurs ont rétabli le texte initial en supprimant l’ajout contesté. Reste à savoir ce que feront les députés quand ils seront amenés à se prononcer de nouveau sur le texte. « Nous nous sommes mobilisés contre le texte de l’Assemblée car il introduisait une évolution très importante qui était de laisser la délivrance de l’information sur le dépistage prénatal à la discrétion du médecin. Cela revenait à remettre en cause l’équité des femmes devant cette information à partir du moment où des médecins se voyaient donner l’autorisation de ne pas proposer ces examens, et donc de priver leur patiente (ou le couple) de la possibilité de décider par elle-même (ou par eux-mêmes) de les réaliser ou non », explique le Pr Puech.

Une information difficile à délivrer.

Le Pr Puech reconnaît cependant que l’information sur le dépistage prénatal n’est pas facile à délivrer. « C’est une information qui doit être fournie en prenant tout le temps nécessaire et sans demander aux parents une réponse immédiate sur le souhait ou non de réaliser ces examens. Il faut s’assurer que les éléments présentés ont bien été compris ce qui n’est pas toujours évident. Cette information pourrait par ailleurs être délivrée bien en amont au cours d’une consultation préconceptionnelle que nous demandons de mettre en place, mais nous nous heurtons à un refus de l’assurance-maladie ».

Pour le président du CNGOF, l’égalité des femmes devant cette information est un principe sur lequel il n’est pas possible de transiger. « On ne peut pas laisser les médecins décider de ce qui est bien ou de ce qui n’est pas bien pour les patientes », estime le Pr Puech, tout en récusant l’argument selon lequel les examens de dépistage sont réalisés de manière quasi systématique en France. « Ce n’est pas le cas ; cela serait de l’eugénisme si, sans informer la femme, on faisait la mesure de la clarté nucale et le dosage des marqueurs sériques et qu’on lui donnait les résultats sans qu’elle n’ait rien demandé. Une information bien faite doit laisser la place aux refus des parents (environ 15 %) ; d’ailleurs, les femmes (ou les couples) refusent de faire ce dépistage pour des raisons multiples. Il peut même arriver qu’une fois le dépistage et le diagnostic effectués, certaines femmes nous disent que, finalement, elles ne veulent pas interrompre leur grossesse. Tout cela prouve bien qu’il n’y a pas de systématisme dans la réalisation de ce dépistage de la trisomie 21 », souligne le Pr Puech qui récuse une information sélective (quand les conditions médicales le nécessitent), mais insiste sur le fait qu’il faut être vigilant sur la qualité de cette information.

Pour ce dernier, le débat ne doit pas faire oublier ce qu’il estime être le « problème de fond » :  l’accueil du handicap dans notre société. « Regardons ce que nous proposons comme prise en charge du handicap dans notre pays. C’est assez scandaleux. Les parents, à qui on annonce que leur enfant va être porteur de telle ou telle anomalie, se projettent immédiatement dans l’avenir. Ils se demandent de manière tout à fait légitime ce que va devenir leur enfant quand ils auront 30 ou 40 ans de plus et qu’ils ne seront peut-être plus en mesure d’assumer sa prise en charge. Le taux d’interruption médicale de grossesse, dans une société, est directement proportionnel à l’acceptabilité du handicap concerné et à la qualité de sa prise en charge par la collectivité. Aujourd’hui, l’espérance de vie des enfants porteurs d’une trisomie 21 a radicalement changé : elle est désormais de 60 ans en moyenne », souligne le Pr Puech, en ajoutant que la priorité est bien « d’améliorer cette prise en charge du handicap et de changer collectivement le regard que nous portons sur la différence ».

D’après un entretien avec le Pr Francis Puech, président du Collège national des gynécologues-obstétriciens de France (CNGOF).

ANTOINE DALAT

Source : Bilan spécialistes