ARTS - À Paris, au Grand Palais, Odilon Redon

Un univers sublime envahi par le rêve

Publié le 25/03/2011
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Crédit photo : COLL. KRÖLLER-MÜLLER MUSEUM

VICTIME des modes – l’impressionnisme, le surréalisme, les courants modernistes, etc. –, le symbolisme bénéficie depuis quelques années seulement d’un regain de faveur bien opportun. Odilon Redon en fut le plus grand précurseur. Son art s’inscrivit à l’encontre du réalisme et du naturalisme qui triomphaient en cette fin de XIXe siècle. Chez Redon, le mystère et le subconscient dominent. L’artiste semble étranger au monde qui l’entoure, ou du moins il le rêve, l’embellit, l’idéalise. Nul étonnement lorsqu’on sait que Redon fut également considéré comme un annonciateur du surréalisme, mouvement fondé sur l’« automatisme psychique ». Ni quand on connaît l’admiration qu’il suscita chez les nabis (Sérusier, Ranson, Denis...), qui développèrent un art simplifié, très décoratif, aux formes synthétisées, à la gloire de la nature, proche du style de Redon.

Dans une référence constante aux songes, aux rêves, aux mythes, le peintre convoque dans ses toiles les forces obscures, les rites archaïques, les symboles et le folklore poétique. Au cœur de cet univers fascinant, proche de l’utopie et envahi d’allégories, évoluent des formes monstrueuses ou angéliques, des fleurs, des araignées, des femmes nues, tout un bal fabuleux, qui conjugue « l’horreur du visage de l’homme aux hideurs enroulées des chenilles, pour créer à nouveau le monstre », pour reprendre le mot de Joris-Karl Huysmans, qui lui rend hommage dans « À Rebours ».

Les talents du peintre bordelais étaient multiples, son inspiration profonde et éclectique. Il maniait avec le même bonheur la peinture à l’huile, le pastel, la gravure et le fusain (la série de ses fameux « Noirs » est l’un des grands moments de l’exposition). Il apprit la technique de l’eau-forte durant ses jeunes années et réalisa de somptueuses lithographies aux contrastes délicats. À partir des années 1890, l’angoisse et la noirceur disparaissent de ses œuvres. Il fait exploser la couleur, utilise le pastel pour donner vie à des arcs-en-ciel subtils de carnations vaporeuses, puis la peinture à l’huile pour laisser libre cours à une palette flamboyante. L’ornement intervient comme valeur ajoutée pour donner à l’œuvre plus de profondeur et de mystère. Halos dorés entourant les figures christiques ou mystiques ; chevelures et vêtements de femmes cernés par d’élégants contours sinueux ; aplats, motifs japonisant, touches délicates : les compositions de Redon sont remarquables d’audace et d’harmonie.

On s’attardera avec délectation sur cette peinture singulière et profonde, qui parle aux sens. Sous un pinceau inspiré y plane un souffle de transcendance.

Galeries nationales du Grand Palais, 8e (www.rmn.fr). Tlj sauf mardi, de 10 à 20 heures (mercredi et vendredi jusqu’à 22 heures). Jusqu’au 20 juin. Catalogue, Éditions RMN-Grand Palais, de l’exposition, 496 pages, 50 euros ; « Odilon Redon, l’expo », RMN-Grand Palais, 400 pages, 18,50 euros.

DAPHNÉ TESSON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8931