ARTS - À Quimper, la Bretagne vue par les paysagistes au XIXe

Une terre promise

Publié le 22/04/2011
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Crédit photo : RMN/J.-G. BERIZZI

AVANT Gauguin et l’aventure de Pont-Aven, déjà la Bretagne fascinait les artistes. Cette région, presque totalement désertée par les peintres au XVIIIe siècle, se vit soudain, dès 1830, l’objet d’un intérêt considérable. Les romantiques trouvèrent dans ces paysages vierges une terre promise qui leur offrait un prétexte idéal à une interprétation lyrique et primitive de la nature, à l’affirmation de la couleur et de la lumière, tantôt opalescente, tantôt éclatante, et à une recherche de simplicité dans la représentation de scènes pittoresques.

Dans les années 1860, la construction de lignes de chemin de fer vers Quimper et Brest accroît la fréquentation de ce « tourisme artistique ». Des familles d’artistes se créent, comme à Douarnenez ou Pont-Aven. Les peintres fréquentent également les ports de pêche comme Cancale, le Croisic, Camaret (voir le menaçant « Port de Camaret par ciel d’orage » peint par Eugène Boudin en 1873) ou Concarneau. Corot, le « père du paysage moderne », peint, notamment sur la côte d’Amour, dans le pays de Guérande, des œuvres influencées par le néoclassicisme, baignées en même temps d’un parfum romantique et annonciatrices de l’impressionnisme : des « Bretonnes à la fontaine » à Bourg-de-Batz et un « Mûr de Bretagne, paysans à la fontaine ». Johan Bartold Jongkind représente quant à lui « Une rue à Landerneau ». Le peintre hollandais fut particulièrement sensible aux lumières et aux atmosphères bretonnes. Sa touche, presque fragmentée, s’affirme sur la toile, émotive et charnelle. On pense bien sûr à l’impressionnisme, mais on sait que Jongkind ne se souciait guère de théories en matière de peinture. Il se contentait de ressentir, d’exprimer son instinct.

Dans les dernières années du siècle, les peintres partent à la découverte de régions encore plus sauvages et s’isolent pour se concentrer sur leur singularité. Ils explorent Saint-Briac, Bréhat, la presqu’île de Crozon, le Cap Sizun... Maximilien Luce, l’artiste néo-impressionniste injustement tombé dans l’oubli, livre sa vision de « la Pointe du Toulinguet » en 1893, avec des jeux de lignes et de courbes rythmées. Et Monet, le grand Monet, se prend d’amour pour Belle-Ile dans les années 1880. Lui qui écrivait joliment « tout change, quoique pierre », montre les variations de lumière sur les falaises et les côtes sauvages.

En 80 peintures, 50 dessins et quelques estampes, ainsi que des livres illustrés, l’exposition montre l’évolution des lieux et des thèmes retenus par les peintres amoureux de la Bretagne, au fil du temps. Des œuvres rêvées, lyriques, authentiques et follement attachantes. On y trouve dans chacune d’elle ce que Gauguin appellera plus tard « le ton sourd, mat et puissant » propre à la Bretagne.

Musée des Beaux-Arts, 40, place Saint-Corentin, tél. 02.98.95.45.20. Tlj sauf mardi, de 10 à 12 heures et de 14 à 18 heures. Jusqu’au 31 août.

D. T.

Source : Le Quotidien du Médecin: 8948