Une ville-étape dans la vallée du Rhône

Vienne, romaine et gourmande

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Publié le 19/05/2023
La cité des bords de fleuve protège un patrimoine antique et culinaire dont on ne soupçonne pas toujours l’importance. Rive gauche, rive droite, elle invite à découvrir dans ses murs et sa campagne des vestiges rares, des trésors culinaires et des vins remarquables.
Le marché du samedi

Le marché du samedi
Crédit photo : PHOTOS PHILIPPE BOURGET

À 30 km au sud de Lyon, il existe une ville et des collines qui protègent des vestiges romains et des traditions de terroir dont on aurait tort de se priver. Cette ville s’appelle Vienne et plutôt que se précipiter par l’autoroute vers le sud de la France pour profiter de la mer et du soleil, un arrêt de deux à trois jours s’impose. Voici donc cette cité et son territoire, 90000 habitants, première agglomération majeure au sud de la capitale des Gaules. Verrou le long du fleuve, dont le cours ondule ici en esthétiques méandres, le site a séduit les Romains qui y ont bâti une cité prospère, avant même de s’installer à Arles et à Nîmes.

Sait-on par exemple que Vienne abrite une « Maison Carrée », l’égale de sa sœur nîmoise ? Si elle n’est pas aussi connue, elle en possède l’allure et les dimensions. Ce temple romain d’Auguste et de Livie, construit vers 2010 avant J.-C., se niche en plein cœur de ville. Il se tourne à l’est vers le belvédère de Pipet, une colline panoramique (grimpette conseillée) au pied de laquelle se déploie le théâtre antique. Réhabilité dans les années 1930, il offre ses 8000 places aux spectateurs du célèbre festival Jazz à Vienne (cette année du 28 juin au 13 juillet). Toute la ville est alors bouillonnante de culture.

Pour mieux comprendre la place de Vienne sous l’Antiquité, il faut filer rive droite, à Saint-Romain-en-Gal. Là se trouve le musée gallo-romain. En traversant la passerelle piétonne sur le Rhône, où glissent en silence quelques péniches, on quitte l’Isère pour le département du Rhône. Un regard circulaire depuis le milieu du pont confirme la place étroite de la ville, tassée entre le fleuve et les collines. Sans doute est-ce pour cela que les Romains s’étalèrent rive droite. Le musée, aéré, dit tout sur l’histoire de cette colonie, depuis les maisons praticiennes cossues jusqu’à l’immense port fluvial et ses entrepôts, aujourd’hui le quartier Saint-Germain.

Si Vienne est romaine – voir aussi l’étrange pyramide en pierre, la spina, vestige de l’ancien hippodrome –, elle est également épicurienne. Rien d’étonnant pour une ville si proche de Lyon, direz-vous, qui s’intègre logiquement dans ce nouveau concept de « Vallée de la Gastronomie ». Ce que l’on sait moins, c’est que Vienne se trouve au carrefour de cinq départements, chacun apportant son lot de merveilles de bouche : l’Isère, le Rhône, l’Ardèche, la Loire et la Drôme.

Un lieu incarne cette diversité : le marché du samedi matin. Belle agora envahissant tout le centre-ville, on y compte plus de 400 étals au pic de la saison. Du lait frais des environs, des fruits du Pilat, des produits maraîchers de la plaine d’Ampuis, de la rigotte de Condrieu, des fromages de chèvre de la Drôme, des caillettes…, et même un marché à la bassine comme on n’en fait plus guère, fruits et légumes à prix cassés quand vient l’heure de replier les tréteaux. Anonymes, Philippe Girardon et Patrick Henriroux y font leurs emplettes chaque semaine. Les deux chefs étoilés du Viennois incarnent ces plaisirs gourmands dont le territoire se targue. Girardon, une étoile Michelin, tient table ouverte au Domaine de Clairefontaine, à 10 minutes de Vienne. Si l’on ne peut s’offrir le restaurant gastronomique, on choisira Le Bistrot, à 800 mètres. Idem pour Henriroux, à La Pyramide. L’un des plus anciens doubles étoilés de France propose à Vienne, à côté de sa table « gastro », une déclinaison bistrot plus accessible. Deux monuments de la gastronomie.

Épatants sont aussi les vins de ce secteur du Rhône. Cela n’aura pas échappé aux observateurs : les collines de la rive droite sont couvertes de vignes. Des vignes pentues, en terrasses, sur des parcelles minuscules, difficiles à travailler mais sur un terroir de grande qualité et bien exposé..., que les Romains exploitaient déjà. Cela explique la qualité et le coût élevé des deux AOC locales : les vins de Côte-Rôtie, face à Vienne (rouges) et de Condrieu (blancs), plus au sud. On n’hésitera pas à aller voir les domaines, Mouton Père et Fils à Condrieu, Semaska à Ampuis, Corps-de-Loup à Tupin-et-Semons… Ce sera l’occasion d’une virée dans des terroirs dominants, comme par la D124 qui, de Condrieu à Tupin via Semons, offre des points de vue superbes sur les coteaux et le Rhône. On pourra même pousser jusqu’au département de la Loire et les premiers contreforts du Pilat, en allant visiter le superbe village de schiste de Malleval. Et peut-être oubliera-t-on l’idée d’aller au bord de la Méditerranée, histoire de faire durer le plaisir sur ces terres hédonistes.

Philippe Bourget
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Source : Le Quotidien du médecin