Éditorial

Crise diffuse

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Publié le 17/03/2023
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Crise des urgences à l’été 2022, crise de la pédiatrie à l’automne, marasme de la psychiatrie, sans oublier le cataclysme lié à la pandémie de Covid : le système de santé enchaîne les convulsions. Mais si la plus importante était la crise démographique ? Applaudis lors du premier confinement, bénéficiaires – pour certains – des mesures du Ségur de la santé, les soignants ont déchanté. Et les difficultés s’accumulent.

Du côté des médecins, la pénurie devrait s'aggraver quelques années encore, ce qui promet de graves difficultés pour l’exercice de ceux qui restent. Pouvoirs publics, élus, institutions, chacun y va de sa solution législative ou conventionnelle… pour libérer du temps médical et renforcer l’accès aux soins, y compris de façon contraignante.

Mais les tensions sur les ressources humaines ne concernent pas seulement les médecins. Une autre catégorie de soignants de santé se fait rare, au point de déstabiliser le fonctionnement de nombreux établissements. On recenserait jusqu’à 60 000 postes d’infirmiers vacants dans les hôpitaux (lire page 10), selon le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI).

Si, côté médecins, les causes de cette démographie en berne se trouvent dans des décisions politiques datant de très nombreuses années, notamment avec le verrou du numerus clausus, pour les infirmiers, le phénomène s’est accéléré avec la crise Covid. On parle « d'essoufflement, de ras-le-bol des soignants » face à une charge de travail qui augmente, mais aussi de perte de sens. Seulement 54 % des professionnels de santé (et 52 % des infirmiers) se disent satisfaits de leur travail, selon l’Observatoire MNH réalisé par Odoxa en septembre 2022. Un chiffre en baisse de 10 points depuis novembre 2017, ce qui doit alerter les autorités de santé. 

Ce baromètre souligne que « les professionnels vivent à la fois très fréquemment, et bien plus que les autres actifs, des sources de stress communes à tout métier (surcharge de travail, interruptions constantes, injonctions contradictoires) mais ils vivent aussi, en plus, des sources de stress assez spécifiques à leur métier ». Les conditions de travail dégradées poussent aux départs des blouses blanches dans les services. Et s’il devient de plus en plus difficile de fidéliser les soignants, il n’est pas plus aisé d’en recruter. Job dating, plateformes de recrutements, vidéos : les établissements affûtent leurs arguments pour convaincre de nouvelles recrues.

Mais pour faire venir des infirmiers, encore faut-il que ces les jeunes finissent leur cursus et ne décident pas de changer de métier. Or, sur la formation aussi, la situation s'avère très tendue. Alors que le nombre de places augmente, à peine plus de 60 % des étudiants en soins infirmiers de la cohorte entrée en Ifsi en 2019 ont été diplômés en 2022… Et dans les motifs d’abandon, les stages jouent un rôle déterminant. L’attractivité du métier doit donc être renforcée dès les études. Un enseignement à appliquer aussi du côté des médecins, alors que des craintes se font entendre au regard de la quatrième année d'internat de médecine générale, des menaces de lois coercitives pour lutter contre les déserts médicaux ou des propositions jusque-là insuffisantes de la convention médicale.


Source : Le Quotidien du médecin