À l’heure où j’écris ce billet, de nombreuses petites têtes multicolores viennent à peine de reprendre le chemin de l’école. Au cours de leur scolarité, elles entendront assurément parler de littérature. Peut-on en dire autant pour le mot « littératie » durant nos études médicales ? Si vous n’avez pas travaillé à l’international, je n’en suis pas sûre… Ce terme désigne pourtant aujourd’hui un des déterminants de la santé publique, à savoir « la connaissance, les compétences, la motivation et la capacité d’un individu à repérer, comprendre, évaluer et utiliser des informations sur la santé lors de la prise de décisions dans le contexte des soins de santé, de la prévention des maladies et de la promotion de la santé, pour maintenir ou améliorer la qualité de la vie au cours de la vie ». Rien que cela ! Alors, pourquoi ce manque ?
Évolution d’un mot
Malgré ce que nous pousse à penser notre chauvinisme, reboosté en période post-Jeux olympiques, le vocabulaire anglais dépasse le français en richesse et en précision. Ici, le sens d’un mot initialement identique à « alphabétisation » a évolué de manière différente dans les mondes anglo-saxon et francophone, jusqu’à créer un vide dans notre dictionnaire. Le concept, beaucoup utilisé dans la santé, avait initialement un focus sur la capacité de compréhension d’une information écrite. Mais il s’est progressivement élargi, incluant des capacités plus complexes et interconnectées comme celle de comprendre des informations sur la santé, de communiquer ses besoins aux professionnels de santé et de saisir des instructions de santé (1).
Apparemment, le terme « littératie » aurait été reconnu par l’Académie française (2). Toujours est-il qu’il n’apparaît pas dans le dictionnaire en ligne de l’institution.
Des études ont établi, chez le patient, un lien entre le niveau de connaissances en santé et l’observance des traitements ou encore l’hésitation vaccinale
La santé publique en jeu
De nombreuses études ont établi, chez le patient, un lien entre l’observance des traitements (3) ou encore l’hésitation vaccinale (4) et le niveau de connaissances en santé. Plus récemment, on a aussi pu observer ce lien avec la sensibilité à la mésinformation. L’étude « Information et santé » de la Fondation Descartes indique par exemple qu’« une sensibilité marquée aux croyances complotistes est (…) associée à un moins bon niveau de connaissances en santé, certainement en raison du fait que de nombreuses désinformations médicales, sur la vaccination ou le Covid-19 notamment, prennent la forme de théories du complot (5).
Donner des clés aux patients
Le rôle de la littératie en santé est aujourd’hui démultiplié par notre monde digitalisé. Le besoin de développer la littératie en santé de nos patients se double du besoin de l’importance de leur donner les clés de l’environnement informationnel digitalisé qui les entoure. Où chercher de l’information en santé lorsque l’on a une question ? Quels risques existe-t-il à faire confiance au « diagnostic » donné par ChatGPT ou par une autre IA générative grand public ? Quelles sont les caractéristiques d’une mésinformation ? Autant de questions à aborder avec eux pendant vos consultations pour les aider à trouver leur voie dans la jungle d’informations.
(1) Van den Broucke S. Health literacy: a critical concept for public health. Arch Public Health. 2014 Apr 1;72(1):10. DOI: 10.1186/2049-3258-72-10. PMID: 24685171; PMCID: PMC3994208
(2) FRAENKEL Béatrice. Littératie. Langage et société, 2021/HS1 Hors série, p.221-224. DOI : 10.3917/ls.hs01.0222. URL : https://shs.cairn.info/revue-langage-et-societe-2021-HS1-page-221?lang=…
(3) Hyvert S, Yailian AL, Haesebaert J, Vignot E, Chapurlat R, Dussart C, De Freminville H, Janoly-Dumenil A. Association between health literacy and medication adherence in chronic diseases: a recent systematic review. Int J Clin Pharm. 2023 Feb;45(1):38-51. DOI: 10.1007/s11096-022-01470-z. Epub 2022 Nov 11. PMID: 36369411
(4) Khoury G, Ward JK, Mancini J, Gagneux-Brunon A, Luong Nguyen LB. Health Literacy and Health Care System Confidence as Determinants of Attitudes to Vaccines in France: Representative Cross-Sectional Study. JMIR Public Health Surveill. 2024 May 7;10:e45837. DOI: 10.2196/45837. PMID: 38713494; PMCID: PMC11109853
(5) Cordonier L. Information et santé (Doctoral dissertation, Fondation Descartes)
C’est vous qui le dites
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Seulement 5 % ?