Le système de soins menace de s'effondrer

Publié le 20/01/2023
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La médecine de tous les jours est en crise. Six millions de Français n’ont plus de médecins traitants. Des milliers de femmes n'ont plus de gynécologue… La surcharge est telle que les vieux médecins ne veulent pas prendre de nouveaux patients et l’on meurt encore aux urgences sur un brancard faute de lits et de personnels.

Les médecins généralistes libéraux consacrent 20 % de leur temps à l’administration et 50 % de leur activité pour payer les charges de leur cabinet. De plus en plus de soignants baissent les bras, choisissent le salariat et l’industrie ou démissionnent. Il faut donc regarder la vérité en face, on est proche de l’effondrement.

Quid du PLFSS

Le déficit chronique de la Sécu laisse peu de marges pour de vraies réévaluations des tarifs. L'objectif national des dépenses de santé augmentera de 3,7 %, si l'on exclut les dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire. Cela correspond à 8,6 milliards d'euros supplémentaires de dépenses courantes par rapport à 2022. Avec l’inflation, on est loin du compte.

Ce budget ne pourra pas préserver l’hôpital. La croissance sera de 4,1 % (soit 4 milliards d'euros) et 5,1 % pour les établissements. L’administration est pléthorique, elle représente 32 % de la masse salariale contre 22 % en Allemagne. La grille des salaires empêche de donner une priorité à la revalorisation des salaires des soignants seule solution pour stopper les démissions et pouvoir recruter.

Les soins de ville : la progression n’est que de + 2,9 %, soit 2,9 milliards d'euros supplémentaires. Le gouvernement assure que cette enveloppe permettra de financer la montée en charge des conventions des infirmiers libéraux ainsi que des pharmaciens et de financer les prochaines conventions des médecins et des kinés.

Cela ne réglera rien car les négociations conventionnelles avec une telle enveloppe ne pourront pas satisfaire les demandes. Les soignants désespérés par cet immobilisme se mettent en grève.

La délégation de tâche est un leurre. Le but est de décharger les médecins des actes simples. Le PLFSS prévoit d'élargir le nombre de professionnels de santé habilités à prescrire et administrer des vaccins. Ainsi, les pharmaciens et les infirmiers disposeront de nouvelles compétences de prescription vaccinale.

La délégation de tâches ne changera rien à la pénurie de généralistes car il ne leur resterait que les actes lourds qui nécessitent plus de temps, souvent plus d’une demi-heure.

D’autres contraintes pointent à l’horizon. Une proposition de loi met en avant une mesure phare : l'obligation pour tous les médecins de participer au Service d’accès aux soins (SAS), cette plateforme universelle de réponse aux soins urgents et non programmés. Seuls les Ordres départementaux pourraient accorder des exemptions à certains confrères « compte tenu de l’âge du médecin, de son état de santé et de ses conditions d’exercice », avancent les députés Horizons.

Autre mesure de régulation, qui risque de faire bondir les praticiens libéraux : les députés souhaitent instaurer « un nouveau mode d’autorisation d’installation » pour les médecins, qui serait géré directement par les agences régionales de santé (ARS)

La certification périodique ou réaccréditation des médecins diplômés sera applicable le 1er janvier 2023. L’État, se plaçant au-dessus des Ordres professionnels auprès desquels on cotise, pourra interdire d’exercer aux médecins réfractaires. C'est reconnaître implicitement que 10 ans d'études formeraient de mauvais médecins généralistes et 14 ans de mauvais spécialistes.

La quatrième année d’internat de médecine générale, une fausse bonne idée pour lutter contre la désertification médicale ? (...) La désertification des campagnes a gagné les grandes villes, il n’y a plus de zones à forte densité. Faire une quatrième année de médecine générale sans encadrement est inepte.

Si cette décision fait plaisir aux partisans de certains élus, c'est un contresens. Elle aura l'effet inverse comme pour les nouvelles contraintes, le conventionnement sélectif ou les délégations de tâches. Obliger à faire une quatrième année décourage un tiers des étudiants dans leur choix de faire médecine générale selon une enquête de l'UNEMF. De plus, cela retarde l'installation et la possibilité de faire des remplacements.

Les solutions existent. Elles sont dans le dernier chapitre de Blouses Blanches colère noire (Max Milo éditions). Elles doivent aller dans trois directions : la simplification administrative avec la suppression d'un tiers des postes pour passer de 34 % à 22 % comme en Allemagne ; la revalorisation des salaires des soignants et de la fonction du chef de service ; le retour à une formation élitiste des médecins.

On peut former de très bons médecins généralistes en 7 voire 8 ans ce qui imposerait de commencer l'Internat de MG deux ans plus tôt.

Dans le discours d'Évry d'Emmanuel Macron (le 6 janvier, ndlr) je n'ai rien entendu dans ce sens.

 

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Membre de l'Académie nationale de chirurgie

Dr Bernard Kron

Source : Le Quotidien du médecin